L’Hôtellerie Restauration : La démarche de libération d’entreprise, qui permet de répondre aux besoins des équipes, part du principe que le leader libérateur croit que l’homme est bon et digne de confiance. Que répondez-vous aux sceptiques qui doutent de cette affirmation ?
Christophe Collignon : Qu’il vaut mieux qu’ils conservent l’organisation classique du travail, c’est-à-dire une organisation hiérarchique avec des ordres des supérieurs et pas d’initiative des subordonnés, et qu’ils renoncent à la démarche de libération de l’entreprise pourtant source d’innovations.
La libération du pouvoir de faire de chacun commence dans la tête du leader. La société, dès la maternelle, encourage l’obéissance à l’autorité au détriment de l’auto-direction. Et le leader est persuadé qu’il est le seul à être suffisamment intelligent pour prendre des décisions. Il ne fait donc pas confiance à ses équipes. Donc oui, il doit commencer par se libérer de ces vieux modèles qui sont tenaces mais ne correspondent plus au besoin d’agilité des entreprises, ni aux besoins des personnes qu’ils recrutent ou qu’ils cherchent à fidéliser. Le monde a été très innovant dans beaucoup de domaines ces dernières décennies, l’organisation du travail est malheureusement à la traîne…
Quand vous êtes approché par des chefs d’entreprise pour mettre en place la libération de leur entreprise, quelle est leur motivation principale ?
Répondre aux difficultés de recrutement. Et sinon : fidéliser, accroître l’engagement et répondre au sentiment d’inachevé dans la relation hiérarchique, celle-ci étant trop fonctionnelle et pas assez chaleureuse. Donc pas suffisamment satisfaisante humainement.
Qu’est-ce qui fait que finalement, après avoir manifesté de l’intérêt, un chef d’entreprise renonce ?
La peur. Tout le monde n’arrive pas à s’affranchir du regard des autres, en particulier des associés. Un manque de confiance en soi qui se mêle à un équilibre dans l’entreprise - aussi bien humain qu’économique - qui n’est pas très stable. Donc on appréhende d’autant plus le risque de rendre cet équilibre encore plus instable. On préfère conserver un état pas satisfaisant plutôt que d’essayer une solution. C’est dommage, parce que transformer son organisation du travail est une solution à ses difficultés.
Quand des tentatives de libération se soldent par des échecs, quelles en sont les raisons ?
Avoir agi en solo. Je m’explique : le chef d’entreprise est redevable vis-à-vis de son environnement : ses cadres, ses associés, son banquier… Il doit donc expliquer ses motivations : quel est le problème auquel l’entreprise est confrontée ? Quelle solution je propose de mettre en œuvre pour y remédier ? Par exemple, l’entreprise est confrontée à un problème de recrutement : “On a besoin d’attirer les candidats en mettant en avant la qualité de vie au travail. Il faut donc que l’on transforme notre organisation et la manière dont on interagit. Voilà pourquoi j’ai envie de tester quelque chose de différent et une organisation différente.”
Et vis-à-vis des équipes ?
Si l’on veut être suivi, il faut dire où l’on veut aller. Cela va de soi, mais pourtant, dans l’entreprise, on explique insuffisamment les choses. C’est une étape importante qu’il ne faut absolument pas bâcler. Ensuite, et cela va moins de soi, il faut demander un mandat aussi à ses équipes et pas seulement à ses associés : “J’ai besoin de vous pour réussir cette mission, j’ai besoin que vous soyez, vous aussi, bienveillants à mon égard et je vous demande un mandat pour transformer notre organisation. Cela va nous aider à réaliser la raison d’être de notre entreprise.” Vous n’annoncez pas un grand soir, juste une intention. Vous vous montrez aussi sous un nouveau visage. Avant de changer l’organisation du travail, vous leur montrez que vous avez l’intention de changer, vous : “Je sais que je suis injuste, chiant, mais je n’en suis pas fier.” Contrairement à une idée reçue, un leader qui dégage plus d’humanité (à l’inverse d’un super-héros) obtiendra plus de confiance de la part de ses équipes.
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Management leadership entreprise Isaac Getz
Publié par Olivier MILINAIRE