du 27 janvier 2005 |
TRANSMISSION D'ENTREPRISE |
AU MOMENT DE VENDRE SON ENTREPRISE
CHOIX DIFFICILE ENTRE CESSION DE FONDS DE COMMERCE ET CESSION DE TITRES
À l'heure où nombre de chefs d'entreprise des CHR envisagent de transmettre leur affaire, les récentes mesures fiscales qui exonèrent d'impôt sur les plus-values professionnelles tombent à pic. Zoom sur un dispositif complexe.
Par Agnès Bricard (expert-comptable, présidente d'honneur de l'Ordre des experts-comptables de Paris-Île-de-France, administrateur du Club fiscal du conseil supérieur de l'Ordre des experts-comptables) et Élisabeth Lacroix-Philips (expert-comptable, responsable de www.entreprisevaluation.com)
Quelle que soit la raison pour laquelle vous souhaitez vendre votre affaire, votre premier souci est d'optimiser votre dossier en limitant, entre autres, la charge fiscale. Depuis les lois Dutreil d'août 2003 et Sarkozy d'août 2004 (1), la fiscalité sur les plus-values professionnelles réalisées lors d'une cession d'entreprise est particulièrement avantageuse, mais aussi très complexe, car plusieurs régimes se superposent. Il n'était déjà pas facile au chef d'entreprise de trier les avantages et inconvénients de la cession de fonds de commerce et de la cession de titres de sociétés. Avec ces nouveaux régimes fiscaux qui se chevauchent, cela l'est encore moins. Bien qu'il soit de toute façon impératif à tout chef d'entreprise qui projette de transmettre son entreprise de se faire conseiller personnellement par un expert (expert-comptable, avocat ou notaire), nous vous proposons un aperçu des dispositions en vigueur.
Vous
exercez en nom propre
Si votre entreprise est une
entreprise individuelle, vous n'avez pas le choix : pour la céder, vous devez vendre
votre fonds de commerce. Celui-ci est inscrit à l'actif immobilisé de votre entreprise
et inclut le droit au bail, la clientèle, une enseigne, les immobilisations corporelles.
Le personnel attaché au fonds de commerce doit être repris par l'acquéreur
conformément à l'article L. 122-12 du Code du travail (2).
Dans ce cas, la plus-value de cession correspond à
la différence entre le prix de vente et le prix d'achat majoré des améliorations
apportées au fonds depuis l'acquisition. Ainsi, le prix d'achat s'évalue à partir des
éléments incorporels inscrits à votre actif immobilisé, sachant qu'il faut y ajouter
les valeurs nettes comptables inscrites à l'actif de votre bilan en immobilisations
corporelles, qui correspondent principalement aux agencements-installations attachés au
fonds (en général : travaux d'embellissement, gros oeuvre, mise en conformité), ainsi
que le matériel attaché à ce dernier. La plus-value professionnelle ainsi déterminée
est généralement soumise à l'impôt sur le revenu, sous réserve des cas
d'exonération.
L'exonération
Dutreil : relèvement des seuils de CA de l'art. 151 septies du CGI
Toutefois, depuis l'entrée en
vigueur au 1er janvier 2004 de la loi Dutreil, vous pouvez être exonéré de
l'impôt sur les plus-values professionnelles réalisées si vous remplissez 3 conditions
fixées par l'article 151 septies du CGI, à savoir :
L'activité doit être exercée depuis 5 ans
minimum
Le bien cédé générant la plus-value doit faire partie de l'actif immobilisé et
ne pas être un terrain à bâtir
Le montant des recettes annuelles doit être inférieur ou égal à 250 000 E pour
les hôteliers-restaurateurs
Cette loi a également instauré un système d'exonération dégressive permettant aux
entreprises dont les recettes
annuelles dépassent ce seuil de 250 000 E de bénéficier d'un impôt allégé quand
leurs recettes ne dépassent pas 350 000 E. Ainsi, si elles dépassent 250 000 E, les
plus-values réalisées au moment de la cession de votre fonds de commerce seront
imposées, mais ne le seront totalement que lorsque les recettes annuelles dépassent 350
000 E. En effet, si elles sont comprises entre 250 000 et 350 000 E, seule une fraction
des plus-values réalisées sera imposée.
L'exonération
temporaire Sarkozy : jusqu'au 31 décembre 2005
La loi Sarkozy d'août 2004 crée un
régime temporaire d'exonération totale d'impôts sur les plus-values de cession (art.
238 quaterdecies du CGI). Attention : ce nouveau régime s'applique uniquement jusqu'au 31
décembre 2005, et vous permet d'être totalement exonéré d'impôt sur les plus-values
de cession à condition que :
La vente de votre fonds soit réalisée à
titre onéreux (donations exclues).
La vente porte sur une branche complète d'activité (3). La vente d'un
fonds de commerce en tant que division d'entreprise capable de fonctionner par ses propres
moyens est assimilée à une cession de branche complète d'activité. Par contre, la
cession d'un fonds donné en location-gérance est exclue du dispositif, car la cession du
fonds est considérée comme la cession d'un bien isolé.
