Avant de mettre en vente votre affaire, vous êtes-vous demandé si elle était
achetable en l'état ? Les agents immobiliers et les cabinets d'affaires se
voient souvent confier des mandats pour la vente d'affaires qui, en l'état, ne
peuvent trouver un repreneur et vont encombrer durant des mois leurs
étagères en attendant un éventuel acheteur et/ou une baisse de prix
significative.
Les principales causes sont non seulement économiques,
financières, administratives et juridiques, mais également relatives à la
vétusté des mobiliers, des équipements et des aménagements.
► Les raisons économiques et
financières
Première cause majeure : une
affaire n'est pas vendable parce qu'elle n'est pas finançable. Une affaire finançable permet par son excédent
brut d'exploitation (EBE) de financer un prêt et de se rémunérer compte-tenu d'un
apport normal généralement fixé autour de 30 % du prix négocié.
Quatre points sont responsables d'un EBE insuffisant.
• Un chiffre d'affaires insuffisant
Il s'agit ici d'un problème classique de marketing et de
commercialisation. Classique car le raisonnement est celui de tout
commerçant : pour augmenter son chiffre d'affaires (CA), il faut vendre
davantage donc agir sur le marché en développant des actions commerciales. Les
questions qui se posent sont : à qui dois-je vendre ? À quel
prix ? Comment ? Quand ?
Il faut mettre en oeuvre un diagnostic commercial pour déterminer les
forces et les faiblesses de votre affaire en interne, et les opportunités et
les menaces de votre environnement en externe.
Ce n'est pas parce que le problème est classique qu'il est facile à résoudre
et le sera rapidement ! Mais si on ne fait rien, la situation va empirer.
• Une consommation de
marchandises trop élevée
Lorsque que le ratio marchandises ([achats de la période + stock initial
- stock final] ÷ CA HT) × 100 est plus élevé que la moyenne
généralement constatée, il faut procéder à trois contrôles :
- un contrôle sur les achats
effectués : prix, qualité, mise en concurrence des fournisseurs, prise en
considération des délais de livraison ;
- un contrôle sur les livraisons :
quantité, qualité, respect de la commande ;
-un contrôle de la production cuisine.
Le contrôle de la production cuisine passe par :
- une cuisine en rapport avec les attentes des clientèles de la zone de
chalandise ;
- des gammes de prix cohérentes avec le ticket moyen voulu par
l'application des principes d'Omnes ;
- le calcul des prix de vente des plats (en fonction des ratios à
atteindre et des prix de la concurrence) par l'application des techniques de
menu engineering ;
- l'établissement de fiches techniques des plats par le chef ;
- le contrôle du respect des fiches techniques (balance en cuisine,
inventaires mensuels).
Le ratio marchandises consommées devrait se situer entre 26 et 29 %
environ du chiffre d'affaires total d'un hôtel-restaurant.
• Des frais de personnel trop élevés
Le niveau des frais de personnel est directement en relation avec la
productivité : ce sont les moyens humains mis en oeuvre pour produire votre
chiffre d'affaires. C'est un poste difficile à gérer dans une activité de
service comme l'hôtellerie-restauration. La simultanéité de l'acte d'achat du
service avec sa production engendre le niveau de qualité de vos prestations et
impacte immédiatement le niveau de satisfaction du client.
On cherche toujours à avoir le meilleur personnel pour produire la
meilleure qualité et prendre l'ascendant sur les concurrents. La question
délicate est donc de savoir si cet investissement mensuel a le résultat
escompté sur le chiffre d'affaires. Si la réponse est négative, il faut savoir
en tirer les conséquences et produire un service à la hauteur de ses moyens en
embauchant du personnel peut être moins prestigieux mais qui assurera ses
fonctions avec une productivité acceptable.
La gestion du personnel passe donc par une réflexion sur votre
positionnement qualité et, par conséquence, sur la tarification de vos
prestations. Si on définit la qualité comme étant la rencontre d'une prestation
dont les composantes correspondent aux attentes de celui qui la consomme, il y
a qualité à tout niveau de prestation et donc de prix.
Pour le ratio frais de personnel pour un hôtel-restaurant, la fourchette
s'établit entre 36 et 39 % du CA HT global.
• Des charges d'exploitation ou des coûts
d'occupation trop élevés
Frais d'énergie, fournitures de bureau, assurances, frais postaux et de
téléphone… Chaque poste mérite une étude, une renégociation annuelle
(assurances, contrats maintenance) et une remise en cause de la façon dont on
consomme. Les coûts d'occupation concernent essentiellement les loyers si vous
n'êtes pas propriétaire des murs.
