Circuits d'approvisionnement et alimentation : Roland Héguy pointe du doigt la course au prix

La restauration traditionnelle est menacée. Et le consommateur trompé, comme le démontre l'affaire de la viande de cheval. Roland Héguy, président confédéral, annonce l'organisation prochaine d'un colloque sur ce thème et la course au prix. Un dialogue national s'impose.

Publié le 19 février 2013 à 09:39
Comment réagissez-vous à l'affaire de la viande de cheval ?

Roland Héguy : Je suis scandalisé. C'est une affaire grave de fraude alimentaire qui risque de rejaillir sur l'ensemble des acteurs des métiers de bouche et de l'alimentation. Tout le monde aujourd'hui peut être trompé en achetant un produit. Contre la tromperie, seule la menace d'une lourde sanction peut prévenir. Dans cette histoire, ce n'est pas un dysfonctionnement de la traçabilité qui est en cause puisqu'en 48 heures les autorités ont été capables de déterminer comment la fraude a eu lieu, et qui est responsable. Cette affaire remet au coeur du débat la question des circuits d'approvisionnement de notre alimentation. 

En tant que professionnel, êtes-vous pour ou contre l'agroalimentaire ?

R. H. : C'est un faux débat. On ne peut pas être pour ou contre l'agroalimentaire. L'industrie agroalimentaire a permis la démocratisation de nombreux produits et occupe une place prépondérante dans le quotidien des Français. Qui aujourd'hui ne fait pas ses courses dans un supermarché, dans une supérette, dans une épicerie ? Qui aujourd'hui va chercher directement les produits chez le producteur ? Au contraire, le débat doit porter sur certaines pratiques de l'industrie agroalimentaire, notamment celle de la course au prix. C'est un danger réel, avec de nombreuses conséquences, en termes de santé publique, de développement durable, de gaspillage alimentaire, d'emploi des jeunes, d'éducation, de formation et de transmission des savoirs. On ne peut pas continuer à rechercher le prix toujours moins cher et en attendre un produit de qualité. Les Français doivent savoir ce qu'ils achètent et ce qu'ils vont consommer, que ce soit dans un supermarché ou dans un restaurant. Réapprendre à acheter moins mais mieux pour s'alimenter avec des produits de qualité. Réapprendre à cuisiner des produits qui respectent les saisons, les terroirs, et les circuits courts. 

Vous avez récemment réuni un groupe de personnes sur le thème de la restauration traditionnelle. Quels sont les objectifs de ces travaux ?

R. H. : A l'Umih et surtout avec la branche Restauration présidée par Hubert Jan, nous avons pris l'initiative depuis longtemps sur ce sujet en partant d'un constat simple : notre restauration est menacée. Nous constatons, sur tout le territoire français, que chaque année, la restauration industrielle gagne des parts de marché sur la restauration traditionnelle qui transforme. C'est notre rôle, en tant qu'organisation professionnelle leader, d'aider le consommateur à savoir quand il va pousser la porte d'un restaurant quel type de cuisine il va trouver. C'est pourquoi, nous avons ainsi réuni à plusieurs reprises des critiques gastronomiques, journalistes économiques, experts économiques de notre secteur, sociologues, restaurateurs, cuisiniers étoilés et représentants de consommateurs afin de réfléchir ensemble à l'avenir de la restauration française. Comment assurer une meilleure information des consommateurs ? Comment répondre à leurs attentes? Quelle place pour la restauration qui travaille les produits bruts ? Autant de questions auxquelles nous tenterons d'apporter des réponses concrètes lors d'un colloque que nous organisons cette année. Rien ne pourra se faire sans l'appui et le soutien des pouvoirs publics.  Notre rôle, en tant que professionnels est de redonner confiance aux consommateurs dans leur cuisinier et leur restaurateur. 

Certains évoquent aujourd'hui l'idée de protéger le terme restaurant. Est-ce pour vous une solution ?

R. H. : Evitons toute démagogie avec des solutions qui semblent trop faciles. En effet, vouloir protéger le mot restaurant reste une démarche complexe juridiquement, mais nous sommes prêts à examiner toutes les solutions qui permettront aux consommateurs de disposer d'une meilleure information. A l'Umih, nous représentons de nombreux types de restauration. C'est notre rôle de porter ce débat dans l'opinion publique. 

Jusqu'où, selon vous, un restaurateur peut-il aller dans l'information au consommateur ?

R. H. : Le restaurateur et ses salariés ne sont pas de simples revendeurs, ils connaissent leurs produits et ils doivent être en mesure d'apporter au consommateur une information efficace, utile et juste. Nos clients doivent savoir si on leur propose un plat déjà tout préparé ou un plat transformé sur place à partir de produits bruts. Comment ? Beaucoup de pistes sont à étudier et ce sera tout l'enjeu de notre colloque de pouvoir apporter des réponses concrètes. Mais une seule chose est sûre : une surabondance d'information n'est pas toujours efficace. Attention, nos cartes ne doivent pas se transformer en posologie de médicaments quand leur rôle est de donner envie et plaisir à nos clients.

Où en est-on du titre de Maître Restaurateur, qui est un bon outil pour mettre en avant le savoir-faire des cuisiniers ? Il a été conçu dans cet esprit, non ?

R. H. : Le titre Maître Restaurateur a le mérite d'exister et de répondre déjà partiellement à certaines questions que se pose le client. Nous devrons bien évidemment continuer de nous appuyer sur ce label. Pour autant, ce titre doit évoluer et être clarifier. Son cahier des charges est à revoir afin de le rendre plus lisible pour le consommateur. Une des pistes pourrait être la mise en place d'une nouvelle plaque ou un nouveau logo, ou une nouvelle signalétique, facilement reconnaissable par nos clients, à l'instar de ce qui existe pour les hôtels et le classement hôtelier.

Publié par Propos recueillis par Sylvie Soubes



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