Le prix de vente du fonds soit inférieur au seuil de 300 000 E. Toutefois, veillez
à ne pas fixer votre prix de vente à un montant trop proche de 300 000 E (voire à un
montant inférieur de 20 % à ce seuil). En effet, en cas de contrôle fiscal ou de
contrôle sur pièces ultérieur par l'administration fiscale, celle-ci peut procéder à
une évaluation supérieure du fonds de commerce, en fonction d'éléments dont elle seule
dispose (ex. : prix d'autres transactions effectuées dans votre périmètre géographique
sur des biens similaires, qui ont fait l'objet d'une déclaration à la recette des
impôts notamment via le paiement de droits d'enregistrement). Or, si votre prix de vente
est proche de 300 000 E, cette nouvelle évaluation peut rapidement porter la valeur
réelle de votre fonds de commerce à plus de à 300 000 E : vous perdrez alors le
bénéfice de l'exonération et serez taxé sur la totalité de la plus-value réalisée.
Votre
entreprise est constituée sous forme de société
Vous avez le choix entre la cession
de fonds de commerce et la cession de titres. Si vous optez pour la 1re option,
vous pouvez bénéficier des dispositions de l'art. 238 quaterdecies du CGI dans les
mêmes conditions qu'un entrepreneur individuel (la cession doit correspondre à la
cession d'une branche complète d'activité pour un prix inférieur à 300 000 E).
Vous pouvez également opter pour la cession de
titres de votre société. Cela consiste à céder les titres représentatifs de l'actif
et du passif de la société, sachant que l'actif comprend les immobilisations, dont le fonds de commerce, les
stocks, les créances et la trésorerie
et pour le passif, la totalité des dettes.
Dans la mesure où la cession de titres inclut la
reprise des dettes, le prix de cession d'entreprise sous forme de cession de titres est
souvent moins élevé que la cession du fonds de commerce. Pour le cédant, il est alors
plus facile de trouver un acquéreur, et donc bien tentant de céder ses titres.
Toutefois, sachez que cette formule comporte plusieurs inconvénients, parmi lesquels le
régime de la fiscalité des plus-values de cession. En effet, les cessions de titres ne
sont pas assimilées à la cession d'une branche complète d'activité (seule opération
concernée par les dispositions Sarkozy), de sorte que si vous cédez votre société par
cession de titres, vous ne bénéficiez d'aucune exonération d'impôt. Vos plus-values de
cession de titre sont donc taxées à l'impôt sur le revenu à 27 % (dont 11 % de CSG -
RDS). Quelle que soit l'opération de cession que vous avez choisie, faites-vous
accompagner par votre expert-comptable et votre avocat. De plus, en cas de cession de
titres, vous serez amené à signer une garantie de passif sur 3 ans pour garantir
l'acquéreur des conséquences d'un contrôle fiscal ou social.
Vers
une simplification de la fiscalité des plus-values professionnelles ?
L'article 238 quaterdecies du CGI a
pour objectif de favoriser la transmission d'entreprise à titre onéreux en 2005. Mais il
risque paradoxalement d'avoir l'effet inverse. Car en créant un nouveau cas
d'exonération dans des conditions différentes de celles instaurées par les mesures
Dutreil qui se superposent à elles, cela rend plus complexe le dispositif. En outre,
l'imposition en totalité des plus-values lors du dépassement du seuil de 300 000 E crée
une insécurité juridique néfaste à l'utilisation de cette mesure. Au lieu d'encourager
réellement à la cession d'entreprise, cela risque de paralyser les initiatives
d'entrepreneurs prêts à céder leur affaire. Il ne reste plus qu'à espérer que le
projet de loi élaboré par Christian Jacob vienne simplifier les solutions existantes, en
proposant par exemple une exonération définitive des plus-values de cessions
professionnelles après détention du fonds de commerce depuis 15 ans. zzz66e
(1) Loi 2003-721
du 1er août 2003 pour l'initiative économique et loi 2004-804 du 9 août 2004
pour le soutien à la consommation et à l'investissement.
(2) Le stock de marchandises ne fait pas partie du fonds : vous devez le vendre
séparément, et cette cession donne lieu à établissement d'une facture, avec TVA à 5,5
% pour les solides et à 19,6 % pour les liquides.
(3) La branche complète d'activité est définie comme l'ensemble des éléments d'actif
et de passif d'une division d'une entreprise capable de fonctionner par ses propres moyens
(dir. 90/434/CEE du 23 juillet 1990 ; BO 4I-2-00, n°48).
Retrouvez l'Ordre des experts-comptables sur le Salon des Entrepreneurs jusqu'au 28 janvier au palais des congrès de Paris. www.salondesentrepreneurs.com
Tableau récapitulatif de la fiscalité des plus-values de
cession en fonction de votre situation
Tableau schématisant ce que vous
encourez si le prix de vente de votre établissement est évalué par l'administration à
une somme supérieure au seuil Sarkozy de 300 000 E
Art. 151 septies (Loi nº 2003-721
du 1 août 2003 art. 41 a Journal Officiel du 5 août 2003 en vigueur le 1er janvier
2004-Loi nº 2003-1311 du 30 décembre 2003 art. 10 II j, k finances pour 2004 Journal
Officiel du 31 décembre 2003-Loi nº 2004-1484 du 30 décembre 2004 art. 21 finances pour
2005 Journal Officiel du 31 décembre 2004) et 238 quaterdecies du CGI (Loi nº
2004-804 du 9 août 2004 art. 13 Journal Officiel du 11 août 2004-Loi nº 2004-1485 du 30
décembre 2004 art. 52 finances rectificative pour 2004 Journal Officiel du 31 décembre
2004)
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