du 20 avril 2006 |
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LES RENDEZ-VOUS DU SENS
Entretien croisé entre André Daguin et le président de la Fédération nationale de rugby, Bernard Lapasset
Quand le président de l'Umih, André Daguin, rencontre le président de la Fédération nationale de rugby, Bernard Lapasset, un seul sujet, bien sûr : le ballon ovale et ses valeurs. Des valeurs applicables au syndicalisme ? Sans doute.
Propos recueillis par Sy. S.
André Daguin : Il y a un phénomène nouveau en rugby, ce sont les gens qu'il attire.
Bernard Lapasset : Effectivement, on a un nouveau public extraordinaire, avec des jeunes, beaucoup de femmes. On est en train de connaître un engouement comme jamais on n'en a eu. Vous savez, le rugby est un sport de valeurs, de convivialité. Au rugby, il n'y pas de chamailleries, pas de bagarres. Les gens ont le sentiment de venir à la fête quand ils viennent assister à un match. On a rempli le Stade de France 2 fois. Stade Français/Biarritz et Stade Français/Stade Toulousain. Ça a vraiment été deux grands moments. Au Stade de France, on a fait une enquête : il y a 60 % qui sont des aficionados, de vrais connaisseurs, et 40 % qui viennent par curiosité.
A. D. : Ce sport de village a réussi sa mutation. C'est aussi un sport qui demande de la réflexion, qui est plus difficile que d'autres à comprendre. Les gens qui aiment le rugby s'intéressent d'abord à ce qui se passe sur le terrain.
B. L. : Aujourd'hui
au rugby, quand un arbitre prend une décision, il donne une explication. Le
public regarde l'arbitre quand il siffle et ce dernier explique par des gestes la faute : balle
à droite, balle à gauche. Je crois que les gens sont à la recherche
de valeurs, d'éléments d'intérêt, et on a réussi à
capter leur attention. Maintenant, il y a de gros scores, il se passe beaucoup de
choses sur le terrain, le ballon vole, ça court dans tous les sens.
Il y a un spectacle et le public
participe. Les règles du jeu ont beaucoup évolué depuis
20 ans, et ça s'explique aussi parce
qu'on est passé professionnels.
A. D. : Le rugby a bien évolué, à l'inverse d'autres sports. Les matériaux ont aussi aidé. Avant, le ballon pesait 15 kg, c'était en cuir traditionnel et quand il était gorgé d'eau, c'était compliqué pour jouer. Je ne vous dis pas les coups de pied… Aujourd'hui, le ballon est léger, il rebondit, il donne de l'action.
B. L. : On a un noyau dur dans nos régions traditionnelles. Mais on s'élargit et on voit apparaître des gens dont les parents ne connaissent pas véritablement la culture de ce jeu. Il y a 2 ans, on avait mis en place une publicité avec des jeunes qu'on n'imaginait pas sur un terrain de rugby, et on faisait parler leurs parents. On a eu le prix de la Meilleure publicité sportive et on travaille sur ce concept. On veut toucher les parents, les frères, les soeurs. Ici, on a toujours besoin du rôle des parents. Ce n'est pas un jeu où on va tout seul : il y a ce côté relationnel important. Le premier comité de France, ce n'est plus le Midi-Pyrénées mais l'Île-de-France. On a un transfert de l'activité rugby vers les grandes métropoles. Cela dit, la qualité, ça reste dans les villages du Midi. On met 2 ans à former un joueur de rugby dans le Nord alors qu'on met 6 mois dans le Sud.
A. D. : L'intérêt aussi de ce sport, c'est qu'on ne peut pas jouer seul. On fait une passe au rugby. On est 15 sur le terrain. On ne peut pas exister seul, et la vedette - s'il y en a une -, c'est que tout le monde le veut. C'est même le seul sport où il y a des gestes préventifs. On avance à plusieurs, jamais seul. C'est un travail collectif, dans lequel il n'y a jamais de rivalité. J'ai aussi vu l'autre jour un match de filles, et j'ai été surpris par la rapidité du jeu. J'ai même entendu dire qu'elles se retrouvaient ensuite au restaurant.
B. L. : On aime bien manger quand on est dans le rugby, on aime bien les bonnes tables. On apprécie aussi de passer un bon moment ensemble. On refait le monde, on refait les équipes de France d'il y a 20 ans, on récite les conclusions d'équipes. En fait, on passe du temps à table. C'est un mode de vie qui participe à l'activité du rugby. Allez, je vais te raconter une anecdote. En 1997, quand on a fait la Coupe du Monde, on était un peu inquiet. Et un soir, tout d'un coup, j'ai dit au médecin, tu m'emmerdes avec ta diététique. On va sortir un peu de bière et de champagne, et on va se détendre. Les gamins ont sorti de la musique, il y a eu des fous rires. Et le samedi d'après, on a mis la plus belle défaite aux Black. Il ne faut pas mettre les gens dans un bocal. Il faut les mettre dans un environnement où ils se battent avec leurs tripes et leur chair. Un peu comme toi au syndicat.
A. D. : Est-ce que j'applique mon expérience du rugby dans le syndicalisme ? Je ne sais pas. Je dis simplement que le syndicaliste doit avoir, 'un', la compétence, 'deux', l'esprit d'équipe. Un type compétent qui n'a pas l'esprit d'équipe, ça ne peut pas rentrer.
B. L. : On a très souvent des demandes d'entreprises qui viennent nous voir à propos du management. Les dirigeants cherchent des joueurs de rugby pour expliquer comment on manage une équipe de rugby. L'ancien entraîneur de l'équipe de France, Bernard Laporte, fait toutes les semaines des conférences dans des entreprises, il explique comment faire pour créer une équipe autour d'un certain nombre de valeurs qui sont celles des entreprises.
A. D. : La meilleure équipe n'étant pas forcément la combinaison des 15 meilleurs. zzz74v
Sens par la
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Repères
Bernard Lapasset est né le 20 octobre 1947 à Tarbes. Il a été champion de France junior Reichel au SU Agenais en 1967 et champion de France corporatif UF Douanes Paris en 1983. Président du comité régional d'Île-de-France de rugby en 1988, il prend la présidence de la Fédération française de rugby en 1991. Il est également vice-président du Comité national olympique et sportif français depuis 1992. Il a reçu en 2003 le prix de l'Excellence sportive du CIO. |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2973 Hebdo 20 avril 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE