“Je suis passé de 58 € le mégawattheure à 790 € !” Laurent Poumeyrau n’en revient toujours pas. Maître restaurateur dans une petite ville au sud de Bordeaux (Gironde), il est seul en cuisine avec un apprenti. Autant dire que la facture mensuelle de 5 500 € hors taxe qu’il aurait dû payer, s’il n’avait pas changé de fournisseur d’énergie, aurait pu mettre en danger la pérennité de son établissement. Avec l’aide d’un courtier en énergie, il a pu négocier rapidement un nouveau contrat, chez un autre fournisseur, pour "seulement" 138 € le mégawattheure. “Je n’avais pas prêté suffisamment attention au courrier de mon premier fournisseur d’énergie, qui me demandait de renouveler mon contrat à des conditions tarifaires bien différentes de celles du début”, reconnaît Laurent Poumeyrau.
À l’Association française des maîtres restaurateurs (AFMR),le président Alain Fontaine ne décolère pas : “La rupture de contrat, c’est du déclaratif. Or, bon nombre de restaurateurs l’ignorent encore et cela risque de conduire à une vague de dépôts de bilan.” Au GNI, on a connaissance de cette problématique. “Malheureusement, nous n’avons aucun pouvoir de négociation en la matière. Chacun doit donc prendre son bâton de pèlerin et frapper à la porte des fournisseurs”, confie-t-on dans les couloirs du syndicat. Quant à s’y retrouver entre la vingtaine de fournisseurs d’énergie différents et les dispositifs mis en place pour bénéficier d’une aide de l’État, “c’est la jungle”. “L’entreprise de moins de 10 salariés et dont le chiffre d’affaires n’atteint pas les 2 M€ peut prétendre à un coup de pouce financier. Idem pour celle dont la consommation d’énergie dépasse les 3 % du chiffre d’affaires. Mais quid des autres établissements ?”, s’inquiète Alain Fontaine.
“Nous demandons des aides de l’État pour l’acquisition de matériel plus performant”
“Dans le secteur des CHR, on prend des contrats auprès de fournisseurs d’énergie, qui durent entre 4 et 5 ans. Si bien qu’une personne qui n’a pas anticipé l’augmentation tarifaire de 40 jusqu’à 60 % parfois, peut se retrouver dans une impasse énergétique aujourd’hui”, constate Ludovic Poyau, président de la commission écodurable à l’Umih. Le syndicat prépare un Guide de la sobriété énergétique, avec de bonnes pratiques liées à la performance du matériel et des bâtiments, mais aussi aux attitudes du personnel et des clients. “Nous sommes d’accord pour faire des économies, mais nous demandons des aides de l’État pour l’acquisition de matériel plus performant et moins énergivore, dans nos cuisines notamment”, reprend Ludovic Poyau. Une négociation en ce sens devrait s’amorcer avec l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (Ademe).
Quant à l’exécutif, il s’est engagé, début septembre, à amortir “une partie de l’augmentation du prix de l’électricité”, a annoncé Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique. Et ce, même après la fin du bouclier tarifaire, fixée au 31 décembre 2022. Les détails des mesures du plan de sobriété énergétique du Gouvernement sont attendus le 6 octobre.
Publié par Anne EVEILLARD