Dans le village de Signy-l’Abbaye (Ardennes), L’Auberge de l’abbaye fait partie du paysage. Cet ancien relais de poste transformé en auberge, tenue par la même famille depuis 1803, a connu le conflit franco-prussien de 1870 et les deux Guerres mondiales. “À la libération, en 1945, la clientèle française était rare. Mais grâce aux soldats américains de l’OTAN, basés à 5 km du village, mes beaux-parents ont pu redynamiser l’activité”, raconte Sophie Lefebvre, qui incarne la septième génération.
Avant qu’elle n’en reprenne le flambeau en 1999 - et son époux, la ferme familiale -, l’hôtel-restaurant accueillait principalement des banquets (mariages, communions, baptêmes) et des voyageurs d’affaires. Depuis, la donne a changé. