L’Hôtellerie Restauration : Avez-vous toujours voulu devenir cuisinier ?
Non, parce que je ne vivais pas dans ce milieu, mais j’ai vite su, vers 12-13 ans, que je voulais quitter l’école et entrer dans la vie active. À la même époque, mes parents ont déménagé de Marseille à Joucas pour ouvrir une petite auberge avec quelques chambres, alors qu’ils ne connaissaient ni la restauration ni l’hôtellerie. Ils n’avaient aucune ambition de devenir étoilé ni membre des Relais & Châteaux, mais ils ont toujours souhaité améliorer leur établissement au fil des années.
Comment s’est fait le déclic ?
J’ai eu la chance de rencontrer un grand chef, Roger Vergé, qui a acheté une maison l’année de notre installation et a proposé à mes parents de me prendre en apprentissage pendant l’hiver. Rapidement, j’ai eu des idées plein la tête. On apprend vite en cuisine quand on aime et qu’on est passionné. J’ai tout de même passé un CAP à l’école hôtelière d’Avignon. J’ai ensuite travaillé auprès de Joël Robuchon, Gérard Vié et Ferran Adria. L’étoile Michelin a été une reconnaissance de mon travail, cela m’a permis de proposer une cuisine en phase avec mon identité, mon histoire. Je l’ai compris quand je n’ai plus pu enlever certains plats de ma carte, comme la soupe au pistou qui est l’un de mes souvenirs d’enfance les plus forts.
En tant qu’établissement saisonnier, rencontrez-vous des difficultés de recrutement ?
Les profils ont changé mais ceux qui répondent à nos annonces sont vraiment motivés pour travailler avec nous. Je veux lutter contre une idée reçue qui m’agace : le métier de cuisinier n’est pas plus dur qu’un autre ! Les choses ont beaucoup évolué depuis quarante ans, et si on oblige les salariés à faire la coupure, on n’a plus personne. Aujourd’hui, les horaires sont respectés, les heures supplémentaires sont payées ou rattrapées. Et en plus, c’est un métier où l’on donne du bonheur !
Vous êtes devenu président de l’école hôtelière d’Avignon il y a deux ans. Pour quelle raison ?
Au début, j’étais un peu réticent et finalement, je me suis passionné pour cela. J’ai le sentiment qu’à un certain âge, on a envie de transmettre. On m’a beaucoup donné pendant ma carrière donc c’est un devoir de rendre à mon tour. Je souhaite aider les jeunes à voyager, à s’ouvrir aux autres. C’est une chance, il y a peu de métiers qui permettent cela !
Qu’est-ce qui vous marque chez les jeunes que vous rencontrez ?
Les jeunes d’aujourd’hui apprennent très vite. Ils ont deux cerveaux : l’un dans la tête et l’autre dans la poche arrière de leur pantalon ! [il montre son téléphone portable] Je suis surpris de leur intelligence et de leur ouverture d’esprit. Ils n’approfondissent pas les gestes techniques s’ils n’en ont pas besoin mais font davantage de recherches sur le goût, la qualité du produit, l’écoresponsabilité…
Vous venez de fêter les 40 ans du Phébus, quelles évolutions avez-vous observées pendant cette période ?
Tout a changé ! Les attentes des clients, des équipes, la manière de penser, de manger, le service… Je pense que la restauration de demain sera totalement décloisonnée, un chef de rang pourra être chef de partie et vice-versa. Côté cuisine, il y a quarante ans, bien manger c’était manger beaucoup et gras. Aujourd’hui, c’est choisir des produits de qualité et de saison, cultivés dans le respect de l’environnement et du producteur. Cette région, c’est du pain bénit pour trouver des produits de proximité. On fabrique actuellement le monde de demain, qui sera plus responsable et plus solide.
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Publié par Roselyne DOUILLET
mercredi 1 novembre 2023