du 28 avril 2005 |
VINS |
OPUS ONE, ICEWINE, VEGA SICILIA... ET LES AUTRES
DES VINS ÉTRANGERS SUR VOTRE CARTE ?
Il faut se préparer à cette évidence : les vins étrangers seront de plus en plus présents sur nos tables, et continuer à les ignorer n'est pas une solution. De nombreux professionnels du vin l'ont bien compris, qui ont déjà vignobles ou contrats d'association dans de nombreux pays : États-Unis, Brésil, Chili, etc. Oui, un constat s'impose : les vins étrangers sont là !
Il existe de bons vins, voire de très grands vins ailleurs qu'en France. |
Tout le monde en parle, La Revue du Vin de
France y a déjà consacré sa une. Il y a les pour, les contre, ceux qui veulent
continuer à les ignorer, ceux qui sont prêts à les combattre, tel Don Quichotte à
l'assaut des moulins. Après une percée timide - pour tenir compte de l''exception
française' -, ils sont de plus en plus présents dans les linéaires, sur nos
cartes, dans nos verres. Quels sont donc ces envahisseurs ? Voici la réponse qui vient à
l'esprit : les vins du Nouveau Monde. Mais n'est-ce pas trop restrictif ? Après tout, ils
ne sont pas les seuls à tenter de s'imposer sur le marché français : il faut tenir
compte également des vins hongrois, roumains, bulgares, moldaves
sans oublier les
espagnols ou les italiens, déjà très présents, même si c'est rarement les meilleurs
que l'on trouve dans nos pizzerias, etc. Alors, comment réagir ? Faut-il sonner le
tocsin, décréter la mobilisation générale ?
Depuis quelque temps, la presse se fait l'écho de
la percée des vins étrangers sur le marché français et de la baisse spectaculaire de
nos exportations, y compris pour certaines appellations qui, depuis des siècles, ont fait
la réputation de nos vins. Pour la première fois, nos amis britanniques ont importé
plus de vins australiens que de vins français. À tous les niveaux, des solutions sont
envisagées pour enrayer cette baisse des exportations. Faut-il créer de 'super AOC'
comme en Italie avec les DOCG(1) ? Faut-il privilégier les appellations ou
développer les marques ? Chacun a de bons arguments à faire valoir, mais une évidence
s'impose : il faut réagir. En cernant mieux les attentes d'une nouvelle clientèle, sans
pour autant renier le passé ni les traditions, mais aussi en développant une meilleure
connaissance de la concurrence. Il faut arrêter de pratiquer la politique de l'autruche.
Certes, la France possède des vins, une culture vitivinicole et un savoir-faire que le
monde entier lui envie. Elle reste encore le modèle, la référence. Mais nous ne sommes
plus seuls sur la 'planète vins', les très bons vins étrangers existent dans les deux
hémisphères. Je les ai rencontrés. Il ne s'agit pas d'exceptions.
Une
meilleure connaissance des vins étrangers s'impose
"Surtout ne parlez pas des
vins étrangers à vos élèves et à vos étudiants, nous avons assez de bons vins en
France, et qui plus est, nous produisons les meilleurs vins du monde !" Que de
fois ai-je entendu ce discours ! Que de fois me suis-je vu reprocher d'avoir osé écrire
un article sur les vins produits hors de nos frontières, osé proposer de faire figurer
une approche des vins du monde dans les programmes de nos écoles hôtelières !
Heureusement, les choses ont évolué. Il n'est plus
possible de rester à l'écart des échanges internationaux, d'ignorer les nouveaux pays
producteurs, de plus en plus compétitifs, de ne pas prendre en compte les nouveaux types
de consommation. Que de fois ai-je pu constater la surprise, voire le scepticisme de mes
interlocuteurs quand ils ont appris que les États-Unis et l'Argentine font partie des 5
principaux pays producteurs de vins du monde, que l'on produit des vins en Chine et qu'il
existe une route des vins en Grande-Bretagne ! Que de fois ai-je pu constater que nombre d'amateurs, voire de
professionnels, ont des difficultés pour citer 5 vins espagnols ou ignorent tout des AVA(2)
aux États-Unis !
Vous n'êtes pas dans ce cas ? L'Opus One, la Dôle,
le Tokay eszencia, le Brunello di Montalcino, l'Almaviva et le Clos Apalta, le Cotnari, le
Vega Sicilia, le Grange, Sonoma, Stellenboch et l'Icewine canadien n'ont plus de secrets
pour vous ? Félicitations ! Vous avez quelques doutes ? Une petite mise à jour de vos
connaissances s'impose. Vous ignorez superbement ces vins ? Vous êtes alors dans la
situation d'un spécialiste de la musique qui n'aurait jamais entendu parler de Mozart,
d'un spécialiste de la peinture qui ignorerait tout de Cézanne. Soit, si certains de ces
vins atteignent des prix qui n'ont rien à envier à nos premiers crus du Bordelais ou à
nos grands crus de Bourgogne, il y a certainement une raison
Or, tout comme en
France, il existe dans la plupart des pays producteurs des vins pour tous les goûts mais
aussi pour toutes les bourses.
