L'Hôtellerie Restauration : Les chiffres détaillés de l’étude Altarès* montrent une diminution du nombre de cessions qui semble plus structurelle que conjoncturelle dans le secteur CHR ? Comment l’expliquez-vous ?
Thierry Millon : En effet, la crise sanitaire - qui a impacté le volume des ventes en 2020 -, ne doit pas masquer la baisse régulière du nombre de transactions observée bien avant la Covid. En dix ans, le nombre de reprises de fonds de commerce a fondu, tombant de 45 000 en 2011 à à peine plus de 25 000 en 2020, alors que dans le même temps, les créations d’entreprises bondissaient de près de 550 000 en 2011 à plus de 850 000 en 2020.
Aucun secteur n’échappe à ce recul d’attractivité. Dans celui des cafés-hôtels-restaurants, le nombre de transactions dépassait 14 000 fonds en 2011 avant de tomber sous le seuil de 11 000 depuis 2017 et même 8 500 en 2020. Cette érosion structurelle peut trouver des explications multiples. Dans la qualité des fonds proposés tout d’abord. Comme le rappelle la mention accompagnant la publicité d'un placement financier, les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Formulé différemment, l’évolution des modes de consommation, le poids des charges d’exploitation, notamment dans les centres-villes, la question de la main-d’œuvre ou de l’attractivité territoriale, sont autant de contraintes susceptibles de déjouer les pronostics de croissance et de marge des commerces à reprendre.
L’absence de candidat à la reprise du fonds est une autre cause naturelle de l’érosion du marché. Par défaut de succession de famille, de salariés formés, d’insuffisante visibilité de l’offre, les propositions de reprise sont insuffisamment nombreuses. Le financement de l’opération peut également être un frein et être compliqué à obtenir et ainsi conduire l’acheteur à finalement renoncer à son projet.
En revanche les prix de cession ont progressé. Votre point de vue ?
L’hôtellerie, dont les prix de cessions avaient également chuté, revient désormais proche de son prix plafond de 2013, à 365 000 €. La restauration traditionnelle - qui s’était peu écartée d’un prix pivot à 160 000 € - propose depuis 2017 des valorisations sensiblement supérieures. Les débits de boisson se renchérissent également depuis 2017, dépassant désormais très sensiblement les 177 000 € constatés en 2012.
Cette plus forte valorisation tient probablement à une meilleure appréciation de la qualité des fonds de commerce mais aussi au contexte post crise des surprimes qui avait desserré l’accès au crédit à taux bas.
Les contraintes sanitaires depuis 2020 ont bousculé plus ou moins durablement les référentiels d’évaluation des prix de cession mais, avant cela, le numérique avait déjà bouleversé nos habitudes de consommation ces dernières années. Les commerces les plus digitaux, les plus 'interactifs' semblent pouvoir disposer d’un avantage concurrentiel susceptible de renchérir la valeur du fonds de commerce. À ces évolutions technologiques, peuvent s’ajouter des modifications réglementaires sur le droit du travail ou l’accueil du public, des tendances sociétales sur l’éthique ou l’environnement. Les commerces les plus adaptables gagneront en attractivité au juste prix, c’est-à-dire au prix du marché.
*Etude 2021 - Ventes et Cessions de fonds de commerce 2021
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Publié par Propos recueillis par Tiphaine Beausseron