du 11 mai 2006 |
VINS |
SURPRODUCTION, LÉGISLATION TROP TATILLONNE, CONCURRENCE DES VINS ÉTRANGERS, PRIX DANS LES RESTAURANTS...
QUELS VINS SERVIRONS-NOUS DEMAIN ?
Récemment, Liliane, restauratrice, fait parvenir ce message sur le site interactif de L'Hôtellerie Restauration :
"Monsieur Brunet, face à l'angoisse des clients devant reprendre le volant, je fais appel à vous. En effet, ils sont de plus en plus nombreux à refuser des vins dont
le degré d'alcool dépasse 12,5°."
Quelques jours plus tard, même cri d'alarme de Lucette. Dans mes réponses, j'ai alors fait part de mon point de vue sur le sujet et donné quelques pistes. Dire que ces échanges ont contribué à la promotion des vins de faible degré serait un manque de modestie. Et pourtant…
Par Paul Brunet, auteur des sujets interactifs 'Le vin et les vins au restaurant' et 'Le vin et les vins à l'étranger'
L'ensemble des appellations et dénominations du Languedoc-Roussillon (AOC et vin de pays) s'est regroupé sous la bannière commune 'Sud de France'. |
Le monde du vin est en pleine effervescence. La viticulture est en crise, l'achat des vins, par la restauration, est en régression (en volume) comme vient de le démontrer une étude réalisée par TNS Sesodip, et cofinancée par l'Anivit, le Cniv et l'Onivins. Les raisons les plus souvent évoquées sont : la surproduction, une législation trop tatillonne, la concurrence des vins étrangers, le prix des vins dans les restaurants. Il y a certainement un peu de tout cela, mais l'expérience prouve que très souvent une crise est salutaire. Au risque de pécher par optimisme, je me plais à croire à des jours meilleurs pour nos vignerons et pour nos amis restaurateurs. Mais dès maintenant, il faut anticiper l'évolution des modes de commercialisation et de consommation, et se poser la question : quels vins servirons-nous demain ?
Évolution prévisible
de la consommation de vin en France et dans le monde
Dans les pays 'producteurs
traditionnels', on continuera à boire moins mais mieux, ce qui est déjà
le cas en France où la consommation moyenne par habitant est passée de
132 litres au début des années 1960 à 55,4 litres en 2003 (source
: dernières statistiques OIV).
Dans les autres pays, on boira
de plus en plus de vins. À condition qu'ils soient de qualité et que
l'offre soit simplifiée. Parmi les zones où la consommation est en progression,
citons les États-Unis, la Russie, le Japon et la Chine. À court terme,
les États-Unis vont devenir le plus gros consommateur de vin du monde (en
volume, bien évidemment). Pour l'Asie, Vinexpo (la société française
organisatrice du célèbre salon éponyme) prévoit une explosion
de la consommation de vin dans les 10 ans à venir. N'est-ce pas une bonne
nouvelle pour nos vignerons et la restauration française ? En effet, les
touristes asiatiques seront de plus en plus nombreux. N'oublions pas que pour beaucoup
de nos amis étrangers, les vins français restent la référence.
Ils mettront donc à profit leur séjour dans notre pays pour apprécier
nos vins.
Évolution des modes
de consommation
Dans la première partie
du siècle dernier, pour les classes dites 'laborieuses', le vin était
considéré comme une nourriture. Pour les hommes, il n'était pas rare
de dépasser 5 litres par jour. Chacun connaît les ravages provoqués
par ces excès. De nos jours, le consommateur de vin prend, et prendra, de plus
en plus en compte de nombreux facteurs parmi lesquels il faut citer l'aspect culturel,
l'environnement, la santé…
Indépendamment de la qualité
de ses vins, la 'Vieille Europe', et la France en particulier, peuvent mettre en
évidence les liens étroits qui existent entre le vin et l'histoire, comment
l'implantation de la vigne a influencé les paysages et les mentalités.
Pour ce faire, il faut développer de façon significative, dans chaque
région de production, et pas seulement dans les régions les plus connues,
l'oenotourisme en y associant pleinement l'hôtellerie et la restauration qui
constituent le plus bel écrin pour faire découvrir et présenter notre
production vitivinicole. Des pays dits 'du nouveau monde', avec une histoire vitivinicole
beaucoup plus récente que la nôtre, le font déjà avec succès.
Au moment où les consommateurs
sont de plus en plus sensibles aux problèmes d'environnement, lors de la prise
de commande, ne serait-il pas souhaitable de mettre en évidence les efforts
considérables entrepris par nos producteurs pour le respect de cet environnement
en proposant des vins issus de l'agriculture biologique ou produits en biodynamie
? Dans ce cas, attention, il faut être en mesure de répondre au client
s'il vous demande quelle est la différence entre les deux. Dans certains pays
producteurs de vins, les préoccupations environnementales ont une importance
primordiale et bénéficient de budgets conséquents. C'est le cas de
l'Afrique du Sud et de la Nouvelle-Zélande.
