du 1er septembre 2005 |
PLEIN FEUX |
Christian Willer
Le souci de la transmission
La Palme d'Or à Cannes (06) Le restaurant a fêté ses 20 ans en juin dernier et les 20 ans de maison de son créateur, Christian Willer. Aujourd'hui, chef exécutif de toute la restauration de l'Hôtel Martinez, il travaille à sa succession.
Lydie Anastassion
Christian Willer est attablé dans la salle du
Relais Martinez, tout près de la baie vitrée en bordure de la Croisette. Dehors, les
clients prennent leur petit-déjeuner au bord de la piscine, un matin de juin. Déjà, le
soleil tape et de l'autre côté de la route, l'équipe de la plage privée de l'Hôtel
Martinez termine d'installer les matelas et les transats. Un jour comme tous les autres
dans la vie d'un palace cannois. Enfin presque. Pour le restaurant gastronomique doté de
2 étoiles au guide Michelin, la date est particulière. C'est un anniversaire. La
Palme d'Or fête ses 20 ans, deux décennies au cours desquelles Christian Willer en a
fait une adresse réputée.
"Avant, il n'y avait rien." À 64 ans, le
cuisinier ne semble jamais s'être départi d'un air d'enfance, celui du gamin qui se
lève le matin en se demandant quelle farce il va pouvoir jouer. Un jour, parce qu'il
trouvait l'atmosphère un peu 'tendue' dans la salle du restaurant, il s'est mis en tête
de faire chanter ses clients. Avec succès.
Le 5 janvier 1985, le cuisinier débarque à Cannes, sous 85 cm de neige, au volant de sa
voiture remplie à ras bord. À la demande de Jean Taittinger, alors président du groupe
familial, il vient prendre la direction des cuisines. Il a roulé toute la nuit. Le voyage
s'achève en apothéose. Engagée sur la descente de parking glissante, la voiture termine dans le mur. "Un bon
départ", commente-t-il avec 20 ans de recul.
Après 5 mois de travaux, le restaurant ouvre au premier
étage, face à la Croisette, en lieu et place de l'ancienne terrasse, des vestiaires des
cadres et de la salle à manger des courriers, le personnel des clients argentés de
l'hôtel. L'ascenseur et la galerie d'accès seront construits plus tard. En attendant, il
faut baptiser le nouvel endroit. Le Paris, propose la direction du palace. L'Alsacien
Christian Willer tique : "Pas assez cannois." Quand Dominique, sa femme,
lui souffle "La Palme d'Or", il est sûr de son fait. Après quelques
échanges avec la direction parisienne, Jean Taittinger tranche : ce sera La Palme d'Or.
La barre est placée haut et pas question de faillir.
Autonomie
Doté de 55 places assises et dirigée depuis 1 an par Philippe Caillouet (MOF), La Palme d'Or enregistre une moyenne de 70 couverts par jour pour un ticket moyen de 120 E |
Pour le cuisinier, la
stratégie est simple, "essayer d'être le meilleur, faire reconnaître le
restaurant dans le milieu professionnel, en France et à l'étranger", et
l'objectif est clair : "2 étoiles." La première lui est accordée un an
plus tard - "ma chance", commente le chef - et la seconde en 1995. "La
seconde année après mon arrivée, nous avons remis les découpages à la carte et mis en
place des formations. Il était nécessaire d'avoir un vrai service, un ballet dans la
salle", raconte Christian Willer. Il poursuit : "Au début, les gens
avaient du mal à venir jusqu'à nous, situés trop loin selon eux.
Alors, nous avons tout mis en oeuvre pour ne plus être considérés comme les enfants
pauvres de la Croisette." Pour faire connaître le restaurant à l'international, le
cuisinier profite de la fermeture annuelle pour s'envoler vers des destinations
lointaines. "Pendant 10-15 ans, nous avons été sollicités pour participer à
des semaines gastronomiques dans de grands hôtels. C'est un bon moyen de voir
l'évolution de la cuisine à l'étranger", ajoute-t-il.
