Aladdin Charni est organisateur d'événements festifs et culturels et freegan par
conviction depuis sept ans, c'est-à-dire qu'il se nourrit d'aliments destinés à
la destruction. C'est en créant un restaurant dans un squat du Marais (Paris),
il y a deux ans, qu'il commence à démarcher des maraîchers de Rungis. Il gagne
leur confiance et les taxes sur les excédents de produits jetés achèvent de les
convaincre. À la recherche d'un nouveau squat, il découvre un lieu de stockage
de la voirie laissé à l'abandon sous le périphérique (XIXe). Il remet en état
les lieux avec des volontaires, et récupèrent du mobilier Emmaüs et du matériel
donné par des partenaires. "La récup, c'est valoriser les déchets et donner
une seconde vie aux objets", explique l'initiateur. Freegan Pony ouvre fin octobre. Depuis, chaque
jour de dîner (du vendredi au lundi), l'équipe part à Rungis récupérer les
fruits et légumes déclassés, mais uniquement ce dont elle a besoin (150 kilos
environ). Quand le restaurant sera mieux structuré, Aladdin Charni espère
pouvoir préparer des repas qui seront distribués à des associations. Condiments,
produits laitiers et pains sont donnés par Bio C Bon et quelques produits sont
achetés, mais tout est végétarien, car "la
viande et le poisson coûteraient trop chers."
En cuisine, sept chefs se relaient. Aladdin Charni les rémunère, même si
c'est moins que dans un restaurant classique. L'après-midi est consacré à la
préparation avec des bénévoles auxquels le chef transmet son savoir, "ça
leur donne envie de revenir". À l'ardoise, entrées, plats et desserts
figurent à 2 €. Pas de personnel en salle, l'équipe de cuisine sert au
comptoir. Entre 70 et 80 couverts sont assurés chaque soir et la demande
sur les réseaux sociaux continue d'augmenter. "On fait prendre conscience
aux gens que ce qui est jeté est encore consommable." À terme, Aladdin
Charni souhaiterait accueillir "des publics différents, de 7 à 77 ans".
En février, c'est le tribunal, car Freegan Pony est "occupant sans droit ni titre".
Le collectif Restaurer
Quand elle travaillait dans la cuisine de Bertrand Grebaut
(Septime, Paris XIe), Céline Pham a vite été sensibilisée à l'anti-gaspillage.
Le repas du personnel était surtout composé des restes : "on n'achetait
rien en particulier, on bidouillait en essayant de faire de la magie".
Aujourd'hui auto-entrepreneuse, elle cuisine pour des dîners à domicile et en
tant que traiteur, un domaine où les quantités sont souvent surévaluées et qui
l'incite à faire plus attention. C'est en participant à la Soupe populaire de
la place Sainte-Marthe (Xe) que la jeune chef est particulièrement touchée par
les personnes attendant trois heures dans le froid pour se nourrir. Avec Valentine
Davase, du restaurant et food truck Le Réfectoire (Xe), et de l'association
Avec Ernest, elle crée le collectif Restaurer. "Cela peut être long administrativement,
mieux vaut se rapprocher d'une association existante." Des repas sont
préparés dans la cuisine du Réfectoire le lundi (jour de fermeture) et
acheminés par le food truck vers les personnes qui en ont besoin. "Il est
difficile de prendre sur son temps de repos quand on travaille dans la
restauration classique, mais j'ai encore besoin de chefs bénévoles à mes côtés",
explique-t-elle. Les produits sont quant à eux donnés par des fournisseurs (le
boucher du Réfectoire Éric Martin, l'épicerie Zingam, Rachel's Cakes). "En
tant que cuisinier, on fait à manger, on vise juste, sans être dans l'opulence.
Ici, on cuisine des produits destinés à la poubelle alors qu'ils sont
consommables. Et quand on voit les sourires que l'on obtient, ça fait réfléchir."
Publié par Caroline MIGNOT
mercredi 23 décembre 2015