Christophe Bacquié : Je suis né à Montreuil, en région parisienne, mais je suis parti très tôt en Corse où ma mère et mon beau-père tenaient l'hôtel-restaurant Bellevue à Lumio. J'ai eu une adolescence tournée vers la Méditerranée et le métier. Sauf que je faisais du service et que je me régalais au contact des clients. Franchement, l'école, ce n'était pas mon truc et j'étais très content d'entrer au lycée hôtelier en pensant toujours à la salle. C'est là que, finalement, j'ai approché la cuisine. Il y avait une super équipe. On nous demandait d'être précis, pointus, de nous dépasser. J'ai eu le déclic. Ensuite, ce n'est que le travail, uniquement le travail qui m'a permis d'avancer.
Comment définiriez-vous votre cuisine ? Son évolution ?
Elle est très ancrée dans la Méditerranée et dans la Provence. Quant à l'évolution, je pense que je suis passé d'une cuisine hyper technique à une cuisine d'émotion. Il y a toujours beaucoup de technique, mais elle s'efface devant le goût, la surprise, l'émotion. J'ai eu la chance de voir comment cela se passait dans les cuisines de grands chefs. On remarque que partout les bases sont classiques et que c'est à partir du moment où on les maîtrise que l'on peut se permettre de laisser sa personnalité s'exprimer.
Votre plat best-seller ?
L'aïoli moderne de poulpe que j'ai créé au Castellet. C'est le plat provençal par excellence. C'est aussi un plat de fête et familial dont j'ai voulu donner mon interprétation. Il s'est imposé comme un plat signature auquel les clients sont attachés. Il évolue en fonction des produits de saison mais aussi au fil du temps, avec une modernité et un dressage plus aérien. Le poulpe, à la fois ferme et fondant, demande une grande attention. C'est l'exemple même d'un plat d'une grande technicité, alors qu'il semble si simple. J'ai voulu aussi qu'il soit dégusté avec une pince, comme celle qui sert à le dresser. Cela change le rapport à l'assiette. Cela demande une plus grande attention et de la concentration. On entre dans le plat.
Votre plat préféré à la carte ?
Le pamplemousse, eau à la baie des Batak. Ce tout nouveau dessert pourrait être un dessert de cuisinier. On a essayé d'apporter beaucoup de fraîcheur et très peu de sucre. On retrouve le pamplemousse confit, en segments marinés, en compote, en granité, en sorbet, en eau infusée à la baie des Batak. J'adore ce dessert que nous avons travaillé avec Loïc Coulliau, le chef pâtissier.
Quel souvenir gardez-vous du concours Un des meilleurs ouvriers de France ?
Le plus compliqué, c'est de faire, de refaire et de s'apercevoir qu'il y a toujours une marge de progression. Tous les jours, je me dis que l'être humain est fait pour se dépasser. Il faut s'y préparer en se disant que l'on peut y arriver et que l'on peut toujours faire mieux. Le MOF a été très important pour moi, parce que cet entraînement intensif en quête de l'excellence, où tout doit être carré et maîtrisé, me sert au quotidien.
Qu'est-ce qui vous agace le plus dans le métier ?
Les jeunes ont du mal à comprendre que c'est un métier qui prend du temps. Pour durer, il faut des bases et on ne les acquiert pas en six mois. C'est la même chose en salle ou en pâtisserie. Cela ne s'apprend pas non plus sur internet ou à la télé.
Le plus beau compliment ?
Une dame m'a déclaré devant son mari : "Vous avez une cuisine orgasmique." J'étais un peu mal à l'aise, mais c'était un très beau compliment.
Vos projets ?
Je veux que mes clients continuent à partir d'ici en ayant vécu une belle expérience et de grandes émotions. La cuisine, c'est ma vie. Mon but, c'est de continuer à faire évoluer cette maison.
Publié par Nadine LEMOINE