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du 20 octobre 2005
L'ÉVÉNEMENT

YVES BUR VEUT PROTÉGER LES EMPLOYÉS DES CHR CONTRE LE TABAGISME PASSIF

LA PREUVE PAR L'IRLANDE

Le député du Bas-Rhin va présenter le 2 novembre à l'Assemblée nationale un texte visant à durcir la loi Evin en matière de tabac. Pour l'élu alsacien, le consensus rencontré autour de l'interdiction de fumer dans les pubs irlandais démontre le bien-fondé d'une telle mesure.
Sylvie Soubes envoyée spéciale à Dublin


Yves Bur milite pour des bars et des restaurants non-fumeurs, comme c'est le cas en Irlande.

Ce qui frappe dans les rues de Dublin désormais, ce sont toutes ces terrasses qui se forment en fin de journée devant les pubs, se résumant parfois à seulement deux ou trois tables. Des aménagements nés de l'interdiction de fumer dans tous les lieux de travail adoptée il y a 14 mois en Irlande. Interrogés sur cette mesure, rares sont les patrons à s'en plaindre aujourd'hui. Mieux encore. La Vintners Association (brasseurs) vante par voie d'affiche l'atmosphère "encore meilleure" des pubs dublinois dorénavant non-fumeurs. Étonnant, dans un pays où bière et cigarette au coin du zinc a longtemps constitué une tradition locale. Voire un symbole. Même satisfaction côté clients. 93 % des Irlandais et 83 % des fumeurs sont d'accord avec la loi. "Le problème paraît plus difficile à résoudre qu'il ne l'est en fait. Si nous avons réussi, vous aussi vous pouvez le faire", a d'ailleurs déclaré la semaine dernière le ministre de la Santé d'Irlande, Sean Power, devant un groupe de Français emmené par le député UMP du Bas-Rhin, Yves Bur, qui va présenter le 2 novembre à l'Assemblée nationale un texte visant l'interdiction totale de fumer dans les lieux publics, y compris dans les bars et les restaurants.


Les fumeurs irlandais se retrouvent désormais à l'extérieur des pubs,
en terrasse ou comme ici dans une cour aménagée pour eux.

"Cette interdiction tombera coûte que coûte"
À l'instar des autorités irlandaises, celui-ci revendique entre autres la protection du salarié ou de l'employé contre le tabagisme passif. Dont les risques sont "largement mesurés" par les associations de lutte contre le cancer. Et sachant que la protection de la santé des personnes entre dans la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, ratifiée par la France. "Cette interdiction tombera coûte que coûte. Alors, pourquoi ne pas la préparer et l'organiser dès à présent ?", relève une responsable de l'Institut National du Cancer (INCa) à l'initiative du voyage. Pour Yves Bur, la 'preuve' par l'Irlande devrait permettre de calmer les esprits récalcitrants. En terre Guinness, l'idée d'interdire de fumer sur le lieu de travail remonte à 1994. à l'époque, un texte de loi touche les cinémas, les supermarchés ou encore les écoles. Les restaurants et les bars peuvent toutefois conserver une partie fumeurs. En 2000, les pouvoirs publics décident d'accélérer le mouvement et décrètent dans un avenir proche une Irlande sans tabac. En 2003, fortes de plusieurs rapports qui démontrent notamment 'la non efficacité' de la plupart des systèmes de ventilation, les autorités optent pour le 'ban', l'interdiction totale. Elle deviendra effective le 24 mars 2004, pubs inclus. La mesure a-t-elle influencé les chiffres d'affaires ? En 2001, les volumes de vente de bière étaient en augmentation de 0,5 % par rapport à 2000, et sont entrés dans le négatif en 2002 avec une diminution de 2,8 %. La baisse est régulière depuis avec -4,2 % en 2003 et - 4,4 % en 2004. Entre avril 2004 et avril 2005, la consommation a encore dégringolé de 3,3 %. "Ces baisses sont dues à une évolution de la société et non au 'ban', affirme l'expert international Luk Joosens. En Europe, le nombre de bars diminue, en particulier dans les zones rurales." Le solide l'emporte aussi sur le liquide. "On mange désormais dans les pubs", constate d'ailleurs Luk Joosens, qui évoque au passage l'exception italienne, avec un nombre d'établissements en augmentation régulière et des baristas "protégés".

