À mesure que l'échéance approche, l'inquiétude grandit chez les professionnels de l'hôtellerie et de la restauration qui ont l'obligation d'appliquer les nouvelles normes d'accessibilité, qui permettront une meilleure prise en charge des quatre handicaps (moteur, mental, auditif et visuel). Tous les hôtels accueillant de plus de dix chambres devront s'y plier d'ici au mois de janvier 2015, engageant pour certains de gros travaux, sous peine de devoir fermer. Pour ceux qui ne pourront pas réaliser ces adaptations, le dernier espoir est la commission de dérogation, qui pourraient les en dispenser. Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des Affaires sociales et de la Santé, demandait récemment aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) d'accompagner les demandeurs pour le montage des dossiers.
À Rouen (76), trois hôtels se sont déjà rapproché de Christine Brodier, conseillère d'entreprises auprès de la CCI de Rouen. D'autres devraient rapidement suivre. Il faut dire que la capitale haut-normande est riche en établissements de charme, installés dans du bâti ancien. "Pour ceux-là, les nouvelles normes posent un véritable problème. Ce n'est pas une question de volonté, mais étant donné leurs contraintes architecturales, ils ne peuvent tout simplement pas appliquer certaines demandes, souligne Christine Brodier. J'ai rencontré des hôteliers qui devraient emprunter près de 80 000 € pour pouvoir mettre en place ces nouvelles directives. Financièrement, ce n'est pas viable." De fait, les sommes à investir sont parfois tellement importantes que cela remettrait en cause la rentabilité de l'établissement. D'autant que ces travaux ne pourront être répercutés sur le prix des chambres.
De plus, cette réforme arrive pendant une période fortement marquée par la crise économique, notamment dans le secteur de l'hôtellerie. "Je les sens pris à la gorge", assure Christine Brodier.
Sortir de l'impasse
Pour sortir de ce qui se présente comme une impasse, la CCI de Rouen aide les hôteliers à monter les dossiers leur permettant de passer devant la commission de dérogation. Les propriétaires d'établissements recevant du public devront tout d'abord passer par un organisme agréé afin de faire réaliser un audit, listant et chiffrant les travaux à effectuer. Charge ensuite à l'expert comptable de proposer un financement et d'établir un calendrier. "Entre le moment où nous ouvrons le dossier et le moment où l'on recevra la réponse de la commission, il faut compter environ six mois", estime Christine Brodier. Reste à savoir la durée de validité de cette dérogation.
Situé également à Rouen, l'Hôtel de l'Europe fait partie des établissements qui espèrent obtenir une dispense. Georges-André Piat, le propriétaire, a récemment mis son hôtel de 20 chambres aux normes de sécurité, pour un montant de 100 000 €. Mais ces travaux qui suffisaient hier ne conviendront plus demain : l'ascenseur, trop étroit pour laisser passer un fauteuil roulant, ne répondra bientôt plus au cahier des charges. Le refaire ? Impossible faute de place. Sans compter toutes les largeurs de portes qu'il faudrait reprendre, les chambres à adapter, etc.
Sans renier l'importance de ces normes d'accessibilité aux personnes handicapées, Georges-André Piat estime que les règles sont trop strictes et que les investissements pharamineux occasionnés mettent en danger la profession : "Ces normes posent vraiment problème aux hôteliers indépendants qui installent leurs établissements dans des bâtiments rénovés. J'applique toutes les réglementations que l'on me demande d'appliquer et, malgré cela, je suis encore asphyxié", déplore-il.
Autre problème pointé du doigt : les commissions délivreront uniquement une réponse négative ou positive, mais sans indication pour aider les hôteliers dans l'aménagement de leur établissement. Tous espèrent donc que le Gouvernement acceptera d'assouplir ces nouvelles normes, sous peine de quoi, de nombreux hôteliers pourraient être amenés à fermer leurs portes à l'aube 2015.
Publié par Gabrielle Lemestre
mardi 10 décembre 2013