Calais, l'après jungle

Calais (62)

Publié le 02 novembre 2016 à 08:35
Le 1er juillet 2015, les salariés d'un transporteur maritime français bloquent le port de Calais. Impossible aux vacanciers anglais de débarquer. Dehors, les camions s'entassent, dans lesquels les migrants tentent, à découvert, de grimper. Les médias britanniques s'emparent de l'événement. Pour la ville et sa région, l'impact est immédiat. « C'est à partir de cette date que nous avons subi une chute d'activité. Les télévisions anglo-saxonnes montraient en boucle désordre et cahots. Quand les grèves se sont arrêtées, le mal était fait. Les anglais, qui constituent l'essentiel de notre clientèle, ont eu peur et ont cessé de venir » résume, laconique, Pierre Nouchi. Le président de l'Umih 62 est installé depuis près de 40 ans à Calais, deuxième port mondial en nombre de passagers après Douvres. Plus de dix millions de personnes en transit en temps normal. « Le phénomène de migration, explique Pierre Nouchi, a toujours existé mais il a pris cette fois des proportions impressionnantes avec la constitution de cet immense bidonville à nos portes, qui vient d'être en partie démantelé ». Un soulagement pour la ville ? « La maire, Natacha Bouchart, s'est battue pour éviter que des campements s'installent dans Calais, mais l'image de la jungle a fortement marqué les esprits ».  

- 20 à - 30%

Le bilan pour l'activité est assez « catastrophique » depuis 18 mois : entre – 20 et – 30% pour les restaurants, les bars, les établissements à thème et les discothèques, - 60% de clientèle anglaise. Le manque à gagner touche Arras, Saint-Omer, Boulogne, Dunkerque, Le Touquet… Malgré quelques événements 'heureux' comme le spectacle de rues, Long Ma (l'esprit du cheval dragon), dont l'unique représentation en Europe s'est déroulée fin juin à Calais, attirant près de 350 000 personnes sur une semaine ou une météo clémente de juillet à octobre, la reprise n'a pas été au rendez-vous. « Le ticket moyen est en chute libre. On est en dessous de 10 euros » constate un exploitant de bar situé entre le port et la gare.  Sur l'artère, plusieurs bistrots et restaurants sont à vendre. « Calais, reprend Pierre Nouchi, est une ville saisonnière, qui, habituellement fonctionne de Pâques à Octobre. Pour les anglais, c'est la première étape avant le sud ou la dernière avant de rentrer chez eux. Nous avons aussi la Cité de l'Europe. Quand la livre était intéressante, ils venaient faire leur course, notamment avant Noël. L'an dernier, les fêtes ont été très calmes. Cette année, Calais a perdu près de 1 000 emplois saisonniers, toutes activités confondues » déplore le dirigeant syndical. Les secteurs en crise ont bénéficié d'étalements ou reports d'échéance. Insuffisant aux yeux du président du Pas-de-Calais. « En ce qui nous concerne, nous demandions, par exemple, la gratuité des droits de terrasses. La maire a choisi de nous laisser exploiter nos terrasses au-delà des surfaces habituelles, sans pénalité ou suppléments ». L'insécurité a-t-elle été réelle ? « En restauration, le soir, la clientèle locale vient un peu plus tôt, dès 19 heures alors qu'elle venait avant vers 20h30/21h. Est-ce un réflexe inconscient ? Ce qui est certain, c'est que les gens angoissaient sur la route la nuit à l'idée de percuter un migrant. Dans Calais, ça toujours été tranquille ». L'hôtellerie a été, quant à elle, impactée différemment. Il a bien fallu loger les 3 000 gendarmes et CRS appelés en renfort « mais les prix étaient négociés au tiers, petit déjeuner inclus » soupire le dirigeant syndical. Le démantèlement de la jungle a également eu pour effet l'arrivée de 800 journalistes sur site. « Les télés du monde entier étaient là pendant une semaine ». Et maintenant ? « C'est l'inconnu, termine Pierre Nouchi. Les français n'ont pas le pouvoir d'achat des anglais. Calais s'est toujours relevée grâce à la clientèle anglaise. Restons optimistes. ».

Publié par Sylvie SOUBES



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