Alexandre Couillon : "Je revendique une cuisine du vivant"

Noirmoutier (85) Le cuisinier de l'année pour le guide Gault&Millau 2017 force l'admiration de ses pairs par ses audaces marines, sa liberté et son obsession pour les produits. Le chef-patron de La Marine sort un premier livre à son image : « Marine et végétale » paru aux éditions de l'Épure

Publié le 08 décembre 2016 à 10:27

L'Hôtellerie Restauration : Quand avez-vous su que vous vouliez devenir cuisinier ? 

Alexandre Couillon : C'est en 1993, en regardant une émission sur les compagnons des devoirs unis, que j'ai eu le déclic. J'avais besoin d'être formé tout en étant canalisé, car j'étais plutôt turbulent. Ils m'ont expliqué qu'il fallait que je commence par avoir un CAP et un BEP. Je les ai obtenus au lycée Les Sorbets à Noirmoutier, avant de retourner chez eux, à Nantes. Ils m'ont proposé un apprentissage de deux ans afin de préparer un BM BP [brevet de maîtrise brevet professionnel, NDLR] chez Michel Fornareso, au Rossini à La Baule. Il m'a mis le pied à l'étrier. Il a une formation traditionnelle mais très solide, avec beaucoup d'expérience. J'ai eu un apprentissage à l'ancienne, avec beaucoup de rigueur et de travail. 

Avec le recul, je me rends compte de la chance que j'ai eue d'avoir été bien cadré à 16-17 ans. C'est lui qui avait raison. Il a été le premier chef à me parler des Troisgros, des Bras, de Roellinger… Quand j'ai appris que j'étais cuisinier de l'année Gault&Millau, c'est Michel Fornareso que j'ai appelé. Je lui ai dit : "Vous vous rappelez quand, chaque année, on attendait de savoir qui était le cuisinier de l'année ? Cette année, c'est moi." J'ai senti beaucoup d'émotion. Quand on me demande ce que j'aimerais à l'avenir, je réponds : former des jeunes et que, dans quelques années, ils soient à leur tour mis en lumière. Nous avons un rôle de formation et de transmission. Pour moi, c'est très important. 


Comment définiriez-vous votre cuisine ? Qu'est-ce qui vous inspire?

La cuisine que je pratique aujourd'hui est une cuisine sincère, franche, de saisonnalité, sans esbroufe, mais avec une obsession pour la qualité des produits. Elle est tournée à 100 % vers la mer, avec une prédominance du végétal. Ma cuisine raconte des histoires sincères et elle doit donner de l'émotion. Mon inspiration vient en tout premier lieu de mon île, de la mer, de la nature. Je me nourris aussi de rencontres humaines, comme celle de Monsieur Okuda au Japon, et de mes voyages. Grâce à ce métier, je fais des rencontres exceptionnelles. C'est une chance inouïe ! 


Cuisinier de l'année 2017 pour  le guide Gault&Millau, 2 étoiles Michelin depuis 2013, quel regard portez-vous sur le chemin parcouru ?

Les récompenses de ces deux guides sont pour moi très agréables. Je n'oublie rien de toutes ces années de doute qui sont derrière moi. C'est un travail dans le temps afin de construire cette maison, La Marine. En fait, je regarde toujours devant. Je pense à demain, pas plus loin, pas le futur, juste demain. Rien n'est facile. 


Votre grand plat classique favori ?

J'adore les bouchées à la reine. Quand c'est super bien fait, c'est gourmand. Ce salpicon crémeux avec un feuilletage croquant et aérien… C'est bon !  


Le plat best-seller à votre carte ?

L'huître noire Erika. Ce plat raconte une histoire. Je ne sais même pas comment j'ai pu le créer. Il vient du souvenir du naufrage de l'Erika, il y a ce bouillon noir, mais pourquoi cet assemblage ? Je ne sais pas. J'ai dû avoir un coup de folie il y a trois ou quatre ans. Ce plat fait partie de moi. Il a son parti pris. Certains n'adhèrent pas parce que c'est noir, parce que c'est une huître. D'autres hésitent et, après l'avoir goûtée, en demandent une autre… Il se doit d'exister. C'est le seul plat qui reste à la carte, qui en compte quinze. 


Le plat de votre carte que vous préférez ?

C'est celui que je vais penser la veille ou le matin de bonne heure et qui va fonctionner tout de suite. Comme je fais de la cuisine, que je ne prends pas la même plante, la même fleur, le même produit… tous les plats sont différents. On a fait un turbot juste cuit nacré avec poireaux grillés, jus d'oignons et feuilles d'amarante. Visuellement, c'est très joli et ça sent la vie ! C'est peut-être celui-là. Je fais une cuisine du vivant, une cuisine vivante.  


Votre plus grand souvenir au restaurant ?

Comme j'ai eu la chance de travailler chez Michel Guérard, j'ai pu réaliser ses plats, notamment le fameux Oreiller moelleux. À force de le faire, on n'est plus trop emballé, mais une fois à table, cette sauce aux mousserons et morilles, c'est un grand moment. Il y avait aussi le Parmentier de canard à la truffe de Caussade dans lequel on trouvait des ris de veau, du foie gras… Sublime. 


Au restaurant, en tant que client, sur quoi se porte votre attention ? 

Quand je vais chez un confrère, c'est pour découvrir sa cuisine. J'y vais avec plaisir, sans a priori, et ce que j'apprécie c'est d'abord l'accueil. Lorsqu'on arrive dans un restaurant, que l'on vous ouvre la porte et que l'on vous souhaite la bienvenue avec le sourire, je trouve ça top ! Lorsqu'on me regarde de haut, ça ne m'intéresse pas. Chez nous, Céline [son épouse] accueille tous les clients avec gaieté. Ils ressentent que nous sommes heureux de les recevoir.  


Ce qui vous agace le plus ?

Copier la cuisine d'un chef, cela me semble insensé. Je suis pour les cuisines identitaires. Les gens qui font 800 km pour venir à La Marine ne viennent pas manger les plats d'un autre chef.  


Vos projets ? 

Nous allons créer cinq chambres en juin prochain. Nous avons acheté une maison vide il y a quatre ou cinq ans. Ce n'est pas pour remplir La Marine. Heureusement pour nous, aujourd'hui, nous sommes complet midi et soir. C'est une autre aventure. 


Vos espoirs ?

Faire mieux demain, continuer à me nourrir de cette passion et être libre. 


Le secret de la réussite ? 

C'est mon épouse Céline. Nous nous sommes rencontrés à l'école hôtelière quand nous avions 16 ans. Sans elle, cela n'aurait pas été possible. C'est une histoire à deux. 


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Publié par Nadine LEMOINE



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