du 28 avril 2005 |
MICHELIN 2005 |
Anne Majourel · Les Demeures du Ranquet · Tornac (30) En 21 ans de cuisine, Anne Majourel n'a cessé d'apprendre. Aujourd'hui, cette étoile "inattendue" récompense sa progression régulière et la sensibilité qu'elle exprime avec autant de simplicité que de coeur.
JEAN BERNARD
Des larmes d'angoisse aux larmes de bonheur
Anne Majourel exerce en cuisine tandis que Jean-Luc gère la cave de ce restaurant acquis il y a déjà plus de 20 ans. |
Si aucune fuite n'était venue bousculer le bon ordre des choses,
Anne et Jean-Luc Majourel auraient appris la bonne nouvelle le 2 mars dernier, soit 21 ans
jour pour jour après l'ouverture de leur restaurant
Ils débutaient alors une autre
vie et n'imaginaient pas se retrouver un jour ainsi récompensés par le guide Michelin.
Et pour cause !
Elle, fraîchement diplômée, tournait le dos à une carrière de prof de sport, alors
que lui quittait les équipes de reportage de FR3. "Nous aimions passer de bons
moments à table mais, comme on ne trouvait pas toujours de bons restaurants, on a eu
envie d'en créer un. Alors, pendant que j'enseignais en ZEP à Vénissieux, Jean-Luc
occupait ses jours de repos à chercher un lieu qui soit un peu à notre image. C'est
comme ça qu'il a découvert le Ranquet, un restaurant saisonnier dont nous avons acheté
le fonds de commerce début 1984. Nous avions alors deux pièces - une petite cuisine et
une petite salle - et des groupes électrogènes, car le mas était un peu perdu. On a attendu quatre ans le raccordement
EDF
Des anecdotes, le couple n'en manque pas. Comme
cette étonnante distribution des rôles au sortir de l'étude du notaire. "Nous
avons tiré à la courte paille qui de nous deux allait faire la cuisine. Et j'ai gagné !"
s'exclame encore Anne Majourel, les yeux pétillants.
Recettes
de famille
Une joie qui ne l'a pas toujours
accompagnée. "Anne a un gros défaut : elle n'a pas forcément confiance en elle",
souligne Jean-Luc, qui gère la cave. "C'est normal, reprend son épouse.
Quand nous avons débuté, je n'avais pas les bases techniques du travail. Il ne se
passait pas un service sans que je finisse en larmes. Je devais à chaque fois 'me sortir
les tripes', et cette énergie que l'on donne provoque la fragilité."
Mais elle a résisté, piochant dans le patrimoine
familial des recettes qu'elle a pris l'habitude, petit à petit, de personnaliser. "J'allais
gratter auprès de toutes les femmes de la famille les secrets des petits plats qu'elles mitonnaient lorsque j'étais
enfant. C'est grâce à elles que je me suis affirmée. Mais c'est en écrivant mon
premier livre que j'ai vraiment eu le sentiment de devenir cuisinière. J'affichais mon
savoir et, à mon tour, je le partageais."
La dernière étape de sa mutation, Anne Majourel
l'a vécue il y a un an. "J'ai eu alors le sentiment de devenir chef quand j'ai
commencé à assumer la direction de ma brigade et à affirmer ce que je voulais en
cuisine. Autrement dit, lorsque j'ai appris à ceux qui composent mon équipe à chercher
au fond de soi l'expression d'un goût. C'est-à-dire ce qui ne s'apprend pas dans un
livre
" Un respect du produit né d'une grande complicité avec les
producteurs cévenols eux-mêmes, ceux qui, par leur viande, fromage, huile ou miel, sont
devenus les complices d'une cuisine marquée par la sensibilité de celle qui la met en
scène.
Une finesse qui s'affiche aussi dans les chambres d'hôtel éparpillées dans la garrigue
depuis 1990 et dans le centre d'art contemporain qui accueille régulièrement des
expositions. Les autres atouts du Ranquet, ce mas qui n'est plus perdu, à quelques
kilomètres d'Anduze. < zzz22i
Les Demeures du Ranquet
Route de Saint-Hippolyte-du-Fort
Tornac
30140 Anduze
Tél. : 04 66 77 51 63· fax : 04 66 77 55 62
www.ranquet.com
En chiffres
Investissements
183 000 E
Le bonbon de brandade de morue, salade de vert de bette à l'huile de truffe
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L'Hôtellerie Restauration
n° 2922 Magazine 28 avril 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE