Au restaurant, les tables sont dressées pour un service qui n’aura pas lieu et sur la terrasse (démontable), il n’y a personne pour partager un cocktail en attendant l’heure du déjeuner. Le château de Freycinet, sur la commune de Saulce-sur-Rhône, (Drôme), est ainsi plongé dans un sommeil forcé. Une situation très particulière et le nouvel épisode d’un feuilleton qui semblait pourtant promis à une fin bien plus heureuse.
Une série qui débute par la volonté d’un chef d’entreprise de tourner une page de sa vie. “J’ai repris le commerce familial de charcutier-traiteur en 1991 à Vernoux-en-Vivarais. Il comptait alors six employés. Trente ans plus tard, l’entreprise a grandi. J’ai décidé de la mettre en vente parce que mes enfants ne souhaitaient pas poursuivre dans cette voie et aussi en raison de soucis de santé. J’ai donc conclu la cession en octobre 2020 des cinq sites de production employant 140 salariés et réalisant 20 M€ de chiffre d’affaires”, explique Christophe Guèze.
Deux choix s’offraient alors à lui : régler son dû au fisc et vivre de ses rentes en plaçant son argent en bourse ou ailleurs, ou bien opter pour des plans de réinvestissement à hauteur de 60 % des gains issus de la vente. “J’ai choisi le deuxième et le hasard d’une rencontre m’a conduit à ce château autour d’un projet bien précis.”
Le soutien du maire et de l’agglomération
Didier Viricel, patron de Modjo production et notamment directeur artistique du festival Aluna, et Claudie Chabal, ancienne du lycée hôtelier de Tain-l’Hermitage, souhaitent en effet créer un lieu où organiser leur propre festival et accueillir régulièrement des artistes. “L’un et l’autre ont du talent mais pas les moyens de financer seuls une telle opération. Je les ai soutenus en ajoutant la dimension gastronomique à cette opération. Après sept ou huit visites, le château de Freycinet, entre Montélimar et Valence, répondait à tous nos critères avec 1 000 m² de bâtiments et 11 hectares de parc. Il y avait également la proximité de l’autoroute.”
Mais il y avait aussi certaines contraintes. “Si le château en lui-même n’est pas classé, en revanche la propriété est située dans une zone déclarée agricole sur le plan local d’urbanisme.” Avec pour conséquence de bloquer l’ensemble de l’opération.
“Nous avons rencontré Daniel Buonomo, le maire élu en 2020, et le président de Montélimar Agglomération. Ils ont trouvé notre projet crédible et nous ont permis de le présenter lors d’une réunion avec les différents intervenants potentiels. L’agglomération a voté la modification du PLU et le maire, chef d’entreprise lui-même, a autorisé l’organisation d’un premier festival au cours de l’été 2021. Un total de 21 spectacles, dont 18 gratuits, qui nous ont permis de nous faire connaître.”
Malheureusement pour les trois associés, Daniel Buonomo, malade, a été contraint de réduire ses activités en avril dernier et c’est l’un de ses adjoints, Stéphane Vargas, qui est devenu le premier magistrat de la commune de Saulce-sur-Rhône. Et soudain, tout est devenu beaucoup plus compliqué en prenant notamment une tournure politique...
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Le nouveau maire remet tout en cause
Imaginée en cinq étapes, la mutation du château prévoyait l’ouverture du restaurant Rose juste avant l’été 2022. Au total, 800 000 € ont été investis dans les anciennes écuries pour créer deux salons et une salle de 60 couverts, ainsi qu’un espace bar-musical et lieu d’exposition, et équiper la cuisine. Un ensemble qui aurait dû être inauguré tout début juin.
Sauf que Stéphane Vargas, qui n’a répondu à aucune de nos sollicitations, s’est lancé dans un ensemble de procédures remettant en cause tout le calendrier des propriétaires et, au-delà, certaines des décisions déjà entérinées. Demandant l’annulation de la modification du PLU, il n’a pas été suivi par les élus de l’agglomération. Et si la commission de sécurité a rendu un avis favorable le 30 juin 2022, le restaurant n’a pas pu ouvrir pour autant. En question, l’accès du public et la création d’un nouveau passage aboutissant sur un carrefour partagé entre voie communale et route départementale. Pour l’édile, pas question que la commune prenne en charge le financement de l’aménagement nécessaire. Ce que les propriétaires sont prêts à faire pour un coût 50 % moins élevé. Il y a aussi la question des nuisances sonores les soirs de spectacle, qui ont conduit des habitants à exprimer leur inquiétude lors de l’enquête publique. Une gêne dont ils n’ont pas eu à souffrir cet été puisque le festival, qui comptait Véronique Sanson, Benabar ou encore Grand Corps malade à son affiche, a également été annulé.
Mais tous ces aspects ne constituent rien d’irrémédiable en soi. Sauf que le maire remplaçant a choisi un ton clairement politique pour expliquer la situation a ses administrés. Il règle ainsi quelques comptes avec son prédécesseur et le président de l’agglomération, également maire de Montélimar. Et compare Christophe Guèze à un “riche châtelain” voulant “valoriser à son seul profit le prestigieux domaine et château de Freycinet”. Et si Stéphane Vargas dit vouloir imposer “la stricte application des règles d’urbanisme qui sont les mêmes pour tous”, d’autres éléments de son courrier ajoutés à son opposition devenue systématique à ce projet ont conduit les trois associés à se tourner vers la justice. Le feuilleton est loin d’être terminé.
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Publié par Jean BERNARD