D'autre part, de nombreuses études
montrent que le vin bu avec modération peut avoir des effets bénéfiques
sur la santé, par la présence de polyphénols, entre autres…
En revanche, l'excès d'alcool pose problème. Il serait donc souhaitable
de mettre sur le marché des vins de faible degré.
Vins
de faible degré, l'offre évolue
Comme nous l'avons vu précédemment,
il existe une demande de plus en plus forte pour des vins de faible degré.
Il faut savoir qu'au cours des 20 dernières années, le degré moyen
des vins a augmenté de 2 degrés ! Lors de ma réponse à nos
amies restauratrices, j'ai fait référence à un rapport du Sénat
où figure entre autres :
"Il existe au moins un segment
du marché pour lequel la demande n'est actuellement pas satisfaite par l'offre
française : celui des vins de faible degré alcoolique. Selon la FCD*,
50 % des ventes de vins de table se feraient sur des produits dont la teneur en
alcool n'excède pas 12 °. En raison de l'insuffisance de ce type de produit
en France, cette part de marché est captée par des vins importés
d'Espagne ou d'Italie."
Depuis la publication de ce rapport,
les choses évoluent : les vins de faible degré ont fait l'objet d'une
conférence très intéressante, organisée par Vitisphère,
dans le cadre du dernier salon Vinisud ; La revue du vin de France de mars
2006 pose la question à la une : "Nos grands vins sont-ils trop alcoolisés
?" Est-ce la fin annoncée des 'vins de garage' ?
Restaurateurs et vins de faible
degré
Attention à bien
faire la différence entre :
Ce que l'on vous propose
comme des 'vins sans alcool'. Ces produits ne peuvent en aucun cas être présentés
sous la rubrique 'vins', mais comme 'boisson à base de vin désalcoolisé'.
Des produits du type 'Lir' 6
% vol. Pour ce type de produits, vous ne pouvez en aucun cas les faire figurer sur
votre carte parmi les vins. Il faut les présenter sous la mention 'Boisson
fermentée à base de raisin'.
Enfin, les vins de faible degré
déjà présents sur le marché : ils sont rares mais ils existent.
Il s'agit soit de vins classiques comme le Cerdon du bugey, la clairette de die,
le limoux blanquette méthode ancestrale…, soit de 'produits nouveaux'
comme le listel Cuvée Pink, un rosé titrant 9 % vol. d'alcool, obtenu
à partir de cépages peu alcooligènes et par arrêt de la fermentation
lorsque le vin atteint 9 degrés d'alcool. Indépendamment de ces quelques
exemples, de plus en plus nombreux sont les producteurs qui ne privilégient
plus la teneur en alcool. Il est maintenant possible, en cherchant bien, de trouver
des vins entre 9 et 11 % vol.
Les vins allégés
en alcool
Des programmes de recherche
ont été lancés pour l'obtention de vins de qualité à
teneur réduite en alcool. Dans la plupart des cas, l'objectif est d'obtenir
une réduction d'environ 2 degrés d'alcool. Il s'agit de procédés
très complexes parmi lesquels peuvent être cités :
Un procédé
français 'Rédux' qui consiste à réduire la teneur en sucre
des moûts avant fermentation.
• Une désalcoolisation partielle
du vin par osmose inverse (déjà utilisée dans le Midi) ou évaporation
sous vide, techniques déjà utilisées dans les pays dits 'du Nouveau
Monde'.
En France, l'Agence nationale de la
recherche (ANR) a accordé son financement à un programme de recherche
sur 3 ans pour l'élaboration de ce type de vin.
Offre simplifiée
Pour l'exportation, mais
également pour le marché français, l'offre devra être simplifiée.
La tendance actuelle est à
la simplification de l'étiquette principale et à l'utilisation d'une
contre-étiquette à vocation pédagogique (cépage(s), caractères
du vin, température de service, accords, etc.).
D'autre part, il n'est pas toujours
évident, pour un consommateur étranger, voire pour certains Français,
de situer géographiquement les AOC vinsobres, morey-saint-denis ou madiran,
pour ne citer que quelques exemples. Après bien des hésitations, des palabres
et des contestations virulentes - nous sommes en France -, de nouvelles structures
se mettent en place À court terme, les vins, surtout ceux destinés à
l'exportation, porteront bien en évidence le label 'France'. Que n'y avions-nous
pensé plus tôt ! D'autre part, sont en train de se mettre en place des
regroupements par bassin de production, de nouveaux labels comme 'Sud de France'.
Si ces regroupements d'appellations sous une 'bannière régionale' semblent
faire leur chemin, en revanche, les débats sont toujours aussi vifs lorsqu'il
s'agit de savoir si doivent être privilégiés l'appellation, la marque
ou le cépage. Et s'il s'agissait d'un faux débat ?
* Fédération des entreprises du commerce et de la distribution. zzz46f
Article précédent - Article suivant
Vos questions et vos remarques : Rejoignez le Forum des Blogs des Experts
L'Hôtellerie Restauration n° 2976 Hebdo 11 mai 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE