du 4 mai 2006 |
MICHELIN 2006 |
Poire belle-Hélène au foie gras
Selon une tradition bien établie, vous retrouvez avec ce numéro de L'Hôtellerie Restauration le palmarès des étoilés Michelin de l'année, c'est-à-dire la "crème de la crème", comme disent les Américains, avec l'accent de Boston (très chic) de la cuisine française, donc mondiale - n'ayons pas peur des mots. Bien sûr, la parution de ce palmarès, c'est comme l'affichage des résultats de l'entrée à l'ENA : il y a les heureux élus qui, impudiquement, entrevoient déjà leur bureau à l'inspection des finances, et ceux qui ne peuvent que constater la fin de leur espoir de devenir le haut fonctionnaire dont toute la famille a rêvé. Alors, on se reproche d'avoir trop souvent sacrifié aux joies du ciné et d'avoir préféré une régate ou un match de foot à l'étude assidue du Traité élémentaire de droit administratif en 2 000 pages et 3 volumes, ce qui se comprend…
Pour la cuisine, c'est pareil et c'est différent. C'est pareil, parce que ne pas décrocher cette maudite étoile qui brille chez le voisin ou le copain de promo de l'école hôtelière, ça met en rage, pour ne pas utiliser un langage moins académique. Et c'est différent parce que la cuisine, c'est une passion que l'on exerce toute sa vie. Donc que l'on garde toutes ses chances pour l'année suivante, puisqu'il n'y a pas de limites autre que la décision des inspecteurs du guide.
Justement, ces inspecteurs du guide, comment jugent-ils les mérites respectifs d'un établissement qui connaîtra, dans l'édition suivante, la consécration étoilée d'un autre, où finalement la cuisine est comparable, et qui restera dans l'ombre de l'anonymat, encore que tout heureux de figurer, c'est mieux que rien, dans le guide rouge ?
Mais, répétons-le, inutile de s'en prendre aux décisions du Michelin qui continue imperturbablement
de choisir ses lauréats sans prendre la peine d'expliquer comment. C'est
son
droit, et ne sont agacés - vous avez remarqué - que ceux qui ne bénéficient
pas de la récompense suprême. Sans oublier les sempiternelles jérémiades
dont certains chroniqueurs se sont fait une lassante spécialité, eux qui
connaissent bien évidemment des dizaines de restaurants beaucoup plus intéressants
que les promus de l'année.
On essaie
d'exister comme on peut.
Mais alors, quelle est la 'tendance' dans le Michelin 2006 ? Et d'abord, y en a-t-il une ? Disons, en passant en revue les recettes que cite le guide, qu'il y a encore une belle part faite à la tradition, ce qui n'est que justice : un pigeonneau aux girolles, qui n'est certes pas le symbole d'une avant-garde culinaire, peut mériter largement une étoile ou davantage. Mais les inspecteurs du guide, contrairement à un reproche trop souvent avancé, ne sont pas les thuriféraires exclusifs du classicisme. Il suffit de constater la reconnaissance dont bénéficient des chefs qui cultivent un modernisme débridé : goûtez la Poire Belle-Hélène au foie gras de François Gagnaire au Puy-en-Velay ou le Boeuf piquant aux huîtres rafraîchies de concombre de Benoît Vidal à Joucas, pour comprendre que le Michelin ne répugne pas aux expériences avant-gardistes. Il y en a pour tous les goûts, ce qui permet de finalement estomper les frontières pour ne reconnaître qu'un seul critère, cher à Paul Bocuse : "Il n'y a que deux cuisines, la bonne et l'autre."
Et pour tous ceux qui ont malgré tout encore envie de décrocher
l'étoile, puis 2 et pourquoi pas 3, n'oubliez pas que Michelin leur
facilite la vie avec l'une de ses plus belles trouvailles : le Bib Gourmand qui
rencontre un immense succès auprès des lecteurs du guide, qu'il ne faut
jamais oublier dans l'affaire. C'est pour lui que vous travaillez.
H.R.M
zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 2975 Magazine 4 mai 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE