Cuissons : comment réduire son empreinte environnementale ?

Plus que jamais au coeur de l'actualité entre réchauffement climatique et hausse du prix de l'énergie, la réduction de l'empreinte environnementale des restaurants s'impose désormais comme un enjeu majeur en cuisine, mais également pour les industriels. Afin de tenter d'ouvrir quelques pistes, commençons par nous intéresser aux cuissons via l'expérience de chefs, de fabricants mais également de chercheurs.

Publié le 28 septembre 2023 à 14:05

Il faut repenser notre façon de cuisiner, repenser le froid et les climatisations. La précarité énergétique dans les restaurants existe bel et bien mais il n’est pas impossible d’améliorer la situation avec une prise de recul et une réflexion nécessaire, dès les centres de formation et puis à tous les niveaux. Il faudra une vingtaine d’années pour concrétiser les choses et s’approprier des unités de mesure dont nous ne disposons pas encore aujourd’hui en cuisine.” Thierry Marx, chef 2 étoiles Michelin, cofondateur du Centre français d’innovation culinaire Marx Haumont, à l’université Paris Sud, est assez pessimiste quant on le questionne sur les économies d’énergie en cuisine : “Au niveau du gaspillage autour de l’eau et de l'énergie, nous avons beaucoup de retard. Les 175 000 restaurants en France subissent une crise de l'énergie, dont le coût ne baissera pas”.

Face à la hausse des prix de l’énergie et les enjeux environnementaux, réduire l’impact carbone des restaurants n’est plus aujourd’hui une option, mais une nécessité. En cuisine, la cuisson représente un poste crucial en termes de consommation d’énergie et d’eau. Quelles pistes s’offrent aux restaurateurs et aux chefs ? Comment agir concrètement ?

► S’adapter et changer ses habitudes

  • “On cuisine aujourd’hui comme on cuisinait au Moyen Âge !” Pour Raphaël Haumont, chercheur en physico-chimie et professeur en cuisine du futur à l'université Paris Saclay, il n’y a pas de doute, il faut revoir nos façons de cuisiner et notamment les températures : “Une cuisson revient à coaguler des molécules. Pour un œuf, cela commence à partir de 50°C, tandis que pour un légume, à partir de 82 °C. En réalité, beaucoup de produits peuvent cuire en dessous de 100 °C alors que nous gardons ce réflexe d’ébullition. Gagner 15 degrés en termes d’énergie serait génial… Pour cela, la solution la plus évidente serait de commencer par pouvoir régler la température des plaques de cuisson au degré près.” Autre idée : réduire notre consommation d’eau en utilisant des systèmes hermétiques avec couvercle et 3 cuillères d'eau pour cuire un légume. L’expert rappelle qu’un légume est constitué à 95 % d’eau.“Il faut peut-être aller vers les extrémités pour gagner en énergie et en efficacité, cuire certains produits plus longtemps et moins fort, et d’autres en flash cuisson au contraire, en s'adaptant au produit et aux connaissances sur les protéines.”

  • Nous cuisinons en symbiose avec la nature mais il est impossible et impensable de choisir nos modes de cuisson simplement pour des raisons énergétiques. Bien évidemment, cela compte, mais on ne peut pas renier nos envies et nos besoins pour décider des recettes à la carte. On pratique une écologie de bon sens, pas une écologie contraignante. Je ne veux pas passer en induction totale mais je préfère surveiller les gaspillages d'énergie récurrents. Je passe mon temps à éduquer les jeunes en ce sens. On ne peut pas tout remettre en question à chaque tendance, le restaurant reste un lieu où le client doit prendre du plaisir. Chaque énergie a son avantage et ses inconvénients et la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas”, témoigne Jacques Marcon, chef 3 étoiles et propriétaire des Maisons Marcon.

  • Selon Ludovic Poyau, chef étoilé et propriétaire de L’Auberge du Cheval Blanc et président de la commission du développement durable à l’Umih : “Cuire à l’étouffée avec un couvercle, en basse température la nuit, ou snacker directement un aliment semblent être les meilleures alternatives écoresponsables pour gagner en énergie. Je ne parle pas de cuisson sous-vide faisant appel à du plastique mais plutôt à l’utilisation de plats en inox avec des cloches. Pour les poissons, les planchas en inox à induction, qui chauffent par à-coups et restent chauds, semblent être une bonne alternative. Astuce logique mais incontournable, opter pour des petites pièces et adapter les découpes fait partie du bon sens afin de minimiser les temps de cuisson. On peut aussi cuire par le froid, si on a le matériel, recourir à des viandes séchées, cuire avec l’eau de constitution du légume… Et faire appel à des méthodes ancestrales et des outils modernes.”

  • Doucement, de nouveaux mécanismes vont s’implanter dans les cuisines et nous allons probablement aller chercher à remettre en œuvre, avec modernité, des méthodes qui ont fait leurs preuves pendant des centaines d’années. Je pense à la cuisson basse température que nos grands-mères maîtrisaient déjà à merveille avec leur gigot de sept heures, ou encore au four solaire des Anciens ! ”, affirme Thierry Marx. Au Centre français d'innovation culinaire, des chercheurs travaillent sur les matériaux de demain pour réduire l’impact énergétique. “Il faut réfléchir sur le fond du problème, comprendre qu’il y a un investissement à faire et des efforts à fournir au niveau des casseroles, des fourneauxLe titane, le cuivre, les cocottes sont des pistes en ce sens. Nous pensons à des investissements durables qui fonctionnent immédiatement”.

► La cuisson à la vapeur

  • Avantages

La cuisson à la vapeur est une cuisson qui nécessite moins d'énergie que d'autres méthodes de cuisson. Elle préserve les nutriments et les saveurs des aliments”, affirme Aline Scandella, senior marketing manager chez rational France. En effet, la cuisson à basse température permet de cuire les aliments lentement à des températures inférieures à celles des méthodes de cuisson traditionnelles. Cela permet d’une part de préserver la qualité des aliments et a également l’avantage de réduire la consommation d’énergie. Par ailleurs, “la perte de matière première à la cuisson est réduite, ce qui représente des économies et réduit le gaspillage”, selon la professionnelle.

Bien évidemment, les cuissons à la vapeur sont moins énergivores car elles consomment moins d’eau mais permettent également un nettoyage moins fastidieux du fait qu’elles soient moins salissantes et de nécessitent donc pas ou très peu de produits chimiques pour nettoyer”, explique Damien Bacque, responsable comptes clés Hobart.

  • Inconvénients

La cuisson sous-vide est une technique de cuisson qui nécessite l’utilisation de contenants en plastique, souvent critiquée.

► Équipements innovants

  • Avantages

“Dans un contexte où l’efficacité énergétique est un réel enjeu pour les professionnels, s’appuyer sur l’innovation et la technologie peut permettre d’économiser jusqu’à 30 % d’énergie, affirme Aline Scandella. En effet, certains appareils, notamment chez Rational, permettent de réduire les temps d’attente et de cuisson, avec une production quasiment immédiate. La régulation intelligente qu’offrent ces outils de la chaleur assure la gestion de l’énergie selon le besoin. L’appareil détecte les points froids et sait ainsi quand il doit se remettre à chauffer. Résultat : la cuisson des aliments est jusqu’à quatre fois plus rapide et consomme jusqu’à 40 % d’énergie en moins par rapport à des appareils de cuisson conventionnels.

La connectivité est également de plus en plus présente dans les systèmes de cuisson professionnels. Les appareils peuvent être contrôlés et surveillés à distance, ce qui facilite la gestion des cuisines professionnelles. De plus, des mises à jour logicielles régulières permettent d'ajouter de nouvelles fonctionnalités et d'améliorer les performances.

  • Inconvénients

Il faut suivre des programmes de formation pour être certain de tirer le meilleur parti des équipements et la transmission peut parfois s’avérer difficile.

► Les barbecues

  • Avantages

Je privilégie les basses températures et je viens d’investir dans un barbecue japonais qui est intéressant d’un point de vue énergétique, et bien évidemment gustatif. On peut y terminer les cuissons des viandes, des poissons et des légumes, y fumer les aliments, y cuire certains crustacés comme les langoustines. Il permet également d’utiliser moins de matières grasses, offre la possibilité de laquer… C’est donc un investissement utile et durable pour l’établissement. Mais si l’on veut vraiment réduire son empreinte environnementale il faut aussi travailler avec des produits sourcés près de chez soi”, explique le chef étoilé Rodolphe Regnauld, propriétaire de l’Auberge du Pont.

Au Bel Ami, Omar Abodib, le propriétaire, a investi 50 000 € en 2021 pour refaire la cuisine, ce qui permet au chef Loïc Lourmière de ne plus rien allumer à l’avance, d’avoir des plaques où seules les zones nécessaires chauffent, d’allumer moins la hôte et parallèlement de gagner en confort pour les équipes de travail. Il a également investi dans un barbecue Big Green Egg.

  • Inconvénients

Les professionnels insistent sur les particules que dégagent ces machines.

cuisson énergie Équipement


Publié par Julie GARNIER



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