Des professionnels
réagissent
Gilles Grandjean, président de l'Union nationale des anciens élèves des écoles
hôtelières, membre des jurys des bacs technologiques et professionnels.
L'Hôtellerie : Que pensez-vous du sujet en lui-même ?
Vous semble-t-il judicieux ?
Gilles Grandjean : C'est un sujet d'actualité s'il en est,
car aujourd'hui, la main-d'uvre est plus que jamais le problème essentiel de la
profession. Ce sont nos jeunes qui sont l'avenir du métier, et eux seuls. Ce n'est pas
une partie, mais l'intégralité de ces documents que bien des professionnels devraient
lire.
L'Hôtellerie : A lire les copies des élèves, peut-on
penser qu'une nouvelle génération de managers et de salariés se profile ?
Gilles Grandjean : Ils sont formés à la réflexion, à
l'analyse, ces textes en portent témoignage. Ils refuseront de travailler avec des
professionnels médiocres, eux-mêmes sans formation. Ils veulent allier tradition et
technologie, ils souhaitent continuer à se former, ils ont compris que les relations
humaines des professionnels étaient aussi importantes vis-à-vis de la clientèle que
vis-à-vis des employés..., et que ceux qui ne voulaient pas participer à l'évolution
matérielle et humaine du métier étaient responsables de leur perte. Mais aussi d'une
partie importante de la désaffection pour nos métiers.
L'Hôtellerie : Que doit faire la profession pour les
accueillir ? Saura-t-elle le faire ?
Gilles Grandjean : L'union demande la création d'un fichier
national des formateurs et des entreprises accueillant les jeunes en formation alternée
ou en stage (proviseurs et membres du corps enseignant adhérent à cette demande). Les
apprentis, les contrats de qualification, comme les stagiaires, ne sont pas des
sous-employés à bas prix, ils participent à des périodes de formation en entreprise.
La qualité de cette formation, l'intérêt du travail confié, l'intégration à
l'équipe seront autant d'encouragement pour les jeunes à continuer dans la voie choisie,
leurs contraires serviront de reboutoirs et creuseront le déficit. Il faut baisser la
TVA, oui. Il faut faire comprendre qu'un métier de main-d'uvre ne peut supporter
autant de charges sociales. Oui. Même conjuguées, ces baisses ne permettront pas seules
à inverser la tendance, la création d'emplois augmentera les pages de petites annonces.
Pour retrouver une demande soutenue des jeunes dans nos écoles hôtelières comme dans
nos CFA, c'est l'image passéiste de notre profession qu'il faut gommer. J'ai proposé,
sans réponse, que toutes les forces professionnelles, éducation, tourisme, s'allient
pour une vaste campagne sur la valorisation de nos professions, car il ne sert à rien de
promettre la création de millier d'emplois alors qu'aujourd'hui, il manque déjà des
milliers d'employés.
Il faut aussi revaloriser notre métier, dans les médias, dans la vie politique, dans
l'orientation professionnelle, pouvoir comme d'autres métiers recevoir des jeunes en
période de découverte en entreprise, arrêter de décrire nos locaux comme des lieux de
perdition, reconnaître l'intérêt financier, culturel, international de cette
profession. Partout dans le monde, nos écoles hôtelières sont réputées, partout dans
le monde, on apprécie notre culture de la table, on vient chercher nos jeunes.
Serons-nous les derniers à en reconnaître les qualités et à tout faire pour les
garder, à valoriser normalement leur formation et à leur donner une vision prometteuse
de leur avenir dans le secteur ? Avec une rémunération en phase avec leur travail, leur
diplôme, leurs compétences et les particularités des métiers de l'hôtellerie.
Laurent Caraux, président de la chaîne de restauration El Rancho.
L'Hôtellerie : Que pensez-vous du sujet en lui-même ?
Vous semble-t-il judicieux ?
Laurent Caraux : C'est vraiment un beau sujet qui synthétise
en quelques mots la complexité de notre profession et sa dimension humaine. Mettre au
cur de la réflexion des jeunes souhaitant s'investir dans notre secteur, la
problématique de la 'main-d'uvre' me semble non seulement une bonne chose, mais à
vrai dire, indispensable. C'est avec des équipes formées et motivées que nous pourrons
relever les défis qui nous attendent demain.
L'Hôtellerie : A lire les copies des élèves, peut-on
penser qu'une nouvelle génération de managers et de salariés se profile ?
Laurent Caraux : Certes, toute génération est nouvelle et
vient dynamiser celle qui l'a devancée. A lire leurs réflexions, je suis frappé de la
maturité de ces jeunes qui souhaitent rentrer dans nos métiers. Ils témoignent d'une
grande lucidité sur les challenges que nous aurons collectivement à relever, comme, par
exemple, l'équilibre à trouver entre vie familiale et professionnelle, l'utilisation des
nouvelles technologies, ou encore l'indispensable actualisation de la formation en cours
de carrière.
L'Hôtellerie : Que doit faire la profession pour les
accueillir et saura-t-elle le faire ?
Laurent Caraux : Comme le dit très bien l'une des
lauréates, nous devons, à l'occasion des stages d'études, faire percevoir à ces jeunes
la diversité de notre profession pour les aider à choisir en toute connaissance les
fonctions qui seront les plus à même de répondre à leurs attentes. Nous devons aussi
continuer à lutter contre l'image galvaudée d'une profession qui réunirait tous les
exclus du système scolaire, alors que la diversité de nos recrutements montre le
contraire tous les jours. Nos métiers font partie des rares professions qui offrent
aujourd'hui de vraies opportunités de monter dans l'ascenseur social si cher à nos
hommes politiques. En tant que dirigeant, nous avons à valoriser notre filière qui le
mérite amplement, vu la richesse des hommes et des femmes qui la constituent. En ce qui
me concerne, je continuerai toujours à militer pour que l'on proclame haut et fort :
"Restauration : métiers d'avenir !" |