du 19 mai 2005 |
L'ÉVÉNEMENT |
ALORS QUE LA LOI EVIN EST PEU OU PAS APPLIQUÉE
VERS UNE INTERDICTION TOTALE DE FUMER DANS LES LIEUX PUBLICS
Chacun reconnaissait que la loi Evin était une bonne loi car elle permettait la cohabitation des fumeurs et non-fumeurs. Mais en raison d'une mauvaise application de celle-ci, les associations de lutte contre le tabac réclament une interdiction pure et simple de fumer dans tous les établissements publics.
La loi Evin
a maintenant près de 14 ans d'application, mais en pratique, on se rend compte qu'elle
est plus ou moins bien appliquée. Cette loi vise à protéger les non-fumeurs en
instaurant des endroits réservés aux seuls fumeurs. Mal perçue par l'opinion publique
et les professionnels, elle a été détournée dans son principe et bien souvent, c'est
une minorité des emplacements qui sont réservés aux non-fumeurs alors que cela devrait
être l'inverse. En effet, les professionnels pensent trop souvent - à
tort - que leur obligation concerne uniquement la mise en place d'espace
non-fumeurs dans un établissement fumeurs, alors que la loi pose le principe de
l'interdiction de fumer dans les lieux publics sauf dans les emplacements réservés aux
fumeurs. Emplacements qui doivent en outre être correctement ventilés.
L'alliance contre le tabac qui regroupe une trentaine d'associations de lutte contre le
tabac a présenté la semaine dernière un rapport sur le tabagisme passif destiné à
sensibiliser les décideurs politiques pour qu'ils renforcent la réglementation. La
principale recommandation de ce rapport vise à la protection totale des non-fumeurs en
instaurant l'interdiction générale de fumer dans tous les lieux publics et lieux de
travail. Cette association s'est fixée comme objectif de parvenir à Ses fins en 2007. Ce
rapport justifie cette recommandation par des données de santé publique : 3 000
personnes par an qui ne sont pas fumeurs décèdent du tabagisme passif. Si ces
associations revendiquent un renforcement de la réglementation, c'est aussi en raison de
la mauvaise application de la loi Evin qui ne permet pas la cohabitation des fumeurs et
non-fumeurs en préservant les droits de ces derniers.
Les
raisons au dysfonctionnement de la loi
Selon le rapport de l'Alliance
contre le tabac sur le tabagisme passif, plusieurs raisons contribuent à cette mauvaise
application de la loi. Tout d'abord cela tient à une information qui n'est pas effectuée
correctement dans les établissements publics. Alors que l'article R. 3511-7 du Code de la
santé publique impose "une signalisation apparente qui rappelle le principe de
l'interdiction de fumer dans les lieux publics et indique les emplacements mis à la
disposition des fumeurs". Mais en pratique, on constate que cet affichage n'est
pas souvent effectué, ce qui laisse à penser aux clients qu'ils peuvent fumer en toute
liberté. Réellement mis en place cet affichage contribue à un meilleur respect de la
réglementation par les fumeurs.
Autre cause de dysfonctionnement de la loi : les
difficultés liées aux espaces délimités entre les zones fumeurs et non-fumeurs. Il est
constaté que leurs séparations sont souvent floues et plus ou moins virtuelles. Il est
vrai que la réglementation n'impose pas que les lieux fumeurs soient clos et fermés.
Mais si l'espace n'est pas fermé, la fumée va se déplacer et occuper l'espace
non-fumeurs. Pour illustrer son propos, l'association donne l'exemple d'une piscine qui
serait séparée par une simple ligne d'eau, ou d'un côté il serait possible d'uriner et
interdit dans l'autre. Mais outre ces causes, cette mauvaise application de la loi tient
en partie à une absence de contrôle et de répression. Il est vrai que les agents
chargés de constater ou de sanctionner les infractions ne sont pas motivés, quand ils ne
refusent pas purement et simplement de sanctionner les contrevenants. Quant aux actions
devant les tribunaux, elles sont complexes et surtout coûteuses. Et l'association de conclure : "On a promulgué une bonne loi
mais omis de se donner des moyens efficaces de l'appliquer." C'est la raison pour
laquelle l'Alliance contre le tabac demande maintenant une interdiction totale de fumer
dans tous les lieux accueillant du public.
