L'affaire a fait souffler un vent de panique parmi les foodies germaniques utilisateurs du réseau social Instagram : un article du très sérieux quotidien Die Welt affirme que "prendre en photo son repas au restaurant pourrait vous coûter très cher". Baptisée poétiquement 'foodporn', la pratique du partage sur Instagram ou Facebook d'images de plats prises au restaurant pourrait être contraire à la loi, suggère le journal. Qui cite un juriste allemand, Niklas Haberkamm, selon lequel "Un repas dans un cadre particulièrement onéreux peut être considéré comme une oeuvre protégée par le droit d'auteur. Dans ce cas, seul le créateur a le droit de décider comment et dans quel contexte son oeuvre peut être reproduite." Son constat s'appuie sur un verdict rendu par la cour de cassation fédérale en 2013 : la créatrice d'un jouet en bois s'était retournée contre son employeur, qui l'avait très mal rémunérée, et avait obtenu que sa création soit protégée par le droit d'auteur.
"Inimaginable"
La thèse semble crédible : outre-Rhin, on ne badine pas avec le droit d'auteur. Un conflit opposant la société de gestion des droits musicaux, la Gema, avec la plateforme vidéo en ligne Youtube a dégénéré au point que le pays compte davantage de vidéos bloquées que le Vatican. Pourquoi n'en serait-il pas de même avec les créations de restaurateurs, au moment où certains restaurateurs affichent des messages incitant les clients à ne pas 'instragramer' dans leur établissement?
Pour Daniel Kötz, avocat spécialisé dans les droits d'auteur au cabinet Kötz Fusbahn à Düsseldorf, une telle conclusion ne tient pas la route : le verdict "ne signifie pas que tout peut être protégé par le droit d'auteur. Il ajoute : "une création artistique est beaucoup plus qu'une création au sens artisanal du terme, même si celle-ci peut évidemment être extrêmement complexe et esthétique". En outre, aucun cas de poursuite intenté par un restaurateur contre un client indélicat n'a été recensé depuis…
Daniel Kötz estime "inimaginable" qu'un chef ou un établissement porte plainte contre une photographie d'un client "Ce dernier ne reviendra jamais et fera sans aucun doute tous les efforts possibles pour discréditer l'établissement concerné." Les accros d'Instagram peuvent donc respirer : à moins de blesser à coup de perche à selfie leur voisin de table, ils pourront continuer à diffuser le contenu de leur assiette.
Publié par Gilles BOUVAIST