Glenn Viel se souviendra longtemps du 21 janvier 2020 : “C’est le moment le plus fort de ma vie car je ne m’y attendais pas. La naissance de tes enfants, des moments extraordinaires, tu les attends pendant neuf mois, tu n’as pas cet effet de surprise. C’est tellement incroyable de se dire que tu entres dans ce cercle très fermé des 3 étoiles. C’est l’une des choses dont j’ai rêvé. Le premier mois, tu y penses tous les jours. Après, il faut prendre du recul, asseoir et pérenniser cette troisième étoile. Mon but, c’est de toujours de créer, d’innover, d’affirmer mon identité.” Un bonheur qu’il partage avec Jean-André Charial, propriétaire de l’Oustau de Baumanière, aux Baux-de-Provence (Bouches-du-Rhône), celui qui a fait confiance à ce jeune chef en mars 2015. “J’étais peu connu, même si j’avais eu 2 étoiles. Je lui ai dit que je me donnais sept ans pour avoir 3 étoiles. Monsieur Charial ne m’a jamais rien refusé”, reconnaît Glenn Viel.
Passer à 45 couverts
Quelques semaines après la sortie du guide Michelin, le 6 mars, l’Oustau de Baumanière rouvrait ses portes pour une nouvelle saison. Le 14 mars au soir, en raison du coronavirus, tout s’arrête comme dans tous les restaurants de France. “Une semaine d’ouverture, on était plein. Et on a fermé.” La réouverture du 5 juin n’est pas facile quand la clientèle étrangère représente une bonne partie de la fréquentation, y compris hôtelière.
En revanche, la grande terrasse (où les 70 couverts étaient déjà bien espacés) accueille les 45 clients dans d’excellentes conditions pour respecter la distanciation. “Avant la troisième étoile, nous avions décidé de passer à 45 couverts et de ne plus ouvrir 7 jours sur sept. Trois services sont supprimés. Cela permet d’avoir toujours la même équipe et cela s’adapte parfaitement à la situation actuelle”, explique le chef. Grâce à la très grande cuisine, la brigade (23 salariés) dispose également de l’espace imposé par le dispositif sanitaire. “On est tous à plus d’un mètre avec les masques. Ce qui est pénible, c’est pour goûter.” Les travaux prévus en cuisine ont été reportés.
“Il ne faut pas faire de compromis avec ce que l’on est”
“Je fais une cuisine de produits, assez épurée. Je suis partisan des trois saveurs, pas plus, pas moins. Avec toujours une idée forte et originale. Par exemple, on fait une carotte déshydratée et réhydratée avec un jus de carotte réduit plusieurs fois”, raconte Glenn Viel. Couteaux les pieds dans l’eau, servis tiédis, basilic, pain croustillant comme une algue séchée, pignons de pin, les Carabineros, cotes de romaine, chips de crevettes, pulpe de citron confit, le Saint-pierre, ciselé, cuit à la broche, ravioles de fleurs de courgettes, crème triple et caviar Schrenki… Des idées fortes qui donnent de la matière et du fond à l’équipe de salle (25 personnes), dirigée par Laurent Soustel.
Toujours enthousiaste, plein d’énergie et d’idées, Glenn Viel savoure la reprise. Le confinement a été propice pour trouver de nouvelles pistes de recherche. Tout en conservant cette conviction : ne pas regarder ce que font les autres chefs afin d’éviter toute influence, même inconsciente. “Je me considère comme un enfant en pleine croissance. J’ose. Il ne faut pas faire de compromis avec ce que l’on est. Penser que l’on peut laisser une empreinte dans la cuisine avec une idée ou une technique, c’est pas mal non ?”
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Publié par Nadine LEMOINE