du 27 décembre 2007 |
ÉDITO |
La dictature du consumérisme
C'était
il y a longtemps : la profession était, on espère qu'elle l'est encore,
un métier d'accueil où les notions de satisfaction, de plaisir et de bien-être
du client, la qualité du service, le sourire de la réceptionniste
et le talent du chef composaient un cocktail équilibré pour la réussite
de l'entreprise.
Et puis vint l'ère du marketing, des consultants, des
sociologues et autres penseurs qui avaient essayé de comprendre les traductions
des bouquins publiés dans les business schools d'outre-Atlantique. Tout
cela était très beau : on a eu des chaînes 'budget' avec une architecture
digne d'une banlieue de Kiev ou de Novossibirsk (il faut y être allé pour comprendre,
encore que le paysage depuis l'autoroute entre Roissy et la porte de Bagnolet
soit déjà suffisamment instructif…), on a eu droit aux chambres
'normées', aux menus express, sans oublier les multiples programmes de fidélisation,
les campagnes de 'valorisation du produit', comme on dit dans les écoles de
commerce et aujourd'hui dans les écoles hôtelières, sans oublier
les interventions pertinentes des pouvoirs publics, qui depuis Bercy, ne riez pas,
nous expliquent comment améliorer le sens de l'accueil. Un peu comme dans un
bureau de recette des impôts, par exemple.
On a eu aussi, consumérisme oblige, les techniques inspirées
de stages infligés aux navigants des compagnies aériennes ou
des serveuses des chaînes à thème, du genre : "On est
content de vous avoir à bord car vous êtes un passager important"
(merci pour celui ou celle d'à coté qui n'a pas la bonne carte de
fréquent 'traveller') ou bien, "Vous avez choisi l'entrecôte frites
? très bonne idée, c'est mon plat favori !". Ainsi, le client est
devenu un consommateur, cet être essentiel qui fait et défait les indices
de conjoncture, cet objet de toutes les sollicitations qu'il faut absolument conditionner,
formater, intoxiquer d'exigences imposées par les bureaux d'études, concepteurs
de tendances et autres grands prêtres de la consommation élevée
à la hauteur d'un dogme effroyablement kafkaïen.
Et le plaisir donné au client, dans tout ça ? Il
est temps de conforter le savoir-faire et le meilleur des traditions de notre pays
qui continue, n'en déplaise aux Cassandre en tout genre, de caracoler
en tête des destinations préférées des voyageurs venus de toute
la planète. Et il n'est pas indécent de songer que la profession participe
à ce succès grâce à ses qualités intrinsèques
qui trouvent grâce auprès des touristes de tous horizons.
Faut-il pour autant s'en remettre à une dictature consumériste,
digne de ces journaux spécialisés dans la 'défense du consommateur'
pour qui rien n'est jamais trop bien ?
De l'auberge de campagne qui soigne son confort et sa cuisine,
mêmes si la déco n'a pas l'heur de plaire aux habitués des 'concepts'
en tout genre, jusqu'à la table gastronomique où la créativité
du chef le dispute à la sollicitude du service, l'hôtellerie et
la restauration française n'ont pas à rougir de leurs prestations,
bien au contraire. Et sans tomber dans l'autosatisfaction béate, n'oublions
pas ce que disent nos amis d'outre-Rhin qui fréquentent assidûment l'Hexagone
: "Heureux comme Dieu en France."
L.
H.
zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 3061 Hebdo 27 décembre 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE