43 heures de travail hebdomadaires concentrées sur quatre jours, sans changement de salaire : c’est le rythme que Florent Ladeyn et Christophe Comes ont privilégié pour leurs équipes. Dès le lendemain du premier confinement, le chef Florent Ladeyn tente l’expérience avec ses collaborateurs. “Notre restaurant étoilé, l'Auberge du Vert Mont, est fermé le dimanche et lundi, et les équipes ont un troisième jour de repos hebdomadaire accordé par roulement : s'il tombe un mardi, la semaine suivante c'est le mercredi et ainsi de suite. Dans nos sept établissements, 90 % du personnel a accepté les quatre jours par semaine, avec coupure. Les gens commencent entre 8 h 30 et 9 h 20, ce qui laisse le temps à ceux qui sont parents de déposer leurs enfants à l’école, et d’aller les chercher à 16 h 30. La semaine de quatre jours, c’est une des clés du bien-être au travail”, raconte-t-il. Ce meilleur équilibre entre vie personnelle et vie privée facilite la mixité des équipes.
Ce système permet aussi de “lisser les hiérarchies” : “Les managers sont à quatre jours, comme le reste des équipes. Chacun se doit de partager ses connaissances, d’expliquer son poste à celui qui le remplace. Les gens sont tous polyvalents. Cela demande plus de communication, ça fait des équipes plus soudées”, observe-t-il. Enthousiaste, l’ex-participant de l'émission Top Chef égrène les avantages : “Il y a moins d’absences, moins de maladies, moins d’accidents du travail et moins de turn-over. Les gens se sentent plus respectés. Ils sont contents d’être là, ils sont plus impliqués et ils vendent mieux”. Côté recrutement, “les quatre jours pèsent autant dans la balance que de travailler 100 % de produits locaux, c’est un vrai plus.” Le chef nordiste balaie les difficultés, “minimes”, d’un revers de la main. “Il faut être bien organisé sur le planning et juste accepter d’augmenter un peu sa masse salariale. Mais je préfère ça que de passer mon temps à faire du recrutement.”
Offrir du temps libre pour stabiliser les équipes
De son côté, Christophe Comes, à la tête du restaurant La Galinette à Perpignan (1 étoile Michelin), peinait à recruter. “Je proposais depuis vingt ans deux jours consécutifs de congé, les dimanches et lundis, ainsi que des fermetures intéressantes, un mois en juillet, Noël et le nouvel an. Cela a stabilisé une équipe pendant des années, mais après le Covid, les gens en ont voulu plus. Je galérais depuis six mois pour faire une équipe de 17 au complet. J’ai reçu seulement deux nouveaux CV en un an”, confie-t-il. En octobre 2022, le chef opte donc, en désespoir de cause et contre l’avis de sa comptable, pour trois jours de congés consécutifs par semaine. “Je voulais un système simple, sans conflit de planning possible”, glisse-t-il. Résultat : “On a reçu une cinquantaine de CV en deux jours. Pour être honnête, les profils n’étaient pas terribles… En revanche, cela a stabilisé les personnes en place. Les gens s’investissent plus. Pour travailler mieux, il faut que tout le monde soit reposé. Dans ce métier, le salaire n’est pas le plus gros souci, c’est le temps libre. Finalement, je suis le premier satisfait”, reconnaît-il.
Selon les deux chefs, ce choix n’a a priori pas eu d’impact sur leur chiffre d’affaires. “C’est dur à estimer précisément, dans ce contexte inflationniste”, admet Florent Ladeyn. Christophe Comes, quant à lui, se félicite : “Alors que nous avions des débuts de semaine calmes, la clientèle se concentre désormais sur quatre jours, et c’est toujours plein.”
Publié par Violaine BRISSART