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L’Hôtellerie Restauration
N° 3508 - 21 juillet 2016
FONDS DE COMMERCE
Transmission de
fonds de commerce :
un marché grippé
Tiphaine
Beausseron
www.lhotellerie-restauration.fr/publications/tiphaine.beausseron
Depuis trois ans, le nombre de cessions ne
cesse de diminuer. En restauration, le Bodacc
a enregistré moins de 8 000 transactions
en 2015, contre plus de 10 000 en 2012.
Analyse avec Philippe Maître, président de la
commission commerce Fnaim et administrateur
de la chambre des experts Fnaim.
L’Hôtellerie Restauration :
Pourquoi les
chiffres du Bodacc sont-ils inquiétants ?
Philippe Maître :
Malheureusement, ils si-
gnifient que de nombreux professionnels
du secteur veulent vendre mais n’y par-
viennent pas ou, quand ils y parviennent,
c’est à moindre prix. Le site de
L’Hôtellerie
Restauration
affiche plus de 25 000 fonds
de commerce à vendre et selon un sondage
réalisé par CHD Expert en 2015 auprès de
professionnels du secteur, un tiers des di-
rigeants déclarait avoir mis en vente leur
établissement et un tiers envisageait de
vendre dans les 24 prochains mois. Or, se-
lon le
Bulletin officiel des annonces civiles
et commerciales
[Bodacc], le secteur CHR
a enregistré seulement 11 000 cessions en
2015. Cela montre qu’il y a une dispropor-
tion entre l’offre - qui existe bel et bien -
et la demande. Associés à une économie
morose, ces chiffres sont inquiétants.
Les prix de cession en souffrent-ils ?
Oui, les prix baissent en raison de l’abon-
dance de l’offre et de la rareté des acqué-
reurs. C’est vrai pour tous les commerces,
comme les chiffres du Bodacc le révèlent
avec un prix de cession en recul de 5 %
en 2015 - une chute de 10 % en trois ans !
On le constate également sur le marché
de la transaction de droit au bail avec une
baisse de l’ordre de 17 % de la valeur du
droit au bail et de 6 % de la valeur locative
selon les chiffres de l’Argus de l’enseigne.
Pour autant, il y a un vrai décalage entre le
prix de vente affiché et le prix de cession
réellement agréé. Sur le site cession-PME,
les restaurants en vente s’affichent en
moyenne au prix de 285 000 €, alors que
selon le Bodacc, un restaurant se vend en
réalité 130 000 € en moyenne*, soit une
baisse de plus de 50 % par rapport au
prix moyen de mise sur le mar-
ché. Cette décote est également
de l’ordre de 30 à 45 % pour les
débits de boissons.
Que révèle, selon vous, ce déca-
lage entre le prix de mise sur le
marché et le prix de vente réel ?
Cela montre que le marché de la
transmission en France souffre
d’un manque de dynamisme
pour faire face aux besoins des
chefs d’entreprise du secteur, no-
tamment de ceux qui atteignent
l’âge du départ à la retraite. Les acqué-
reurs sont-ils découragés par les prix de
vente trop élevés qui ne leur garantissent
pas un revenu suffisant ou par leurs
conseils qui les incitent à davantage de
prudence ? Difficile à dire. On peut égale-
ment s’interroger sur les efforts déployés
par les pouvoirs publics pour encourager
la création d’entreprises alors qu’il y en
a de nombreuses à reprendre et que les
chances de succès sont plus favorables
pour les repreneurs : 88 % de ceux qui
ont repris une entreprise en 2011 étaient
encore actifs en 2015, alors que le taux
de survie des entreprises à cinq ans, se-
lon l’Insee, s’élève à 51,5 %.
Un conseil pour les propriétaires qui
envisagent de céder leur fonds dans le
contexte actuel ?
