Le contexte
Un accord tacite est conclu entre le maire et un opérateur privé afin d’ouvrir un restaurant de 50 couverts, deux salons, un espace bar musical et une salle de spectacle dans un château. Près d’un million d’euros ont été investis. Suite aux élections municipales, le changement de maire remet en question le projet. Pierre d’achoppement : la création d’un nouveau passage aboutissant sur un carrefour partagé entre voie communale et route départementale. La commune devait prendre en charge le financement de l’aménagement nécessaire. Elle revient sur son engagement.
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L’enjeu de la négociation
Sauver votre projet et éviter un procès. La partie adverse (le maire) est en train de faire capoter votre projet. Elle prend le prétexte des nuisances sonores mentionnées dans l’enquête publique et n’est pas prête à financer le passage comme le prévoyait le projet.
La préparation de la négociation
Avez-vous compris la motivation réelle du nouveau maire de bloquer de cette manière brutale votre projet ? La connaître permettrait de trouver des arguments de négociation. Sans cela, vous êtes obligé de partir sur une hypothèse. En l’occurrence, comme il vous a traité de “riche châtelain”, vous pensez que le maire s’oppose à ce projet pour en faire un symbole de son combat politique contre les inégalités.
Jusqu’où êtes-vous prêt à aller pour sauver votre projet ? Quelles modifications pourraient contribuer à faire changer d’avis le nouveau maire ?
Après réflexion, voici les concessions maximales que vous pensez pouvoir faire :
- vous êtes prêt à recruter deux apprentis et une personne en situation de handicap ;
- vous êtes prêt à prendre à votre charge 50 % du financement de la réalisation du passage ;
- vous êtes prêt à limiter le niveau sonore dans la fourchette basse des festivals.
Le dialogue avec le maire
Le maire : “Monsieur, le précédent maire a pris des décisions qui sont désormais de mon ressort. Le nouveau passage ne sera pas payé par la commune. Par ailleurs, les administrés ont fait savoir qu’ils étaient inquiets des risques de nuisance sonore lors de notre enquête publique.”
Comment réagissez-vous ?
- 1er scénario, la négociation échoue : le projet n’est pas sauvé
- 2e scénario, la négociation réussit : votre projet se fait, mais avec des concessions
1er scénario : la négociation échoue
Vous : “Écoutez, nous avons tout prévu en détail, avec un calendrier raisonnable et vous faites de l’obstruction. Vous vous rendez compte de l’investissement et de l’argent perdu ? Vous n’avez pas le droit de faire ça !”
- Vous ne contrôlez pas vos émotions : votre réaction est émotionnelle, le manque d’empathie de votre interlocuteur déclenche votre colère et celle-ci vous submerge. La colère est légitime, mais elle ne doit pas brouiller votre vision objective ni vous faire perdre votre contrôle.
- Conclusion : Si vous vous laissez emporter par l’émotion, vous allez tomber dans une spirale agressive qui ne vous servira pas à atteindre votre objectif.
2e scénario : la négociation réussit
Vous : “Je comprends bien votre point de vue en tant que maire et votre souci des deniers publics. Nous partageons une même volonté. Vous souhaitez avoir un rôle social et faciliter l’accession à l’emploi. Il se trouve que je ne suis pas indifférent à ces valeurs. Je compte bien donner des opportunités aux personnes en recherche d’emploi ou qui en sont éloignées. Si nous nous voyons aujourd’hui, c’est pour étudier la possibilité de développer une entreprise de main-d’œuvre, n’est-ce-pas ? ”
- Vous contrôlez vos émotions.
- Vous rappelez l’objectif commun partagé (lire ci-dessous) entre vous et votre interlocuteur.
- Vous posez une question fermée qui déclenchera un oui.
Le maire : “Oui il s’agit bien de ça. Mais le problème c’est que la commune est endettée et qu’il n’est pas question de financer un aménagement au profit d’intérêts privés.”
Vous : “Je ne suis pas forcément hostile à aider financièrement la commune à l’aménagement de ce passage. Certes il y a une mise de départ pour la commune mais à terme, il y a aussi des retombées financières positives pour les comptes de la commune. Quelles sont-elles d’après vous ?”
- Vous avez enchaîné avec une question ouverte.
Vous : “Dans la mesure où le projet profite aussi à la commune et pas seulement à l’entreprise, il serait juste que la commune et l’entreprise se partagent l’aménagement du passage.”
Le maire : “Il n’en demeure pas moins que la commune privilégie les actions sociales.”
Vous : “L’entreprise privée peut aussi avoir une fonction sociale. Si je m’engage à embaucher deux apprentis et une personne en situation de handicap, êtes-vous d’accord pour donner une chance au projet ? L’entreprise et la commune seraient des modèles d’inclusion.”
Le maire : “Il y a aussi le problème des nuisances sonores qui gênent les riverains.”
Vous : “C’est tout à votre honneur de penser aussi aux riverains et pas seulement aux amateurs de festivals. Je m’engage donc à limiter le niveau sonore dans la moyenne basse des festivals.”
- Au fil du dialogue, les concessions de part et d’autre ouvrent la voie à l’accord.
Pour réussir vos négociations, vous devez les préparer et mettre votre ego de côté. L’ego est un facteur de performance, c’est ce qui nous donne envie de défendre nos positions mais, s’il est trop important, il peut nous faire perdre toute objectivité et donc oublier l’enjeu de départ. Pensez également à déléguer dès que vous le pouvez. Le décideur ne doit pas être celui qui négocie.
À suivre dans les prochains articles de la série.
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Publié par Nadine LEMOINE