L’Hôtellerie Restauration : Pourquoi et comment êtes-vous devenu cuisinier ?
David Gallienne : J’ai toujours voulu être cuisinier. J’ai passé mon enfance auprès de mon grand-père, qui cultivait ses légumes, élevait, pêchait, chassait, cueillait, ramassait… et de ma grand-mère, qui a élevé ma maman mais aussi des enfants de la Ddass, donc on était nombreux à table. Elle cuisinait pour toute la fratrie, une cuisine traditionnelle et familiale normande, à la crème et au beurre. C’est ce qui m’a amené vers la gastronomie. J’ai commencé à 14 ans en apprentissage. Je suis un garçon qui n’a jamais tenu en place, je voulais aller dans les cuisines et ne pas rester assis sur une chaise, même si j’avais de bons résultats. Ce métier m’a appris à canaliser mon énergie. Si j’ai choisi ce métier, c’est aussi parce que j’aime les gens, j’aime la vie : la cuisine, c’est un moment de partage, essentiel à la vie.
Vous avez intégré les cuisines du Jardin des plumes en 2017, puis vous avez racheté l'établissement en 2020, deux mois avant le début de la crise du covid. Comment se porte votre entreprise ?
J’ai rencontré le chef Éric Guérin lors d’un voyage au Japon en 2014, et on s’est rendu compte que nous avions les mêmes valeurs. En 2017, il m’a proposé un poste de chef au Jardin des plumes, pour que lui puisse s’installer sur les terres de chasse de son grand-père et de créer La Mare aux oiseaux. Plus tard, il m’a proposé de racheter Le Jardin des plumes. En janvier 2020, j’ai racheté l’établissement. La notoriété a rassuré les banques mais heureusement que nous avions des projets de développement au-delà du restaurant et que l’on s’est retroussé les manches. Il ne faut pas croire que Top Chef, c'est jackpot. Aujourd’hui, on sort tout juste la tête de l’eau. Cette année sera décisive.
Pourriez-vous nous définir votre cuisine ?
Dans la transmission avec Éric Guérin, j’ai beaucoup épuré mais j’ai conservé l’âme à 100 %. Je veux plutôt continuer l’histoire que la réécrire. Je propose une cuisine végétale, inspirée du terroir normand. Ma réflexion part du travail de la terre, pour ensuite venir greffer la protéine animale au plat. Le travail de fond part toujours du légume. On se doit de respecter la nature, c’est ce qu’elle nous offre qui fait que notre cuisine est belle. Nous faisons notre propre pain, avec un levain sur un jus de pomme et miel de fleurs de pommier. C’est un vrai travail engagé et responsable car nous utilisons un blé normand, d’un minotier installé dans la ville d’à côté.
Nous ne proposons pas de carte mais un menu unique, en 3, 5 ou 7 tableaux, dans le souci de sourcer les meilleurs produits au meilleur moment de la saison. Donc cela change tous les un mois et demi à deux mois.
Aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir me consacrer à ce que j’aime. Je suis dans la recherche d'associations, de choses qui font appel à des souvenirs d'enfance, à une cuisine ouverte sur le monde... dans le but de créer une expérience unique.
Un plat du moment qui représente votre cuisine ?
Le gâteau de pomme de terre Charlotte et poisson de rivière. Il est issu d’une pêche responsable et on l’utilise en entier, avec un beurre blanc aux œufs de poisson, ciboulette du jardin et ail des ours. On est sur des produits de saison, gourmands, printaniers. C’est une cuisine qui me représente bien.
Votre premier livre, Nature, est paru en octobre dernier aux éditions Solar. Pourquoi vous êtes-vous lancé dans un tel projet ?
C’est la consécration de tous les sacrifices pour en arriver là où j’en suis aujourd’hui. C’est un livre de recettes - du restaurant, de Top Chef et de l'émission que j'anime sur France 3, le Goût des rencontres - mais aussi de portraits de mes producteurs. Ce sont eux qui donnent le rythment et le tempo à la partition.
Quels sont vos projets pour l’année à venir ?
Nous venons d’inaugurer une chambre d’hôte, Plum’Art, à quelques pas du restaurant, en association avec Marie Gallienne. Nous avons également ouvert une épicerie fine ensemble. Pour l’avenir, nous voulons aller dans une démarche d’autosuffisance. Nous avons notre propre miel, nos poules pour le compost, et ça nous emmène vers le maraîchage. On veut d’ici 2023 devenir autosuffisants ou presque en légumes, grâce à un terrain situé à Giverny.
Un conseil ?
Il y a deux choses qu’un cuisinier doit faire une fois dans sa vie : visiter le Japon et participer à Top Chef.
Vous parlez beaucoup de la formation…
La transmission me tient à cœur. Aujourd’hui, nous payons les pots cassés. Je vais dans les lycées hôteliers, avec d’autres personnes du secteur, pour présenter le métier, notre parcours professionnel et donner envie aux jeunes. J’y ai rencontré des étudiants passionnés, ça m’a donné espoir. Le contexte et les problèmes de recrutement que l’on rencontre me poussent aussi à me tourner vers la formation.
Je suis par ailleurs mandaté par la chambre de commerce pour m’investir dans la formation et la transmission de notre métier. J’ai un réel engagement auprès de la Normandie, avec la CCI et auprès de l’école Fauchon qui va ouvrir à Rouen.
J’ai eu la chance de visiter plus de 30 pays différents et j’essaie de transmettre cette humilité et surtout d’essayer de dire n’oubliez jamais d’où vous venez, qu’on a de la chance de vivre en France… Il y a des gens autour de nous qui souffrent.
Vous avez remporté Top Chef en 2020. Quel bilan en retirez-vous ?
Cette émission m’a fait prendre du recul sur ce que je faisais. Les concours sont une grosse remise en question. Je pensais avoir la faculté de le faire de manière spontanée et je me suis rendu compte que non. Les concours sont signe de rencontre, d’ouverture d’esprit, de connaissance, on apprend sur soi. Ils nous poussent à chercher dans nos limites. Cela change la vie d’un homme et d’un cuisinier.
Le plus bel accord pour vous ?
Ris de veau-rhubarbe, chez Olivier Roellinger.
Quel manager êtes-vous ?
Je suis le papa de la famille des 30 personnes - et des familles qu’il y a derrière - que je nourris à la fin du mois. Je suis très proche de mes collaborateurs. Sans eux, on n’est rien. Je ne suis pas le meilleur manager du monde, mais c'est beaucoup d'investissement personnel, cela nous pousse à déléguer... C'est une autre vie, un autre métier. Mais je m'arrêterai avant de ne plus garder les pieds dans la cuisine. Je veux que l'on arrive à créer une offre dans laquelle on maîtrise tout.
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Publié par Romy CARRERE