► Les raisons administratives
Il s'agit
ici du problème récurrent des mises aux normes et des décisions des commissions
de sécurité sur la poursuite ou non de l'exploitation. À l'exception des cas où
il y a une réelle difficulté à réaliser les travaux ou à accepter les exigences
de la commission de sécurité, l'attitude du vendeur est généralement la
suivante :
-
reprendre la liste des travaux demandés par la commission de sécurité ;
- faire
chiffrer ces travaux (au moins deux devis) ;
- faire valider les travaux devisés par la
commission de sécurité (cette phase est importante car elle est obligatoire et garantit
que les travaux chiffrés sont bien ceux demandés par la commission) ;
- dans le cas de travaux nécessités par la mise aux
normes PMR et exigés pour 2015, faites rédiger un rapport (coût environ
1 € du m²) par un organisme agréé décrivant les travaux à réaliser dans
votre établissement et de les faire réaliser en suivant un chiffrage.
Avec cette démarche, il arrive fréquemment que
vendeur et acheteur se mettent d'accord pour prendre en charge 50 % chacun
du montant des travaux. Lorsqu'il y a une réelle difficulté sur les travaux à
effectuer, le vendeur a intérêt à s'entourer d'un cabinet indépendant qui réalisera
un audit sécurité et de négocier avec le pompier une solution qui soit
financièrement ou esthétiquement acceptable. Ce procédé fonctionne généralement
bien car le pompier et le représentant du cabinet sont deux professionnels qui
ont souvent la même formation donc le même langage.
► Les raisons juridiques
Il s'agit ici des difficultés
relatives aux conditions du bail, au paiement des loyers et à la prise en
charge des travaux demandés par l'administration.
Il n'y a pas de marge de
manoeuvre car le bail et ses conditions s'imposent aux parties en cas de litige.
On ne redira jamais assez l'importance d'une lecture et d'une analyse minutieuse
des conditions du bail, toujours avec un spécialiste. Si vous êtes le premier à
signer, n'oubliez jamais que vous vous engagez mais également tous ceux qui
suivront. À accepter des conditions excessives, vous aurez les pires difficultés
pour revendre votre affaire, même si vos résultats sont bons.
Cependant, il existe encore
une possibilité si la difficulté est uniquement le montant de loyer. En effet,
vous pourrez toujours saisir le juge des loyers qui pourra fixer un montant
minoré si vous arrivez à prouver que l'activité commerciale de votre zone s'est
détériorée, entraînant une "modification
sensible des facteurs de commercialité" par rapport à la période où a été
initié le bail.
D'autres raisons peuvent être citées :
- la forme juridique de la structure et l'acquisition de parts ou
d'actions ;
- celles qui apparaissent quand l'affaire à vendre est détenue par
plusieurs personnes qui ont des intérêts opposés (famille, divorce, etc.).
Tous problèmes de cet ordre qui ne sont pas
définitivement réglés peuvent provoquer un échec de la vente.
► Les problèmes relatifs à la vétusté des mobiliers, des
équipements et des aménagements
Faisons un parallèle avec la vente d'immobilier chez les particuliers :
comment traite-t-on un appartement à la vente qui ne reçoit pas beaucoup de
visites et ne plaît pas quand il a été visité ? Par le home staging. On donne
une deuxième jeunesse aux meubles existants (peinture, ponçage, etc.) et on crée
une ambiance en réaménageant les espaces. Cela permet de traiter les problèmes
de vétusté, de décoration, voire de rénovation légère en redonnant aux locaux un
coup de neuf. Le coût varie de 0,5 % à 4 % du prix de vente.
► Ce qu'il faut retenir
- Tant que votre affaire n'est pas achetable, ne la mettez pas en vente,
vous éviterez ainsi l'image très négative d'un établissement qui ne se vend
pas.
- N'attendez pas de vos intermédiaires qu'ils trouvent un acheteur
miracle.
- Allez visiter, dans une ville différente, des affaires identiques à la
vôtre et qui se sont vendues récemment et/ou à un prix identique.
- Avant de mettre en vente votre affaire, posez-vous honnêtement la
question de savoir si vous l'achèteriez à ce prix.
- Les affaires qui se vendent ne sont jamais parfaites, mais elles ont
moins de problèmes que les autres et si elles ont quelques défauts, elles ont
en compensation de grandes qualités.
Publié par Jean CASTELL
jeudi 18 mai 2017