du 26 janvier 2006 |
RESTAURATION |
DISPARUE À 89 ANS
Dernier hommage à Hélène Barale, la grande dame de la cuisine niçoise
Nice (06) Dans la ville, tout le monde la connaissait. Comme sa cuisine, Hélène Barale, femme au grand coeur et à l'esprit bougon, qui vient de mourir à l'âge de 89 ans, était indémodable.
Son
restaurant, aux éternels rideaux à petits carreaux rouge et blanc, aux
tables en bois patiné et aux murs jaunis par le temps, a reçu artistes
(Jean-Paul Belmondo, Lino Ventura, Annie Girardot, Alain Delon) et hommes politiques
(Jack Lang, Raymond Barre, René Monory). Les cuisiniers se pressaient chez
elle : Paul Bocuse, Roger Vergé, Jacques Maximin, Jacques Chibois, Alain Llorca,
etc. Elle était devenue experte dans le registre de la cuisine niçoise
: socca, pissaladière, bagna cauda, raviolis, estocaficada, soupe au pistou,
petits farcis, poche de veau farcie, tartes de blettes. Des plats qu'elle avait
appris à confectionner dès l'âge de 8 ans. La presse française
et internationale, dont le New York Times, avaient accru sa popularité,
sans lui tourner pour autant la tête. "Je suis si bien chez moi", disait-elle.
Femme de tempérament, Hélène Barale pouvait être désagréable.
Si des clients ne lui plaisaient pas, elle le leur faisait savoir et ils devaient
faire demi-tour. Sinon, pour les autres, ce petit bout de femme dynamique savait
recevoir. Et, à la fin des repas, au plus fort de sa gloire, elle n'hésitait
pas à faire chanter ses convives, 'Nissa la belle', le chant emblématique
de Nice. Le matin, le restaurant devenait cantine : elle y servait jusqu'à
midi, la pissaladière, cette tarte aux oignons et anchois, croustillante, odorante
et combien succulente, qu'elle cuisait sur de grandes plaques métalliques.
Le soir, c'était le restaurant, avec son menu unique de spécialités
niçoises. Son état de santé l'avait contrainte à abandonner
l'an dernier l'appartement familial situé au-dessus du restaurant où elle
était née le 17 octobre 1916, et qu'elle n'avait jamais quitté depuis.
C'est en 1906 que ses parents, des Italiens originaires de Gênes, avaient
acheté un commerce de vente de vin au détail, rue Beaumont, non loin du
port de Nice. Peu à peu, le magasin reçoit des clients pour la traditionnelle
'merenda' (goûter), chère aux Niçois, puis s'agrandit et devient,
à partir des années 1960, le restaurant Barale, du nom du Piémontais
qu'Hélène avait épousé. "Quand j'étais adolescente,
il y avait des vaches dans le pré, juste en face", disait-elle
récemment, usée par le temps, frêle silhouette immobile, assise derrière la
porte vitrée du restaurant. Elle n'aimait plus trop se raconter, elle qui avait
tant à dire sur cette cuisine dont elle avait consigné les recettes sur des
cahiers d'écolier. Mais s'il lui était sympathique, dans un tutoiement spontané,
elle interrogeait son interlocuteur. S'en suivait un riche monologue où, avec
humour et répliques cinglantes, phrases attendrissantes, elle faisait renaître
tout un passé, sans nostalgie, avec vivacité.
Bernard
Degioanni zzz18c
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L'Hôtellerie Restauration n° 2961 Hebdo 26 janvier 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE