Jérôme a derrière lui 20 ans d’expérience et un parcours qui lui a permis de se frotter à plusieurs univers de l’hôtellerie et de la restauration. Après un CAP cuisine, un BEP, un Bac Techno au Touquet et une licence de gestion hôtelière, il travaille en Angleterre et aux USA, embarque sur un bateau de croisière et enfile aussi le tablier de garçon de café dans une brasserie parisienne. Il y a six ans, au terme de deux années de gérance, il décide d’être son propre patron et acquiert un petit café-restaurant situé dans le 8ème arrondissement de la capitale, près du métro Saint-Augustin. « J’ai une belle clientèle, composée à 75% de cadre et 25% de salariés qui viennent se faire plaisir une fois par semaine au déjeuner en dépensant 2 titres restaurant. Le Happy Hour fonctionne aussi ». Mais le chef d’entreprise est à bout. « Je ne peux toujours pas me prendre de salaire. Le système et la fiscalité vous enferment. Il est très difficile de sortir la tête de l’eau » dénonce-t-il.
Tout coûte trop cher
« Je ne comprends pas, par exemple, que le remboursement d’un emprunt commercial ne soient pas dans la colonne des charges. Les frais bancaires n’ont cessé d’augmenter, avec des agios à près de 14%. Tout augmente, l’électricité, les fournisseurs d’accès, etc. sauf le pouvoir d’achat des gens qui diminue. On est même obligé de payer un abonnement pour la caisse enregistreuse ». Concernant les achats, «je suis très rigoureux mais la qualité à un prix. Un plat du jour à 16 euros, c’est un budget pour les consommateurs ! Et rogner sur la qualité serait contreproductif ». Jérôme s’élève aussi contre le système des titres restaurants. « Ca me coûte 100 euros tous les 1000 euros, soit une table de quatre. Je mets environ 3 semaines pour atteindre 1000 euros de tickets et il faudra ensuite que j’attende 30 jours pour recevoir mes 900 euros. Ce n’est pas un avantage. On profite de vous, c’est tout». Pour le service du midi, il emploie un cuisinier et une serveuse. « On tourne autour de 50 couverts, c’est le maximum car on ne peut pas pousser les murs. Le soir, je me débrouille seul car je n’ai pas les moyens d’augmenter les salaires ». Il n’y a plus de télévision dans l’établissement. « J’économise la redevance audiovisuel à 550 euros, la Sacem et la Spre ». En France, déplore-t-il, « quand vous êtes un patron, vous n’avez pas le droit de vous plaindre, seulement, je le répète, de payer. Alors que mon établissement tourne, je me retrouve avec un compte débiteur. En 2018, j’ai pris seulement deux semaines de vacances. Et au moment où je vous parle, je ne sais pas de quoi sera fait l’avenir. Je vais aller au terme de mon crédit, ensuite, je ne sais pas… ». L’an dernier, avant que ne débute le mouvement des Gilets jaunes, Jérôme a écrit au Président de la République pour lui faire part de son désarroi, des difficultés rencontrées par un petit patron de TPE qui n’arrive pas à vivre de son travail. « Je n’ai jamais eu de réponse » soupire-t-il.
Publié par Sylvie SOUBES
jeudi 7 février 2019