Pourquoi Jean Sulpice ? « C'est l'année Jean Sulpice. Comme le grand sportif qu'il est, il a vécu cette année dans un état de dépassement de soi. Il est passé de 20 à 80 salariés en reprenant cette très grande maison, L'Auberge du Père Bise. Surtout, il a trouvé un second souffle. C'est quand tu maîtrises tout, les techniques, le terroir, l'environnement et que tu arrives à aller au-delà, vers l'émotion, vers le moment de grâce, vers l'excellence de ta cuisine d'auteur. Jean Sulpice s'est libéré », dit Côme de Chérisey qui ajoute : « Nous sommes dans la détection précoce des talents éternels. C'est notre marque de fabrique ».
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Le commentaire du guide
Auberge du Père Bise - Restaurant Jean Sulpice 18,5/20
"On venait chez Bise, on accourt désormais pour voir et goûter la cuisine de Jean Sulpice à l'Auberge du Père Bise. Car pourquoi changer cette enseigne connue depuis plus d'un siècle. ? Les pieds dans l'eau, cette villégiature réunissant les amoureux des eaux douces et profondes du lac d'Annecy, va redevenir, à n'en pas douter, ce phare gastronomique qu'il fut pendant des décennies.
La famille Bise a fait le bon choix en confiant les clés à Magali et Jean Sulpice, le plus droit et pas le moins doué des "enfants" de Marc Veyrat, le chef qu'il fallait. Car c'est un vrai chef que ce jeune quadra taillé comme un athlète de haut niveau, et qui n'a pas besoin de vérifier tous les jours s'il a la tête sur les épaules. Avec plus de 70 personnes et une famille qui dépendent de lui, les questions existentielles sont remisées pour plus tard. Dans ce cadre idyllique, qui ouvre un panorama grandiose sur les montagnes se miroitant dans les eaux du lac, il faut une vision, un capitaine à sang-froid. Jean Sulpice est celui-là : sa cuisine est d'une précision extrême, dépouillée parfois jusqu'à l'austérité (c'est une menace pour l'esprit festif, mais qu'il écarte de mieux en mieux par une vraie touche de puissance sensorielle), inventant des saveurs inédites, tenaces et qui vous emportent au premier coup : la crème violette avec l'omble chevalier, c'est fulgurant de puissance dosée et d'immédiate séduction (un autre trait très "veyratien", l'immédiateté, l'évidence d'une saveur ou d'une association). Dans la trilogie magique anguille fumée caviar Petrossian et cresson, qui croyez-vous qui l'emporta ? Le cresson bien sûr, qui fait un contrepoint de pleine fraîcheur végétale contrebalançant l'iodé fumé de l'anguille, le velouté subtil du caviar.
Dans un repas "sulpicien", on balance entre l'apparente simplicité et ces pointes de bienfaits immédiats, ces remèdes ardents préparés par un apothicaire infaillible pour établir la posologie du plaisir à table. Ce qui fonctionne très bien avec les plins (sortes de raviolis piémontais) escargots et beurre aux herbes, une vraie friandise inavouable, le boeuf fumé aux herbes, généreux pavé de montbéliarde transfiguré par les parfums de montagne estivale, et des desserts structurés et de même philosophe (la touche de persil transcende le chocolat-cassis).
En redescendant de Val Thorens jusqu'à la rive, la maison a aussi gagné quelques degrés de chaleur dans l'atmosphère, dans la belle salle contemporaine ou sur la terrasse de rêve. Avec le sourire de Cécile, notamment, qui rayonne avec aisance, et aussi une excellente cave, très pointue sur la Savoie, riche en Bordeaux, Bourgogne et Rhône, et rassemblant les essentiels sur les autres régions."
Publié par Nadine LEMOINE