La CPIH 90, présence et proximité

Territoire de Belfort Le territoire de Belfort compte 80% de professionnels syndiqués. A sa tête, Sébastien Goudey. Rencontre avec un fervent défenseur de l'entreprise indépendante.

Publié le 15 mai 2012 à 18:28

Le territoire de Belfort, c'est 150 000 habitants et un peu plus de 120 établissements CHR. 80 % sont syndiqués. Sébastien Goudey, président de la CPIH 90, qui termine son deuxième mandat et doit repartir pour un troisième, défend un certain esprit de corps et la volonté d'être proche des gens. « Quand un nouvel adhérent arrive, nous disons que la famille s'agrandie. Mes collègues, je les connais tous. Nous sommes aussi très présents sur le terrain administratif ». Tant et si bien que des professionnels de Montbéliard, situés dans le département voisin, mais à une vingtaine de kilomètres seulement de Belfort, frappent régulièrement à la porte du syndicat belfortain. Le trésorier de la rue Barye sourit. « Les départements sont les pièces maîtresses de nos organisations professionnelles. Je déplore ce trop plein de divergences qu'on affiche et surtout je pense qu'il y a trop de représentants nationaux » et d'ajouter avec le même franc-parler à l'attention des syndicats salariés : « le nombre de salariés syndiqués est très faible et  leurs dirigeants ont des idées quand même très parisiennes des problèmes. Avoir imposé la mutuelle pour les apprentis n'est pas une bonne chose dans la réalité. Ici, nous avons un peu la sensation que le mécontentement et les vrais besoins des salariés sur le terrain ne sont pas pris en compte au national. »

Une production, clin d'oeil au lion

Sébastien Goudey, né dans le sérail, âgé aujourd'hui de 41 ans, ancien de l'école hôtelière d'Illkirch, veille sur l'Escorneil à Meuroux. Dans son restaurant, une authentique ferme franc-comtoise restaurée, il défend avec vigueur la notion de ruralité. « Les gens font l'effort de venir à la campagne. Nous devons leur donner l'authenticité qu'ils attendent ». Les oeufs et les pommes de terre sont achetés de l'autre côté de la rue. Dans la région, il puise fromages et charcuteries. « Nous avions beaucoup de petits artisans qui proposaient leur fromage, malheureusement la réglementation européenne les contraint à cesser leur activité pour se regrouper en coopératives. Dommage… Prenez la vallée du Doubs, du nord au sud, le lait n'a pas le même taux de matière grasse, il ne donne pas le même rendu, le même affinage. On standardise, les produits perdent de leur personnalité. » Passéiste ? « Non, c'est un constat qu'il faut avoir en tête alors qu'on a classé le repas à la Française au patrimoine de l'humanité. Heureusement, de nouvelles choses apparaissent comme la saucisse du lion Belfort, qui a été lancée récemment et qui est à base de langue de veau. Cette saucisse est un clin d'oeil au Lion de Belfort, qui n'a pas de langue, un oubli de Bartholdi… » Dans le patrimoine culinaire régional encore, la race à viande Monbéliard, le porc franc-comtois, le Mont-D'or, le bleu de Gex, le vin d'Arbois, le savagnin… La liste est longue. Chez lui, le cuisinier s'en saisi, ajoutant cette observation : « nous sommes à une demi-heure de l'Allemagne et les prix pratiqués dans les cashs sont 20% moins chers que chez nous dans la même enseigne. Nous sommes dans une logique de réduire les coûts des matières premières non périssables. Un professionnel est obligé d'avoir un autre regard et de comparer les prix. Il y a de gros écarts sur des produits identiques. » La Suisse, elle-aussi frontalière, entraîne deux phénomènes. Une perte de clientèle d'abord. « Les Suisses ne viennent plus chez nous depuis le passage à l'Euro ». Et elle 'aspire' les jeunes. « Un cuisinier qui débute va toucher l'équivalent de 2 000 euros, un chef confirmé entre 4 000 et 6 000 euros. Ils savent qu'il n'y a pas d'assurance chômage mais ça ne les freine pas. » Quant à la clientèle française, celle-ci évolue sur le schéma des grandes villes. « Nous avons une typicité très ancrée dans le tourisme d'affaires. Les gens mangent rapidement. Ils prennent un plat et un dessert parce qu'ils ont une réunion à 14 heures et qu'ils veulent attraper le TGV de 16 ou de 18 heures… »