L'expérience
de nos voisins européens
La législation sur le tabagisme
passif diffère largement d'un État membre à l'autre. Bien que les pays membres de
l'Union européenne sont soumis aux directives du Conseil qui traitent directement, mais
de façon limitée, de l'usage du tabac sur les lieux de travail. Une directive précise
que les non-fumeurs doivent être protégés de la fumée de tabac ambiante dans les
cantines et les espaces de détente des lieux de travail. La plupart des pays de l'Union
européenne disposent de lois interdisant totalement ou en partie la consommation de tabac
dans les lieux publics. Dans certains pays, cette interdiction concerne aussi les cafés,
bars, restaurants. On constate d'ailleurs une augmentation des législations dans ce
domaine.
L'Irlande a mis en oeuvre l'interdiction de fumer
dans tous les lieux de travail y compris dans les bars-restaurants, sauf dans les chambres
d'hôtel, le 29 mars 2004. Le non-respect de cette interdiction est passible d'une amende
de 3 000 E. Le gérant de l'établissement qui laisse un client griller une cigarette
encourt la même peine à moins de prouver qu'il a fait tout ce qu'il pouvait pour
l'empêcher. Au cours des 6 premiers mois d'application de cette loi, qui ont donné lieu a plus de 26 000 contrôles, 94
% des établissements respectent cette interdiction.
La Norvège a suivi l'exemple de l'Irlande en
interdisant la consommation de tabac dans les restaurants et les cafés à partir du 1er
juin 2004. En outre, dans un souci de protection du personnel, la possibilité de créer
des salles réservées aux fumeurs a été exclue. L'Italie a aussi rejoint le camp des
non-fumeurs en interdisant de fumer dans tous les lieux publics depuis le 10 janvier 2005.
La loi permettait aux cafetiers et restaurateurs italiens de réserver des emplacements
pour les non-fumeurs, mais selon des normes draconiennes. Mais en raison du faible nombre
d'établissements techniquement équipés pour mettre en place une zone fumeurs conforme,
ces nouvelles règles sont assimilées à une interdiction totale de fumer.
Quant aux conséquences sur la fréquentation de la clientèle, selon l'industrie du tabac
britannique et la Vinters Association, le chiffre d'affaires des bars irlandais aurait
diminué de 15 à 25 %. Mais pour l'Office central des statistiques irlandais, cette
diminution du chiffre d'affaires ne serait que de 3,5 %. L'association cite aussi le cas
de la ville de New York qui, depuis l'interdiction totale de fumer dans tous les lieux
publics depuis le 30 mars 2003, aurait connu une augmentation des recettes des bars et
restaurants de 8,7 %.
En ne respectant pas correctement la loi Evin, les
professionnels des CHR prennent le risque de voir la législation française se renforcer
et instaurer une interdiction totale de fumer dans tous leurs établissements. zzz66h
Pascale Carbillet
Vos
obligations
Délimiter votre établissement en
zones fumeurs et non-fumeurs. En cas d'impossibilité matérielle, vous devez déclarer la
totalité de votre établissement non-fumeurs.
Signaler les emplacements fumeurs et non-fumeurs. Cet
affichage peut se faire par n'importe quel moyen.
Ventiler les zones réservées aux fumeurs en renouvelant l'air ambiant de 7 m3
par occupant pour une aération par ouvrants à l'extérieur (fenêtres et portes) et de 7
litres/seconde par occupant en aération mécanique (extracteurs).
Êtes-vous pour l'interdiction totale du tabac
dans les CHR ?
Restaurants non-fumeurs, l'exemple du
Luxembourg
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L'Hôtellerie Restauration n° 2925 Hebdo 19 mai 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE