Claude Daumas : Effectivement, notre profession évolue dans un contexte très peu propice à l'optimisme. Et lorsque les entrepreneurs manquent de visibilité, ils ne peuvent pas s'engager, freinent leurs investissements, attendent pour embaucher… C'est un cercle vicieux dont il faut s'extraire sans tarder : et la première chose qui le permettra et de fermer définitivement le débat sur la TVA. On ne peut pas changer la règle du jeu tout les deux matins au gré de changements politiques. Nous voulons replacer le curseur au bon endroit : le tourisme est une industrie moteur de l'économie française. On vit depuis longtemps sur l'idée que le Tourisme en France est un phénomène naturel, que notre géographie, notre culture, notre diversité suffisent à générer l'activité touristique. C'est faux ! Il faut soutenir, développer, renforcer le tourisme en France, et par là même l'hôtellerie restauration qui en est l'épine dorsale. C'est ce message que nous voulons faire passer à travers notre congrès.
En ce qui concerne la TVA, si l'Etat rompait le contrat d'avenir, quelle serait votre réponse ?
C. D. : Une telle décision serait injustifiable à l'égard d'une profession qui a honoré ses engagements. Rappelons aussi que nous sommes le seul secteur auquel des compensations en contrepartie à la baisse de la TVA. Nous sommes de partenaires honnêtes et respectueux de nos engagements : il faut que l'Etat le soit également. On ne peut pas rompre unilatéralement un contrat sans conséquence ! Et il serait incongru de rétablir une injustice fiscale lorsque l'idée de justice semble au coeur de toutes les préoccupations de nos dirigeants !
A Val Cenis, deux ateliers attendent les congressistes. L'un porte sur le patrimoine, son évaluation, son financement. L'autre sur le management des équipes. Deux aspects du secteur devenus très compliqués…
C. D. : Compliqués, c'est le mot ! La Fagiht représente depuis toujours des entreprises indépendantes, exploitées par des professionnels qui engagent leur patrimoine personnel. La question de la valeur de ce patrimoine revêt une importance particulière pour ces professionnels. Nous avons voulu les éclairer sur la façon dont le marché l'évaluait. Vous savez, pour la plupart, la valeur de leur entreprise constituera leur retraite ! Quant à la gestion du personnel, nos chefs d'entreprises ne peuvent plus faire face à l'avalanche de réglementations qui leur tombent dessus. Prenez les fiche individuelle de pénibilité, c'est un casse-tête pour les médecins du travail, pour les juristes … Et les chefs d'entreprises, eux, ont l'obligation de les mettre en place sous peine de sanctions ! Nous voulons les aider au mieux pour répondre à ces obligations. Nous devons également faire face à la pénurie chronique de personnel. Nous allons explorer deux pistes pour répondre au problème : embaucher des étrangers et former à nos métiers.
Vous allez présenter vos dix mesures pour sauvegarder l'hôtellerie et la restauration indépendantes. Existe-t-il un modèle économique type, viable et fiable, actuellement ?
C. D. : En tout cas, il y a des réponses à apporter en urgence pour stopper l'hémorragie.
La disparition de l'hôtellerie et de la restauration n'est pas une fatalité. Il faut, par contre faire, des choix. Bien sûr, si rien n'est fait, nous pleurerons les hôtels et les restaurants traditionnels dans quelques années, comme on le fait pour les commerces de l'alimentaire ou de proximité. Regardez ce qui ce passe en Autriche : le pays a fait le choix d'appuyer son développement touristique autour des l'hôtellerie restauration indépendante. Cela fonctionne parce qu'on a mis les moyens qu'il fallait : les lits hôteliers, par exemple, représentent plus de la moitié des lits touristiques ! Cela fait rêver !
Nous sortons de la saison estivale. Comment 'les' montagnes se sont-elles comportées ?
C. D. : Juillet n'a pas été très bon du fait d'une météo capricieuse. Août est meilleur, équivalent à quelque chose près à 2011. Mais comme toujours, on constate de fortes variations d'un massif à l'autre. La crise est bien présente : les clients ont toujours un oeil sur leur porte-monnaie. Ils se concentrent sur les activités sportives, celles des enfants … et mangent un sandwich plutôt que d'aller déjeuner ou diner au restaurant. L'offre touristique en montagne est calibrée sur la fréquentation hivernale. Alors, en été, c'est la guerre des prix : les grands hébergeurs faussent totalement le marché en proposant des prix cassés. Les Hôteliers ne peuvent pas rivaliser compte tenu des charges qui pèsent sur leurs entreprises.
Où en est la Fagiht aujourd'hui ?
C. D. : La Fagiht poursuit son chemin, fidèle à ce qu'elle a toujours été. Notre leitmotiv est de porter la parole des professionnels Indépendants, qui, individuellement, ne peuvent pas se faire entendre. Nos structures travaillent toutes dans ce sens en conservant une forte proximité avec le terrain. Les adhérents de la FAGIHT sont très attachés à cela : ils ne veulent pas de représentants enfermés dans leur tour d'ivoire, qui les regardent de loin. Et ils ont bien raison !
La concertation sur les rythmes scolaires se poursuit. Quelle est votre position ? Comment allez-vous peser dans les choix qui vont être faits ?
C. D. : Les rythmes scolaires sont une question prioritaire pour la Fagiht tant ils influencent l'activité touristique. Il faut cesser d'opposer l'intérêt de l'enfant et celui des acteurs du tourisme : dans la société actuelle, les familles vivent à un rythme effréné entre travail, école, activités périscolaires, obligations familiales … Les vacances sont un moment privilégié où la famille se pose. Parents et enfants se retrouvent dans un contexte de détente et de plaisir. Elles sont une respiration, une bouffée et contribuent à l'équilibre pour les enfants et leur famille. Et il faut proposer aux enfants et à leur famille un cadre qui répond à ces objectifs. Si on déconnecte les rythmes scolaires du fonctionnement du tourisme, non seulement on sacrifiera un pan de notre économie mais aussi, on privera les familles de ce qui fait la joie des vacances ! Les dernières propositions du Ministre de l'éducation nationale, concernant le zonage des vacances d'été, nous parait une bonne solution en ce qu'elles permettent de maintenir en l'état le découpage des vacances d'hiver. C'est un point fondamental pour l'économie des sports d'hiver : les vacances de février représentent 36 % des nuitées globales quant Noël et Pâques réunis font moins de 30 % !
Publié par Propos recueillis par Sylvie Soubes