Les déçus du TGV

Inaugurée en décembre 2011, la gare de Belfort-Montbéliard TGV, près de Meuroux, à 12 km du centre de Belfort, tant vantée par les institutionnelles, fait grincer des dents. Jean-Louis Arregui, propriétaire depuis 5 ans du Boréal, en plein centre de Belfort et qui vient d'investir 500 000 euros dans la rénovation de ses 52 chambres, enregistre une baisse de l'ordre de – 15 à – 20% « Une partie des hommages d'affaires viennent maintenant le matin et repartent le soir. Le problème, dit-il, c'est qu'il n'y a pas de réflexion des politiques. Ils voient toujours à très court terme. Il faudrait faire venir des PME, organiser les choses. Eh bien non, tout ce qu'ils savent faire, c'est favoriser les financiers et oublier les structures existantes que nous représentons et qui constituent pourtant un maillage essentiel. » L'hôtelier, comme beaucoup de ses confrères belfortains, n'est pas du tout content du projet 'Jonxion' actuellement en construction à côté de la gare TGV. Un hôtel et deux restaurants devraient ouvrir. « Ce projet, il est financé à 51% par l'argent public, c'est-à-dire nos impôts. Et ce sont des investisseurs qui en profitent » s'énerve l'hôtelier indépendant. « Nous avons mis en place depuis 2007, CPIH 90 et CCI,  un observatoire très précis de l'hôtellerie dans le département » reprend Sébastien Goudey. « Nous mesurons les comportements, les prix, l'évolution des chambres. Les meilleurs jours pour l'hôtellerie ce sont les mercredi et jeudi. Le week-end c'est très calme avec des taux de remplissage en dessous de 25%. Je vous rappelle que nous sommes depuis longtemps tributaires du tourisme d'affaires. On a tout juste 20% de tourisme pur. Même si Belfort est une ville dynamique, qui multiplie les manifestations, tant qu'il n'y aura pas une volonté d'attirer de nouvelles clientèles et de favoriser des pépinières d'entreprises, le parc hôtelier est suffisant. Dans Belfort,nous avons de très beaux hôtels qui ont beaucoup investis. Cependant, nous avons fort à faire avec les normes. » Trois hôtels ont été fermés l'an dernier et trois autres sont sur la sellette. « Nous avons eu il y a une dizaine d'années des morts dans un hôtels et les commissions de sécurités sont très pointilleuses. Le paradoxe, c'est que les chambres d'hôtes, qui sont très nombreuses dans la région, n'ont même pas l'obligation d'avoir un extincteur… ». Quant au classement, il se met en place. Les deux passent trois étoiles. « Mais attention, prévient le président de la CPIH 90, si les hôteliers ne dépassent pas les 60% de taux d'occupation, ils ne pourront pas investir. »

Des outils pratiques

Si Sébastien Goudey et son bureau appellent à la vigilance, le syndicat prend aussi les choses en main. Celui-ci est à l'origine de l'agenda des manifestations qui ont lieu sur le territoire et qui permet d'avoir une vision à deux ans « et surtout qu'il n'y ait plus, comme ça longtemps été le cas, des manifestations qui se chevauchent, qui remplissent les hôtels pendant dix jours et les laissent vides le reste du temps… ». Autre outil, dédié cette fois, aux restaurateurs et cafetiers : le plan de maîtrise sanitaire, réalisé en partenariat avec la chambre des métiers. Il réunit, dans un seul classeur, toutes les obligations, toutes les attentes des administrations. Les différents volets portent sur la traçabilité, le respect des températures, la formation du personnel, la lutte contre les nuisibles… Ce guide, qui a été validé par les services vétérinaires notamment, facilite "grandement" le quotidien selon ses utilisateurs. « Les professionnels ont juste à le remplir.  Lorsqu'il y a des contrôles, ils ont tout sous les yeux. »


Publié par Sylvie SOUBES



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