La TVA est un feuilleton moderne dont les rebondissements relèvent du conflit et de l'émotion. Autrement dit, de la dramaturgie. Poussons la métaphore et mettons la restauration en lieu et place des acteurs ; le grand public et les médias formeront le groupe des spectateurs et donnons à ceux qui tricotent et détricotent les lois le titre d'auteur.
En dramaturgie, il est "nécessaire que le spectateur soit correctement informé. Si on ignore que l'employé veut demander une augmentation, on ne peut pas comprendre son malaise et donc vivre son conflit avec lui", explique Yves Lamandier dans un ouvrage consacré à ce registre il y a une vingtaine d'années. Dans l'histoire qui nous intéresse, si on ignore que la petite entreprise - modèle français oblige - est en panne de trésorerie, que sa marge se réduit comme une peau de chagrin et qu'elle a le moral en berne parce qu'elle n'aura jamais accès à la puissance de feu des grands groupes, alors qu'elle croule sous les mêmes obligations, on ne peut pas partager l'inquiétude et le stress du professionnel. La difficulté réside ici dans l'ambiguïté des émotions. On connaît le déchaînement médiatique qui en a découlé et dont la restauration a fait les frais.
Passons au deuxième acte. Le noeud dramatique est le relèvement du taux. On passe d'abord de 5,5 à 7 %. Il n'existe aucune loi qui oblige l'auteur à ne pas changer les règles du jeu, à ne pas tenter l'ironie dramatique. Il peut même justifier cette écriture en prenant le public à témoin. Et ça marche, parce que le spectateur n'est pas partenaire de l'aventure…
Juin 2012, une nouvelle équipe d'auteurs prend la relève. La dramaturgie continue de présider. Une rumeur va crescendo, la remise en cause pure et simple du taux. Le doute s'installe, alors que les auteurs s'interrogent vraisemblablement sur la pertinence d'agir dans l'urgence. L'effet théâtral s'appuie sur la concertation, sauf qu'il y a de gros contrastes entre l'image et le son… Pour preuve, le dernier épisode en date. Vendredi dernier, une chaîne de radio annonce détenir la vérité : le taux pour la restauration va passer à 11 ou 12 %. C'est le Gouvernement qui l'a dit, affirme-t-on sur les ondes. Démenti de l'Elysée dans la foulée, mais le pouvoir du 'drama' est grand. Et la sitcom s'essouffle. Que fera-t-on des acteurs au chômage ?
Publié par L. H.