La
solution Vinexpo
Pour différentes raisons, surtout
lorsque l'on est restaurateur, il n'est pas toujours évident de parcourir, verre en main,
les différents pays producteurs de vin du monde. Mais pour les professionnels et les
oenophiles, les vins étrangers sont de plus en plus présents, aussi bien en grande
distribution que dans les boutiques spécialisées. Une petite visite de différentes
enseignes, dans le quartier de la Madeleine à Paris notamment, permet de se faire une
idée sur la diversité et les prix des vins proposés. Avec l'aide d'internet, il est
très facile de trouver les coordonnées des entreprises spécialisées dans la
commercialisation des vins du monde. D'autre part, les professionnels sont souvent
conviés à des dégustations organisées par les ambassades, comme ce fut le cas
dernièrement pour les vins de Hongrie.
Mais pour découvrir les vins du monde, une visite
à Vinexpo s'impose ! La 13e édition de ce salon mondial des vins et des
spiritueux se déroulera à Bordeaux du 19 au 23 juin 2005. Avec la participation de 47
pays et une surface d'exposition volontairement limitée à 41 000 m2, cette
année sera plus que jamais le reflet d'un monde vitivinicole qui change, face à une
conjoncture particulièrement marquée par les soubresauts du marché. Ce salon accorde
une place privilégiée à la restauration avec, entre autres, plusieurs événements
comme 'Être sommelier au XXIe siècle' ou 'L'assemblée générale de la Haute
Cuisine française' qui réunira quelques-uns des 112 étoilés. Et, comme chaque année,
ce programme inclut de nombreuses dégustations, comme celles de l'Union des grands crus
de Bordeaux, des grands blancs de Bourgogne, des Icewines canadiens, des vins d'Espagne,
d'Italie, d'Autriche
Si vous avez l'intention de vous rendre à Vinexpo, attention ! Durant le salon, il est
pratiquement impossible de se loger dans l'agglomération bordelaise si l'on n'a pas
réservé. Sinon, allez-y pour une journée uniquement, mais dans ce cas, souvenez-vous
qu'il est préférable de se procurer préalablement la liste des pays et des exposants
présents, de préparer sa visite et
de s'y tenir - pour ne pas tomber dans le piège classique qui consiste à ne goûter que
les vins déjà connus.
Quelle
attitude adopter vis-à-vis des vins étrangers ?
Il faut garder son calme. Il me
souvient avoir connu semblable situation dans un autre domaine à la fin des années 1950.
Je travaillais à l'époque dans l'hôtellerie et la restauration traditionnelle, quand on
nous a annoncé l'arrivée de l'hôtellerie de chaîne, comme aux États-Unis. L'horreur !
À l'unanimité, tout le monde s'est exclamé : "Qu'elles viennent ! Nos clients
n'accepteront jamais d'être des numéros et de monter leurs bagages !" Et nous
nous sommes assis sur nos certitudes
Les années ont passé, chacun sait la place
qu'occupe aujourd'hui l'hôtellerie de chaîne dans notre pays, mais, une fois de plus, la
France, sentant le vent tourner, a réagi. Et de quelle façon ! Citons un seul exemple :
le groupe français Accor est présent dans le monde entier, où il occupe l'une des
toutes premières places. De nos jours, groupes français et étrangers cohabitent sur le
territoire, et ils sont souvent plus complémentaires que concurrents. Dans le même
temps, des établissements du type Relais & Châteaux se sont regroupés et donnent en
France et dans le monde une image d'excellence de notre hôtellerie et de notre
gastronomie. Naturellement, certains établissements qui n'ont pas su faire les efforts
nécessaires ou qui se sont reposés sur leur gloire d'antan, ont disparu. Eh bien, je me
plais à croire qu'il en sera de même dans le monde du vin. Pour conclure, permettez-moi
de reprendre ce que j'ai écrit dans l'introduction de mon Sujet Interactif* consacré aux
vins étrangers : "Soyons réalistes ! Il existe de bons vins, voire de très
grands vins ailleurs qu'en France. Très souvent, ils sont différents des nôtres.
Constituent-ils un danger pour les vins français ? Je ne le pense pas, pour autant que
ceux-ci continuent à être d'une qualité irréprochable"
et à des prix
abordables, mais c'est un autre débat.
Paul Brunet zzz46v
(1) Denominazione di Origine Controllata e Garantita
(2) American Viticultural Area
* Retrouvez le Sujet Interactif "Le Vin et les vins étrangers" sur www.lhotellerie.fr
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L'Hôtellerie Restauration n° 2922 Hebdo 28 avril 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE