Viande : les bouchers repensent leur offre pour les restaurateurs
Paris
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À l'heure de la traçabilité, du principe de précaution poussé à son maximum et d'une vague vegan qui s'invite sur de plus en plus de tables, les spécialistes misent sur la qualité alliée à l'originalité. Nouvelles filières, morceaux méconnus et viande maturée sont au menu.
Les Boucheries Nivernaises fournissent l'Elysée depuis un demi-siècle.
Aujourd'hui, en France, pour s'approvisionner
en cochon, agneau, veau et volaille de qualité, c'est juste une histoire de
prix et de carnet d'adresses."Yves-Marie Le Bourdonnec ne s'inquiète pas sur ce
point. En revanche, les choses se gâtent dès que l'on parle du boeuf. Là, rien
ne va plus, selon l'artisan boucher parisien. "La viande de boeuf idéale doit
être pauvre en collagène et avoir de bons équilibres de gras, explique-t-il. Pour
ça, les animaux doivent être jeunes."
Autrement dit : arriver à l'âge adulte
très tôt. Ce qui n'est pas le cas de la Charolaise, adulte à 50 mois, comparée
à la Hereford anglaise, qui l'est dès ses 18 mois. D'où la solution de
croisement de races - entre une Salers et un taureau britannique, par
exemple -, prônée par Yves-Marie Le Bourdonnec, qui a développé sa propre
filière en suivant ce parti pris. Mais avec un millier d'animaux, difficile d'approvisionner
des restaurants juste en joues de boeuf ou en onglets. "Ou alors c'est avec
de l'Aubrac, par exemple, mais c'est cher."
Aussi incite-t-il chefs et
cuisiniers à appréhender la carcasse "dans son entier". C'est d'ailleurs
ce qu'il a proposé à Christopher Hache, le chef de l'hôtel de Crillon, où
le boucher vient d'être sollicité pour mettre en place "un approvisionnement
éthique". "Les filets, côtes de boeuf, faux-filets, rumsteaks, bavettes,
onglets sont certes les plus demandés, mais ils ne représentent que 18 %
de la carcasse d'une bête, rappelle-t-il. Or, dans la totalité de l'animal,
on trouve toutes sortes de morceaux de qualité pour satisfaire aussi bien les
besoins d'un restaurant gastronomique que ceux d'une brasserie, d'un room
service ou des banquets."
"La viande
maturée est à la mode"
Même invitation à
la découverte de morceaux méconnus dans les Boucheries nivernaises, qui
fournissent notamment les cuisines de l'Élysée depuis un demi-siècle. "L'onglet
de veau, c'est meilleur que l'escalope. Et l'épigramme d'agneau à griller,
meilleur aussi que la côte d'agneau", confie Serge
Jouan, directeur
de la boutique du centre commercial Parly 2, dans les Yvelines.
Boucher depuis
quarante ans, il a l'habitude de fournir aussi bien le Trianon Palace à
Versailles (Yvelines) que des brasseries parisiennes. "La viande maturée est
à la mode en ce moment", poursuit-il. Car la viande, enveloppée dans un
linge de coton, se bonifie avec le temps. Un temps variable de quinze à
soixante-dix jours selon les viandes et les bouchers. Serge Jouan, lui, table
sur "trois semaines à un mois". Le boucher de Parly 2 évoque aussi des "viandes
de saison" : "L'été, on peut préparer, par exemple, des coquelets à
griller. C'est ce que nous avons proposé au restaurant des Étangs de Corot, à
Ville-d'Avray [Hauts-de-Seine, NDLR]."
Car les restaurateurs comme les
clients sont partants pour découvrir de nouvelles saveurs. Même si les grands
classiques, telle que la côte de boeuf, ont toujours la cote à la carte, l'expérience
gustative peut aussi faire la différence d'une table à une autre. En restant
toutefois vigilant. "J'ai vu de la Holstein maturée vendue comme un produit
d'exception, raconte Yves-Marie Le Bourdonnec. La côte de boeuf
était facturée 120 € pièce dans un grand restaurant, alors que l'achat de la
vache entière ne dépasse pas les… 500 € !"