Eddie Benghanem : "Je n'aime pas ce qui est à la mode"

Le célèbre chef pâtissier du restaurant Gordon Ramsay est installé au sein des cuisines du Waldorf Astoria Versailles – Trianon Palace depuis bientôt quinze ans. Son secret ? Travailler avec passion et sincérité, en constante réflexion, pour faire plaisir à ses clients.

Publié le 12 janvier 2023 à 12:47

L'Hôtellerie Restauration : Vous travaillez au sein du restaurant Gordon Ramsay au sein du Waldorf Astoria Versailles – Trianon Palace depuis quatorze ans. Qu'est-ce qui fait que l'on reste aussi longtemps dans un établissement ?

Eddie Benghanem : C’est une passion. Faire plaisir, c’est une deuxième passion, c’est ce qui me fait me lever tous les jours. J’essaie d’être le plus moi-même et le plus juste possible. Je me remets beaucoup en question avec mes équipes pour répondre aux attentes de nos clients. Qu’est-ce qui va les surprendre, leur faire plaisir, les toucher ? Le dénominateur commun de toutes mes créations, c’est l’émotion. Je tiens à être sincère, à faire les choses sans artifice. Je demande à mes collaborateurs de monter en salle pour présenter le dessert, ça leur permet de voir la réaction des clients, de nous remettre en question… Je pense que c’est l’une des raisons pour lesquels nos collaborateurs restent longtemps. Je me demande ce que l’on peut proposer de différent pour demain, après-demain, tout en respectant ce qui a été déjà fait par nos pairs et de s’inscrire dans quelque chose qui dure. Je n’aime pas ce qui est à la mode, parce que c’est fait pour passer. Je préfère ce qui est intemporel, ça vieillit bien, ça traverse les saisons…

 

Comment envisagez-vous le processus créatif ?

Avec une équipe réduite [8 personnes pour tous les points de vente restauration et hôtellerie, NDLR], il faut être le plus performant, le plus productif et le plus sincère possible. J’ai besoin de sincérité, que le client soit conquis. Sinon ça ne va pas. Plus on fait simple, moins il y a d’artifice et donc plus il faut aller à l’essentiel. Et là, on ne peut pas tricher.

Il y a une locomotive bien sûr, mais j’ai aussi mes deux collaborateurs proches, Irina de la Huerga, qui travaille avec moi depuis plus de vingt ans, et Jérôme Bourdilleau, qui est là depuis cinq ans, qui sont extraordinaires, tout comme les autres. Imposer ce n’est pas intéressant, personne ne grandit. Ce qui est important pour moi et pour nous, c’est que l’on ait tous la même façon de travailler. Que l’on soit fier de ce que l’on fait. Si on a des gens qui sont motivés, incarnés, qui ont envie, peu importe l’expérience, car le terrain est extrêmement fertile. Les gens grandissent, évoluent. Les deux premiers décodeurs, ce sont Jérôme et Irina, qui vont transmettre aux autres. Moi j’observe et je vois ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. Puis on en discute.

>> Lire aussi : La bûche de Noël d'Eddie Benghanem l'Origami de Noël

Comment s’opèrent les changements de dessert ?

C’est la saison qui va créer l’occasion, même si ce n’est que sur une semaine.

 

Vous ne proposez pas de chocolat en dessert. Pourquoi ?

Et pourtant j’adore le chocolat. Mais ce n’est pas logique de proposer ça après un menu en sept plats. Comment surprendre après 5, 6 ou 7 plats ? Je vais le proposer épisodiquement mais ça ne va jamais durer longtemps. Pour le plateau de mignardises, on propose des pâtes de fruits fraîches donc peu sucrées. Le terme n’est pas le bon car en réalité, il n’y pas de cuisson, c’est une gélification végétale qui permet d’obtenir une texture de fruits. Comme à la maison, après un repas copieux, on apprécie une salade de fruits. L’expérience se crée à travers la façon dont on travaille un produit.

 

Vos desserts sont peu sucrés. Pourquoi ?

Je n’aime pas le sucre, à part dans les pâtisseries orientales. Mais je ne désucre pas mes desserts. Si on prend le bon fruit, du bon producteur, dans sa saison, il est gorgé de sucre. Dans mon berlingot aux champignons, je rajoute du chocolat blanc. Je ne tiens pas à faire des pâtisseries sans sucre. C’est l’excès qui crée le danger. On travaille aussi beaucoup avec du sucre non raffiné. Le sucre doit être pris comme le sel et le poivre : s’il n’y en a pas du tout, c’est fade, et s’il y en a trop, ce n’est pas bon.

 

Quel manager êtes-vous ?

Au niveau humain, si ça ne fonctionne pas, j’ai besoin de comprendre pourquoi, donc je me remets vite en question. On travaille avec des êtres humains et il n’y a rien de plus important qu’eux. Quand on comprend comment fonctionne cette alchimie, on peut s’améliorer encore davantage. Si on impose, ça coince. Il faut savoir s’adapter : par exemple, je sais que si je demande à une de mes collaboratrice en particulier de créer quelque chose, elle ne va pas être bien. En même temps, si je n’ai que des esprits créatifs dans mon équipe, c’est compliqué.

Je suis très factuel et très sensible. Il m’arrive d’être trop directif, ils le savent mais ils ne le prennent pas au sérieux. J’ai aucun problème à m’excuser. Et j’aime énormément les gens avec qui je travaille. C’est une équipe, sans eux je ne ferai rien.

 

Quel est l’ingrédient que vous aimez le plus travailler ?

J’aime tout ! Je suis incapable d’en choisir un. L’hiver ça va être les agrumes, au printemps ça sera la rhubarbe et les fraises… c’est la saisonnalité, la température extérieure, comment je me sens, qui feront que tel ingrédient sera mon préféré. Ce que j’adore, c’est le principe d’une pâtisserie cuisinée, qui est vivante.

 

Le dessert qui vous représente le plus ?

Le berlingot aux champignons de Paris. C’est pour moi un tournant, une séquence différente.

 

Comment vous est venue cette idée du berlingot ?

Je suis parti sur un chemin différent. Je n’avais pas envie de lancer un champignon de Paris pour faire du champignon. Je faisais une balade, on entrait dans l’automne, je trouvais ça intéressant. Avec le cèpe, c’est difficile d’avoir une constance et je cherchais un produit accessible. On est sur du végétal, du floral… l’inspiration vient de là et de la réflexion que j’ai eu avec mes deux collaborateurs, Irina et Jérôme. Ils arrivent à transcrire et à décoder mes mots. On parle la même langue, c'est un luxe extraordinaire.

 

Quelle est la tendance du moment en pâtisserie ?

Aller à l’essentiel pour être en phase avec la réalité des attentes des clients.

 

Au bout de quatorze ans dans la même cuisine, vous ne vous ennuyez pas ?

Non. Le jour, où je m’ennuie je m’en vais. Et il m’en faut beaucoup pour m’ennuyer !

 

#EddieBenghanem# #WaldorfAstoria#Trianon palace#Versailles# 


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Publié par Romy CARRERE



Commentaires
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gerard caille

vendredi 13 janvier 2023

Très bel article sur une belle personne, le papier parle comme une image, bravo!

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