Un véritable atout commercial
Pour Yves Bur, au-delà de la santé publique, une interdiction dans nos troquets pourrait être un véritable atout commercial (lire interview page 04). Malgré les chiffres rassurants produits par les irlandais, la mise en place de la mesure en France appelle d'autres interrogations. Qui serait chargé des contrôles ? En Irlande, comme en Italie où le tabac a été banni des lieux clos le 10 janvier 2005, la méthode 'dure' est appliquée à l'encontre des contrevenants, fumeurs invétérés ou patrons négligents. L'amende peut atteindre rapidement 3 000 euros. Dissuasif. L'interdiction n'a toutefois pas été considérée comme une 'atteinte à la liberté' sous la bannière celte. Mais comme le seul moyen "d'agir efficacement" contre les méfaits du tabagisme, passif ou non. Seulement 33 infractions ont été enregistrées par l'Office of Tobacco Control. "Le consommateur étant favorable, je n'ai pas rencontré le moindre problème pour mettre la loi en place", reconnaît le patron du O'Donogues's, qui a fait de la cour attenante au pub le rendez-vous des fumeurs. Si selon la récente enquête de l'Ifop pour le Journal du Dimanche, 80 % des Français adhérent à l'interdiction de fumer dans les lieux publics (56 % des fumeurs), le voisinage sera-t-il enclin à accepter, par exemple, des extensions de terrasses ? Les problèmes de bruit sont légion dans l'Hexagone… Les pouvoirs publics français sont-ils prêts de leur côté à jouer le jeu en cédant quelques mètres carrés de trottoir supplémentaires et à quel tarif ? 10 États canadiens, 7 américains et 5 pays européens ont proscrit le tabac des lieux publics. L'élu alsacien va-t-il réussir à convaincre la France du bien-fondé d'une nouvelle loi, plus catégorique que la loi Evin ? Lionnel Luca, député UMP des Alpes-Maritimes, qui avait été nommé par le gouvernement aux côtés d'Yves Bur pour réfléchir aux possibilités de mutation du réseau des débitants dans le cadre du Contrat d'avenir des buralistes, estime que oui. "C'est de la dépendance au tabac et des méfaits du tabagisme passif", martèle-t-il. à bon entendeur. zzz52 zzz32 zzz24

Questions à Yves Bur

L'Hôtellerie Restauration : On peut dire qu'en Irlande il y a eu un vrai consensus autour de l'interdiction. Pensez-vous que ce soit possible en France ? Surtout que les organisations patronales semblent résolument hostiles à un durcissement de la loi Evin.

Yves Bur : Le travail que je fais doit servir d'éclaireur. Il faut qu'on arrive à susciter
un consensus à partir de faits. Des débats théologiques auront forcément lieu, mais là n'est pas l'essentiel. La réalité est qu'il s'agit de santé publique, de la protection des salariés, des employés, au sein de l'entreprise, y compris dans le secteur de l'hôtellerie et de
la restauration. Pourquoi les personnes qui travaillent dans les CHR devraient-elles être traitées différemment ? Il n'y a aucune raison pour qu'elles ne soient pas protégées autant que les autres. Il est de toute façon urgent de protéger les non-fumeurs des dangers réels du tabagisme passif. C'est autour de ce principe que nous devons désormais nous organiser, d'un point de vue législatif et sociétal.

En France, les CHR rencontrent pas mal de difficultés économiques. Le moment est-il judicieux pour imposer des contraintes supplémentaires aux professionnels ?
Comme je viens de vous le dire, les CHR, comme tous les autres employeurs, doivent prendre consciences qu'ils ont un devoir de protection de leurs salariés. La Cour de cassation vient de statuer de manière très claire à ce sujet. Vous savez, le risque va se rapprocher d'actions en dommages- intérêts. Si un salarié, non-fumeur, est frappé d'affections cardiovasculaires ou d'un cancer lié au tabac, que va-t-il se passer ? Je conseille vivement aux professionnels des CHR de venir en Irlande, de se désinhiber par rapport au problème et de débattre avec leurs collègues irlandais. Je comprends parfaitement les inquiétudes et les appréhensions que peut avoir la profession. Je pense qu'il faut que les syndicats patronaux et de salariés abordent la question ensemble.

Qu'attendez-vous des organisations CHR aujourd'hui ?
L'interdiction est inéluctable. Il est temps d'ailleurs que la profession coupe toute relation avec l'industrie du tabac quand il ne constitue pas le coeur du métier. Ce qui n'est pas le cas, bien sûr, des buralistes. La profession peut soit se préparer dès maintenant, soit jouer la montre. Cette seconde solution me paraît le plus mauvais conseil qui soit. Compte tenu des spécificités du métier, il faut apporter des aides et des accompagnements. La profession a un problème de recrutement. Ne doit-elle pas montrer aux jeunes et à leurs parents que les métiers de l'hôtellerie sont porteurs et ne présentent pas de danger pour la santé ? C'est s'inscrire dans une démarche positive. Il faut, comme ça a été le cas chez nos amis irlandais, que les pouvoirs publics préparent le consommateur à cette révolution. On ne peut pas en permanence parler environnement et ne pas se préoccuper de la qualité de l'air dans les lieux qui accueillent du public. Je ne voudrais pas que dans 10 ou 15 ans, on revive le syndrome de l'amiante à force
de temporiser. La France ne restera pas longtemps à l'écart. Si l'hôtellerie et la restauration n'anticipent pas ce changement, on passera pour un pays retardataire.

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L'Hôtellerie Restauration n° 2947 Hebdo 20 octobre 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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