Restauration
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Reine et Nadia Sammut,
une transmission en douceur
CADENET
Cette année, l’auberge de La Fenière fête ses 40 ans. Petit à petit, la chef
et son époux passent le relais à leur fille, qui ouvre le restaurant à tous avec une cuisine
sans allergène. Rencontre avec les deux femmes.
PROPOS RECUEILLIS PAR ANNE GARABEDIAN
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Reine Sammut :
“À notre tour de
transmettre
”
“V
oilà 40 ans que je cuisine.
En 1975,
Claudette
- la maman de
Guy
[son mari] -, commençait à me
laisser les rênes du restaurant
de Lourmarin. Elle vient de
nous quitter, et jusqu’au bout,
j’ai appris d’elle. Claudette m’a
beaucoup donné, bien plus que
ce que sa propre mère ne lui avait
laissé.
Avec Guy, on se disait qu’il
faudrait bien un jour céder cet
instrument de travail de quarante
ans, ce morceau de vie. Et puis
notre fille
Nadia
est venue
avec son projet bien ficelé de
‘cuisine pour tous’ [c’est-à-dire
sans allergène, NDLR], qu’elle
aurait pu monter n’importe où,
mais qu’elle a souhaité faire
ici. Elle a 34 ans, la jeunesse et
l’envie. Comme Claudette l’a fait
avec nous, nous allons pouvoir
l’accompagner. À notre tour de
transmettre ! Je n’aurais jamais
proposé cette reprise à mes filles
parce qu’on ne voulait rien leur
imposer. Mais là, bien sûr cela
nous fait plaisir et nous restons à
ses côtés avec amour.
“On s’y casse le nez”
La superficie de restauration
était trop importante : entre
la table gastronomique et le
bistrot, il devait y avoir 350 m
2
!
Nous avons créé une boutique,
une école de cuisine, un espace
d’accueil de séminaires… Et en
modifiant l’allure du bistrot, nous
l’avons adapté pour qu’il devienne
un restaurant où les menus à 32 et
38 € côtoient les dégustations à
78 €, faisant la part belle aux plats
emblématiques de La Fenière.
Tout est bien organisé : Guy
continue de s’occuper des
marchés et des vins, je traite les
commandes et je cuisine avec
Nadia, qui se consacre surtout au
pain et aux desserts. Nous avons
retravaillé toutes les recettes
de Claudette et les miennes.
J’aimerais avoir plus de temps
pour faire des essais, car les
contraintes du sans allergène sont
autant de challenges. C’est comme
si on me donnait de nouveaux
produits à tester : je me régale,
c’est une vraie ouverture dans ma
cuisine. Ce qui est bluffant, c’est
qu’on s’y casse le nez, notamment
sur les desserts, qui n’y perdent
rien mais au contraire gagnent en
légèreté.”
Nadia Sammut :
“
Je suis une
militante de la cuisine pour tous”
“Depuis toute petite, pour moi
manger signifiait ‘être malade
ensuite’. Je n’avais pas de
plaisir, puisque la nourriture
était associée à la crainte d’une
nouvelle crise, sans comprendre
ce qui pouvait la déclencher.
Nous savons maintenant que je
suis notamment intolérante au
gluten et au lactose, et je dois
vivre au quotidien avec la maladie
cœliaque. Dans ce cas, cuisiner
sans allergène est une obligation.
Mon projet est né de ces quarante
ans d’histoire initiés par les
saveurs transmises par ma grand-
mère. J’ai proposé à mes parents
et ma sœur,
Julia
, de discuter
de la suite de La Fenière. Tout de
suite, ils ont adhéré au principe
de la transmission. Je crois qu’ils
étaient émus. Ensuite, nous avons
affiné ensemble les détails du
projet.
“Ce projet est un hommage
à mes parents”
Nous restons la maison de la
famille Sammut, un foyer engagé
pour la cuisine méditerranéenne.
J’y amène l’accessibilité de
la cuisine pour que chacun,
intolérant ou non, puisse y
manger avec plaisir. Nous avons
travaillé chaque plat sans jamais
sacrifier le goût.
Tout ce travail a demandé
beaucoup de réflexion : pour le
pain et toutes les pâtes levées, il
a fallu décrypter chaque farine
avec ses propres caractéristiques.
Pour la pâtisserie, je cherche sans
relâche à étudier comment vont
réagir deux ingrédients associés.
Dans une crème pâtissière sans
lactose, le gras de l’amande
permet d’amalgamer les saveurs.
Le paris-brest, rebaptisé Paris-
Lourmarin, était le premier
gâteau à ‘traduire’, car c’est le
dessert préféré de mon père.
De toute évidence, ce projet est
un hommage à mes parents, à
l’héritage culturel qu’ils nous ont
transmis. Ici, nous cuisinons pour
tous, avec un réel engagement. Et
le fait de mettre tout le monde à
table est déjà une réussite.”
Auberge La Fenière
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eì
0@ìBìì
ì
ì ì
www.reinesammut.comEn cuisine, derrière
Reine
et
Nadia Sammut
,
les photos de famille.
Christian Etchebest :
“MasterChef est une
très belle expérience”
À la tête de trois établissements
parisiens, le chef est un véritable
ambassadeur de la bistronomie.
Habitué des tournages, il débarque dans
0T1-77-32ì()ì
ì%:)'Aì4396ì3&.)'8-*Aì()ì
vivre pleinement cette aventure humaine.
L’Hôtellerie Restauration :
Quelles ont été vos
impressions sur le tournage ?
Christian Etchebest :
L’ambiance était super sympa !
Chacun a tout de suite trouvé sa place auprès des
autres membres du jury et dans l’équipe.
Sandrine
[
Quétier
, la présentatrice, NDLR] a apporté sa
bonne humeur et nous avons passé sept semaines
de bonheur, sans aucune tension. C’est une très belle
expérience. J’ai eu l’opportunité de faire d’autres
tournages et, pendant MasterChef, j’ai vraiment pris
du plaisir. Je suis fier de cette émission. Si l’on me
propose une prochaine saison, je rempile de suite !
Quel conseil avez-vous donné aux candidats ?
D’être prudents. Même s’ils se qualifient pour
l’Atelier ou la finale, ils ne sont pas au bout de leur
peine, loin de là ! Il faut plusieurs années pour
apprendre ce métier mais je pars du principe que la
cuisine appartient à tout le monde. Cela passe par de
nouvelles formations, des stages… J’ai débuté dans
le milieu à 15 ans et ouvert mon premier restaurant
à seulement 29 ans. S’ils veulent changer de voie
et être à la tête d’un établissement, ils doivent s’en
donner les moyens. Je leur conseille donc, dans un
premier temps, de monter un projet autour de la
cuisine avant d’ouvrir un restaurant.
Des candidats vous ont-ils surpris ?
Je me suis attaché à tous. Je retiens avant tout la
marge de progression de chacun. Les candidats ne
travaillent pas de la même façon entre le début et
la fin de l’aventure. Tous se sont améliorés. C’est le
but de l’émission. Ceux qui auront le plus écouté les
conseils des chefs et auront su gérer le stress sont
ceux qui auront le plus appris de cette expérience
extraordinaire. Les candidats sont des personnes
passionnées et la transmission leur a permis de
progresser. C’est vraiment une belle aventure
humaine !
© JEAN-PHILIPPE GARABEDIAN
Christian Etchebest
:
“Il faut plusieurs années pour apprendre ce
métier mais je pars du principe que la cuisine appartient à tout le
monde.”
La salle du restaurant s’ouvre, aux beaux jours, sur une terrasse ombragée.
© JEAN-PHILIPPE GARABEDIAN