Les clés pour réussir la vente de son commerce

Céder son café, hôtel, restaurant ou discothèque est une opération importante car c'est souvent le résultat d'un travail de toute une vie. C'est pour cette raison qu'il est impératif de sécuriser au mieux la vente de son entreprise et surtout d'anticiper celle-ci de plusieurs mois.

Publié le 05 mai 2023 à 18:45

► Aspects financiers

Il est conseillé au vendeur du fonds de commerce ou de parts sociales de valoriser son entreprise. L’enjeu est que le prix de vente colle au mieux à la valeur réelle de l’entreprise. S’il ne le fait pas, l’acheteur risque de demander l’annulation de la vente ou une réduction du prix de vente, car il ne correspondra pas à la valeur réelle de l’entreprise.

Au niveau fiscal, l’administration peut même reconstituer le prix de vente qu’elle estime être réel pour servir de base de calcul à la taxation des droits d’enregistrements et des plus-values et appliquer des majorations pouvant aller jusqu’à 80 %. Le premier conseil au vendeur de faire réaliser un audit comptable, surtout lorsqu’il s’agit de la vente de parts sociales ou d’actions de sociétés. La vente du fonds de commerce fait que le prix est bloqué et que les dettes de l’entreprise sont payées sur ce prix. Le reste sera versé au vendeur.

À l’inverse, les dettes de la société dont les parts sont vendues subsistent à sa charge. Une garantie de passif, en plus de la garantie d’actif, sera souvent demandée par l’acheteur pour couvrir les dettes nées avant la vente.

 

► Aspects juridiques

Le vendeur doit donner toutes les informations essentielles à l’acheteur.

Par ailleurs, certaines modalités peuvent être importantes pour le vendeur. Par exemple, l’acheteur a-t-il les fonds ou doit recourir à un crédit ? Dans ce dernier cas, il existe un aléa lié à l’accord de la banque.

Si les banques refusent d’octroyer un crédit à l’acheteur, le vendeur pourra lui proposer de conclure :

  • un crédit vendeur, le plus souvent pour une partie du prix de vente (exemple : 30 %). Dans ce cas, l’acte de vente est signé et l’acheteur rembourse des échéances mensuelles avec un taux d’intérêt à son vendeur sur une période variant d’un à cinq ans. Cette solution présente un inconvénient : le vendeur devra aller en justice pour récupérer les sommes impayées ;
  • si le vendeur ne veut pas prendre le risque de transférer la propriété de son entreprise avant paiement intégral du prix, une location-gérance d’une durée d’un an ou deux avec une option d’achat en fin de contrat à un prix déterminé à l’avance ou qui résultera de la valeur du marché.

Par ailleurs, le vendeur du commerce devra vérifier dans le bail commercial s’il est solidaire ou pas du paiement des loyers pendant les 3 années qui suivent la vente. S’il y a une clause en ce sens, il a tout intérêt à renégocier son bail avant la vente pour en être désolidarisé.

Il en est de même de l’activité autorisée par le bail commercial et la durée restant à courir. Si le bail prévoit une activité de sandwicherie et petite restauration, le vendeur ne pourra vendre à un acheteur voulant y exercer l’activité de restaurant (impliquant un système d’extraction des odeurs et fumées) qu’en obtenant l’accord de son bailleur.

En revanche, la vente à emporter et la livraison à domicile ont été considérées comme des activités incluses dans l’activité d’alimentation générale et de restaurant asiatique. Le bailleur ne pourra donc pas augmenter le loyer ou demander la résiliation du bail. Cependant, si l’activité de livraison est prépondérante par rapport à la restauration sur place et à emporter, il conviendra de renégocier avec son bailleur une telle clause afin d’éviter toute remise en cause du bail.