Au fil des années, le chef s'est transformé en pilote. À
Cannes ou ailleurs, Christian Willer aurait été un cuisinier de haute cuisine. Au
Martinez, il est devenu le manager de 5 équipes, le superviseur de 5 points de
restauration : La Palme d'Or, Le Relais Martinez, le room service, le banqueting et
Zplage, le restaurant créé l'an dernier sur la plage privée. Cinq points de vente qui
en 2004 ont réalisé, avec le bar, un chiffre d'affaires de 12 900 000 E HT. "Tout
repose sur le principe de l'autonomie. Chaque point possède sa propre identité et pour
les équipes, c'est un élément moteur. On ne compare pas les prestations, celles-ci sont
complémentaires les unes des autres. De cette façon, chacun peut trouver la place là
où il est le mieux", commente le manager.
Une valeur sûre
Les équipes La Palme d'Or |
"Vous savez,vous
avez déjà beaucoup donné à cette maison. Ayez à présent la sagesse de déléguer
pour que tout ce que vous avez mis en place reste et évolue quoi qu'il advienne",
lui glisse un jour Jean Taittinger alors qu'il s'apprête à prendre sa retraite. Pour
faire évoluer La Palme d'Or, Christian Willer a choisi Christian Sinicropi, un Cannois de
33 ans. "Une valeur sûre qu'il aurait été dommage de laisser passer",
précise le chef. "Quand je l'ai embauché, je n'avais pas de place pour lui, je
lui ai proposé d'être tournant", poursuit-il. Christian Sinicropi, qui arrive
des cuisines du Louis XV à Monaco, commencera par faire des club sandwiches pour le room
service. Aujourd'hui, il est le chef des cuisines de La Palme d'Or. Depuis 4 ans, les deux
Christian travaillent ensemble. "Pour les clients, c'est simple, je passe en salle
au début du service et lui à la fin. Il prend les doléances", ajoute le chef
amusé. "Christian Willer en cuisine, Christian Sinicropi aux fourneaux",
a coutume de résumer le tandem.
"Je ne suis pas en concurrence avec Christian
Sinicropi, poursuit Christian Willer, je pense que la cuisine a besoin de se
renouveler. Et La Palme d'Or doit entrer sur le créneau de la nouvelle génération. Il
fait du Sinicropi, moi je le guide de façon à ne pas heurter la clientèle qui, elle
aussi, doit s'adapter. Et j'assure sa légitimité au niveau de l'ensemble de l'équipe,
comme un pilote travaillerait pour la bonne cohésion et l'harmonie. On n'impose pas les
postes, on les propose, commente encore Christian Willer. Ensuite on établit des
objectifs avec des évolutions de carrière." Christian Sinicropi à La Palme
d'Or, Philippe Clauss à Zplage, Christophe Patenotte au Relais Martinez, Joël Manson aux
banquets, chacune des cuisines est dirigée par un chef issu du milieu de la gastronomie
étoilée. Les copilotes sont à leur poste. Et pour un peu, Christian Willer en
reprendrait bien encore pour 20 ans ! < zzz22v zzz18p
"VALORISER LE SERVICE POUR DONNER DE L'ÉMOTION" Son nom est sur la façade et sur la
carte. À 33 ans, Christian Sinicropi (ci-dessus à gauche) est le chef des cuisines de La
Palme d'Or, recruté et préparé à reprendre la direction des cuisines par Christian
Willer. Son idée : "Valoriser le service pour donner de l'émotion. La brigade de
salle constitue un vecteur de communication de premier ordre vers le client. Par la
technicité du service, par sa réceptivité, elle contribue à donner de l'épaisseur à
la prestation, et c'est ce que nos clients demandent quand ils viennent chez nous. Nous
sommes en pleine mutation, la cuisine et la salle jouent à égalité. |
En dates 1954 Apprentissage dans le Doubs |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2940 Magazine 1er septembre 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE