Daniel Humm : Tout ça, c'est d'abord important pour l'équipe. Cela donne une énergie et une motivation extraordinaires. Ceci dit, je l'avoue, j'aime gagner. Maintenant, le plus important, c'est sûrement les 4 étoiles du New York Times car en 2009, avec la récession, nous en étions à faire 10 couverts le soir. C'était terrible. Grâce à cette note, les clients ont afflué et cela nous a sûrement sauvés de la faillite. La 3ème étoile, pour moi qui suis suisse et qui me suis formé en Europe, Michelin fait partie de ma culture. Le plus incroyable, c'est que nous sommes passés de 1 à 3 étoiles directement. C'est la première fois au monde que cela arrivait et je ne savais même pas que c'était possible. Quand Michelin m'appelé, je n'arrivais pas à y croire. Quant au 50 Best, c'est incroyable en termes de business. Le lendemain de l'annonce de la première place, nous avons reçu un million de mails pour des réservations.
Comment définiriez-vous votre cuisine ?
Je suis suisse. Je travaille aux Etats-Unis depuis 20 ans. J'utilise les techniques culinaires françaises et je m'inspire de l'histoire et des produits new-yorkais. Finalement, je fais une cuisine new-yorkaise. Mais surtout, il y a deux ans, j'ai eu un déclic devant un plat. Je me suis dit pour la première fois que ce plat, c'était exactement moi, mon identité. Et il correspondait à 4 fondamentaux : délicieux, on le sait dans l'instant ; beau, avec une esthétique minimaliste, sans effort car on ne voit pas le travail et le plat semble simple et la créativité, je veux toujours quelque chose de nouveau dans l'assiette que ce soit une technique, une saveur, un élément de surprise… S'il manque l'un des fondamentaux, je jette le plat. Il faut aussi une intention, ce plat doit avoir une raison d'être, il exprime un souvenir, une inspiration souvent artistique. J'ai besoin de raconter une histoire.
Que pouvez-vous encore espérer ?
Maintenant, je veux rester au plus haut niveau le plus longtemps possible. Je sais que cela durera un moment et qu'ensuite la roue tourne. Je me dis que j'aimerais laisser un héritage en cuisine. Je veux réfléchir, rêver et faire ce que je veux.
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Will Guidara, co-propriétaire du Eleven Madison Park, directeur du restaurant
« Nous voulons établir un lien émotionnel avec les clients mais aussi avec les équipes. C'est ainsi que l'on peut créer une expérience gastronomique inoubliable. Dès le départ, on voulait une ambiance relax. Il fallait donc casser les codes qui empêchent la connexion avec le client. Je répète à mes collaborateurs, qu'il faut être présent à ce qui se passe à table. C'est plus important que d'avoir en tête les gestes que l'on doit effectuer. Les gens ne veulent plus être servis comme dans Downtown Abbey ! Pour permettre la création de ce lien avec le client, on oublie les règles formelles. On lui permet d'être à l'aise comme, par exemple, faire en sorte qu'il ne se sente pas obligé de murmurer. Il faut écouter, « lire » le client, afin de s'adapter à ses attentes. Je crois aussi qu'il faut être fier de ce qu'on fait et avoir conscience de la noblesse de notre métier ».
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Publié par Nadine LEMOINE