Il n’est jamais bon qu’une affaire traine sur
le marché. Plus les délais de mise en vente
s’étalent dans le temps, plus l’exploitant
est à même de se décourager, ce qui peut
se traduire par une baisse de son chiffre
d’affaires et donc une perte de valeur du
bien. Le délai moyen en France atteint
400 jours ! La réalisation d’une expertise
par un expert indépendant avant la mise
en vente du fonds peut être utile. Cela per-
met au chef d’entreprise de se faire une
idée de la valeur vénale de son fonds. Et,
si celle-ci est inférieure à ce qu’il espérait,
cela lui donne des pistes d’action pour
agir en conséquence. Les membres de
la chambre des experts Ceif-Fnaim sont
d’ailleurs de plus en plus nombreux à pro-
poser ce service.
*160 000 € pour la restauration tradi-
tionnelle et 80 000 € pour la restauration
rapide.
Philippe Maître
, président
de la commission commerce
Fnaim et administrateur de la
chambre des experts Fnaim.
Selon le
Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales
,
le secteur CHR a enregistré 11 000 cessions en 2015.
Vendre son affaire :
différencier fonds de
commerce et droit au bail
Le fonds de commerce et le droit au
bail correspondent à deux réalités
économiques et juridiques différentes.
X
Le fonds de commerce
Il se compose d’éléments corporels et incorporels.
- Éléments corporels :
agencements, installations et amé-
nagements, mobilier, matériel et outillage.
- Éléments incorporels :
clientèle et achalandage, droit au
bail, nom commercial, enseigne, licences de restaurant ou
débit de boissons, marques, brevets, dessins et modèles
attachés au fonds.
Ces éléments, souvent inséparables, font la valeur du fonds
de commerce sans pour autant que celle-ci soit égale à leur
simple addition. Le fonds de commerce peut être exploité
par son propriétaire ou mis en location-gérance. La vente
d’un fonds de commerce se fait sans dette à reprendre pour
le repreneur. C’est pour cela, entre autres, que l’argent de
l’acheteur peut être bloqué jusqu’à cinq mois et demi car
le rédacteur de l’acte de cession doit s’assurer que tous les
nantissements et dettes qui grevaient le fonds ont été payés.
X
Le droit au bail
Il garantit au preneur que, si son bailleur ne veut plus lui
louer les locaux pour exercer son activité, il sera contraint
de lui verser une indemnité d’éviction qui sera calculée en
prenant en compte :
- une indemnité principale représentant la valeur mar-
chande du fonds de commerce ;
- des indemnités accessoires comme les frais et droits de
mutation à payer pour un fonds de même valeur (quali-
fiées de frais de remploi), l’indemnisation du trouble com-
mercial, les indemnités de licenciement du personnel, les
frais de déménagement et de réinstallation.
Cette indemnité n’a d’existence que si le preneur est exempt
de tout reproche dans l’exécution des conditions du bail.
Lors de l’achat d’un fonds de commerce, il ne faut jamais
signer sans s’être fait expliquer dans le détail les différentes
clauses du bail et les obligations qu’elles comportent :
- la destination des locaux ;
- les obligations d’entretien à la charge du preneur ;
- les charges que celui-ci devra acquitter ;
- les garanties engagées vis-à-vis du bailleur.
X
Cession
r -B DFTTJPO EF ESPJU BV CBJM
La cession du droit au bail - appelé également pas-de-porte -,
désigne la vente par un commerçant à un autre du droit de
lui succéder dans le local qu’il occupe. Dans le cas d’un
changement de destination (de type de
commerce), la vente du droit au bail est
obligatoirement soumise à l’accord préa-
lable du bailleur. Il est alors courant que
les parties négocient un nouveau bail
dans des conditions différentes.
r -B DFTTJPO EF GPOET EF DPNNFSDF
Cette cession intègre à la fois le droit au
bail, la clientèle attachée, le nom, l’en-
seigne, éventuellement le stock... L’ac-
quéreur succède au vendeur dans tous ses
droits et obligations, notamment ceux
prévus par le bail.
J
E
A
N
C
A
S
T
E
L
L
‘Evaluer, acheter
et vendre un fonds
de commerce en CHR’
(avec tableur d’estimation)
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