Enfin, il est conseillé au vendeur de tenir à jour la liste de ses salariés avec les dates d’entrée et de sortie ainsi que les salaires, de manière qu’il ne soit jamais inquiété par son acheteur puisque :

  • les salariés sont prioritaires pour acheter le fonds de commerce : en effet, ils doivent en principe être informés par le vendeur deux mois avant la date de signature de la vente ;
  • les contrats de travail seront transmis à l’acheteur.

Les contrats avec les fournisseurs du vendeur ne sont en principe pas transmis, sauf accord des parties. Pour la vente de parts sociales, tous les contrats subsistent, car c’est la même société.

Enfin, les licences de débits de boissons peuvent être transmises avec le fonds de commerce. Il faut être attentif à la catégorie de la licence (licence III : vente d’alcool moins de 18 °C, licence IV : vente d’alcool au-delà, licence restaurant : vente d’alcool uniquement avec un plat). À Paris, il n’y a plus de création de licence IV, si bien qu’il ne peut s’agir que d’une vente à l’intérieur de la même commune, ou d’un transfert dans une autre commune ou un autre département, ou une translation dans une autre région. Le vendeur devra s’assurer que sa licence sera exploitable dans un autre endroit (à Paris, les licences IV sont plus difficiles à transférer, par exemple à moins de 75 m d’un autre débit de boissons ou d’une église).

En revanche, pour les licences restaurant, elles sont en principe délivrés à partir du moment où il y a une activité de restauration cédée ou créée mentionnée au bail et exercée réellement.

 

► Aspects fiscaux

La vente de son fonds de commerce ou des parts sociales peuvent générer des plus ou moins-values pour le vendeur. 

Il faut distinguer la plus-value à court terme (parts sociales acquises depuis moins de 2 ans) qui est imposable dans le résultat du commerçant à l’impôt sur le revenu au taux progressif par tranche, et la plus-value à long terme qui est imposée à la flat tax (30 % : imposition à 12,8 % et prélèvements sociaux de 17,2 %).

Si la société est soumise à l’impôt sur les sociétés, il n’y a pas de distinction selon la durée de détention, et la plus-value est donc intégrée dans les comptes de la société propriétaire (exercice ouvert à compter du 1er janvier 2022 : taux de 15 % jusqu’à 38 120 € et taux de 25 % au-delà).

Il existe plusieurs exonérations de plus-values compte-tenu du montant des recettes réalisées par l’entreprise (exonération totale si les recettes sont inférieures à 250 000 €, exonération partielle si les recettes sont entre 250 000 € et 350 000 €), ou compte tenu de la valeur du fonds cédé (fonds détenu depuis plus de 5 ans et prix de vente inférieur à 500 000 €), ou encore lorsque le dirigeant part en retraite (cessation de toute fonction de dirigeant dans l’entreprise cédée, activité depuis au moins 5 ans de la société, moins de 50 % des parts dans l’entreprise cessionnaire).

Enfin, le dirigeant d’une société peut souhaiter transmettre sa société à un ou plusieurs de ses proches via une donation ou une succession. Cependant, les futurs donataires ou héritiers n’ont souvent pas les liquidités nécessaires pour régler les droits de succession ou de donation qui peuvent atteindre 45 % s’il transmet à ses enfants, voire 55 % à un neveu ou nièce, et 60 % en l’absence de lien de parenté.

Le pacte Dutreil permet au donataire ou à l’héritier futur de bénéficier d'un abattement de 75 % des droits dus lors de la transmission à la condition qu’il y ait engagement de conservation des titres pendant au moins 2 ans, qu’il porte sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote, que le bénéficiaire de la transmission s’engage à conserver les titres transmis pendant une durée de 4 ans à compter de l’expiration de l’engagement collectif, et que l’une des parties à la transmission exerce son activité principale dans la société ou en soit dirigeante pendant 3 ans après la transmission.

Ce régime peut s’appliquer aussi aux holdings animatrices du groupe ou aux sociétés interposées.

transmission


Publié par Sophie Petroussenko, avocat à la Cour



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