HÔTEL MARTINEZ
ROBERT GINOYER SE RANGE DES VOITURES
Cannes (06) Le
chef voiturier du Martinez a pris sa retraite après 46 années de bons et loyaux
services.
Robert Ginoyer est la
mémoire vivante du Martinez. |
Robert
Ginoyer, tout le monde le connaît à l'Hôtel Martinez à Cannes. Et réciproquement. Les
employés, mais aussi les clients qui lui confient les clés de leur voiture depuis 1990,
année à laquelle il est devenu 'jockey' (chauffeur) avant de passer voiturier, puis chef
voiturier en 2001, et après avoir occupé les postes d'assistant loge de nuit, postier,
liftier, chasseur et groom. Pour lui, le Martinez est quasiment une 'histoire de famille'.
Dans le domicile familial, quartier de la gendarmerie, il a consacré une pièce pour
stocker les 800 CD qu'il a gravés, des heures de films relatant les grands moments de la
vie de l'hôtel de La Croisette. "J'ai toujours une caméra ou un appareil photo
dans le coffre", commente-t-il amusé. à 61 ans, le nouveau retraité compte
bien profiter de son temps libre pour numériser les 100 films super 8 restants. Pas
étonnant que sa femme Jeannine lui disait simplement "Va à ton hôtel"
quand il partait travailler. Retraité depuis presque 1 mois maintenant, Robert Ginoyer
joue, à sa façon, les prolongations. Le Cannois passe tous les jours devant le Martinez
pour accompagner son petit-fils à l'école. Et ne se fait pas prier pour rendosser
l'uniforme à l'occasion d'une interview.
Coluche,
Jean Gabin
Assis dans le bar de l'hôtel, sa
casquette marron (la marque distinctive du voiturier), assortie à son costume, posée sur
la table basse, l'ancien salarié tourne doucement les pages de l'un des (nombreux) albums
qu'il a consacré au Martinez. Sur sa poitrine à gauche, son nom Robert est épinglé.
Les années et les anecdotes défilent. Là, une photo de Coluche avec lequel il a eu la
joie de manger dans l'arrière-pays niçois, ou encore un cliché de cette BMW entrée
carrément dans le hall de l'hôtel à la faveur d'une course-poursuite. "Le
directeur de l'hôtel m'a appelé à 4 heures. Quand je suis arrivé il m'a dit : 'Ce
nouveau parking vous convient-il ?'", se remémore-t-il amusé. Un de ses plus
beaux souvenirs remonte à ses 15 ans. Le jeune garçon, qui est groom, se trouve devant
la porte avec des voituriers quand arrive Jean Gabin. "Il est venu droit sur moi.
J'étais impressionné. Il m'a tapé sur l'épaule et dit : 'Robert, n'aie pas peur. Je ne
vais pas te manger'." Des bons moments. Et des tristes aussi. Comme ce matin du
16 décembre 1968 où son père se fait mortellement faucher par une voiture, juste devant
l'hôtel.
"Faire
de mon mieux"
C'est grâce à son père, Léon,
chef électricien du palace, qu'il fait ses premières armes en 1959 en tant que groom. Il
a 15 ans. À l'époque, on l'appelle "le petit". 1 à 2 heures en extra,
assez pour se rendre compte que le monde de l'hôtellerie lui plaît bien. Une passion du
travail qui ne l'a jamais quitté. "On savait que cela pouvait être dur,
notamment à cause des horaires, mais finalement, l'ambiance faisait passer les
difficultés", explique-t-il. Et d'ajouter : "C'est pour cela que
l'on reste." "Restait", corrige le retraité. "J'ai
toujours essayé de faire de mon mieux. Les voituriers sont les premiers à accueillir les
clients", poursuit-il. Sa recette ? Sourire, politesse, sens de l'accueil et de
la discrétion
"Je viens d'une famille d'ouvriers, et j'ai pu rencontrer des
stars, des hommes politiques, tout en sachant rester à ma place, sans être envieux."
Pas le temps de rêver. À la maison, ses 3 enfants occupent ses coupures et jours de
repos. À l'hôtel, ce sont ses obligations au comité d'entreprise. Et sa traditionnelle
prestation de père Noël assurée depuis 1979 lors de la cérémonie du sapin de Noël
offert par la direction pour les enfants des salariés. "Une fois, j'ai oublié
d'enlever ma gourmette. Mes enfants ont eu de gros doutes sur l'identité du père Noël !",
raconte-t-il. En décembre dernier, il a rangé sa tenue rouge (confectionnée par sa
femme). "Je compte bien la remettre l'an prochain, en famille."
À l'époque des débuts de Robert Ginoyer, le
Martinez appartenait au domaine public. En 1981, il entre dans le giron de la famille
Taittinger qui le cède, l'été dernier, au fonds de pension Starwood Capital. Témoin en
première ligne de l'histoire du palace, l'ancien voiturier y a puisé une grande partie
de sa motivation. "J'ai vu l'hôtel se transformer, embellir. La clientèle est
montée en puissance de même que les équipes. C'est vrai que cela était très
encourageant pour nous." Actuellement, selon lui, "il ne reste que 3 ou 4
anciens dans mon cas, la plupart bagagistes". Et s'il se réjouit que des jeunes
prennent la relève, il reste lucide sur le changement de mentalité et d'attitude. "Ils
ne feront jamais 40 ans dans un même établissement. Ils ont des opportunités pour aller
travailler à l'étranger, ils bougent."
Pêche, jeu de boules avec les copains, chasse et vie de famille, les jours s'annoncent
déjà bien remplis. "J'étais prêt à partir", précise Robert Ginoyer.
Peut-être que, au hasard de ses pas, il échouera chez l'un de ses copains garagistes,
dans le quartier, chez lequel il avait pris l'habitude d'aller se documenter sur les
grosses cylindrées qui lui passaient entre les mains. "Les gros cubes, c'est pour
le chef voiturier." Sa favorite : la dernière Rolls Royce Phantom, celle qui a
un parapluie dans chacune des portières arrière. "Un bijou."
Lydie Anastassion zzz18p
EN
DATES
1944
Naissance à Cannes
1959
Robert Ginoyer entre comme groom au Martinez en tant qu'extra
Avril 1964
Mariage avec Jeannine
Juin 1964
Embauché définitivement comme chasseur
Décembre 1968
Décès de son père
2001
Passe chef voiturier
Avril 2005
Reçoit la médaille d'or du Travail
Décembre 2005
Prend sa retraite
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L'Hôtellerie Restauration n° 2959 Hebdo 12 janvier 2006 Copyright © - REPRODUCTION
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