Alors qu’ils étaient attendus en France pour le milieu de l’année suite à la levée des restrictions sanitaires, les touristes chinois brillent toujours par leur absence dans l’Hexagone. Une situation inquiétante pour les professionnels attachés à cette clientèle qui représente 3 % des visites selon Atout France mais 7,5 % des dépenses, notamment dans les établissements de luxe. Une dépense estimée à 1 milliard d’euros en 2019 à Paris et en Île-de-France, et 3,5 milliards pour l’ensemble de l’économie française.
En cause : le manque de vols assurés par Air France depuis la réouverture des frontières chinoises et l’impossibilité pour les compagnies aériennes chinoises d’assurer des liaisons vers Paris. En 2018, Air France assurait 32 vols hebdomadaires vers la Chine, et les compagnies chinoises 50 : aujourd’hui seulement trois liaisons par semaine sont assurées par le transporteur français. Pourtant, la France avait signé avec la Chine un traité bilatéral en 2017, applicable en 2020, pour augmenter le trafic entre les deux pays et atteindre 132 vols hebdomadaires. Un accord jamais appliqué en raison de la pandémie et que le Gouvernement français a renégocié suite à la guerre en Ukraine pour protéger Air France, dont les vols doivent désormais contourner la Russie. La durée du trajet en est rallongée de deux à trois heures, alors que les vols des compagnies chinoises sont plus courts et moins onéreux, puisque celles-ci ont la possibilité de survoler la Russie.
Un manque à gagner de 600 M€ au premier trimestre
Le 30 mars, un courrier avait été envoyé à Emmanuel Macron avant son voyage en Chine, signé par Sébastien Bazin (Accor), Henri Giscard d’Estaing (Club Med), Augustin de Romanet (Aéroports de Paris) et Nicolas Houzé (Galeries Lafayette), rapporte le quotidien Les Échos. Les dirigeants y alertaient le Président de la situation et demandaient “un assouplissement des restrictions à l’endroit des compagnies aériennes chinoises”.
Les professionnels du tourisme s’alertent de l’absence des voyageurs chinois, pour qui la France - et notamment Paris - est une porte d’entrée privilégiée vers l’Europe. “Cette situation a déjà un impact évident puisqu’au premier trimestre, on a récupéré à peine 10 % des touristes chinois d’avant-Covid, alors que 91 % du trafic aérien international est rétabli, explique Didier Chenet, président du GHR. Le manque à gagner pour l’économie est actuellement de 600 M€ ; or, 18 % des dépenses sont faites dans l’hôtellerie, ce qui représente 100 M€ perdus dont 80 M€ à Paris.” Et de s’insurger : “Cette situation risque de continuer alors que nous sortons d’une période extrêmement difficile et que nos clients sont empêchés de venir.”
“Rendez-nous nos clients chinois !”
Philippe Villin, homme d’affaires et propriétaire exploitant du groupe hôtelier Libertel, s’insurge : “Air France bloque le retour de nos clients chinois, alors que dans tout le reste de l’Europe les gouvernements et les compagnies nationales ont remis les gaz, multiplient les vols, et laissent revoler les compagnies chinoises pour accélérer le retour des Chinois. Cette politique française protectionniste au seul profit d’Air France va nous faire perdre notre position historique de point d’entrée des Chinois en Europe.”
Et de poursuivre : “Cette décision de l’ex-monopole d’État Air France de réduire ses vols de plus de 80 % et celle de la Direction générale de l’aviation civile de bloquer l’arrivée des vols des compagnies chinoises revient à assassiner le tourisme en France. Je voudrais que les professionnels du tourisme et du commerce lié au tourisme, ainsi que les fabricants et vendeurs des produits français particulièrement appréciés des touristes chinois, se mettent derrière nous, hôteliers et restaurateurs, pour demander au Gouvernement de rétablir le trafic aérien sans délai et nous rendre nos clients chinois !”
Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-Paris, a également écrit à la première ministre Elisabeth Borne, pour tirer la sonnette d’alarme, rapporte Le Figaro dans son édition du 2 mai : “Il y va de la crédibilité et de la prospérité de la première destination touristique mondiale”, estime-t-elle. Pour sa part, Didier Chenet indique : “Nous avons demandé à être reçus par Bruno Le Maire, car nous sommes pris en otage par la politique menée par Air France dans son seul intérêt d’entreprise, oubliant qu’elle doit être au service de l’économie française. C’est inadmissible. L’État doit taper sur la table et faire valoir ses intérêts.”
Air France va passer à un vol quotidien vers la Chine d’ici le mois de juillet, ce qui est encore loin des niveaux pré-pandémie et demande, selon Boursier.com, que le Gouvernement français taxe les vols des compagnies chinoises, afin que les coûts des liaisons soient similaires. Le bras de fer risque donc de continuer, avec le risque que les touristes chinois se détournent vers d’autres destinations.
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Publié par Roselyne DOUILLET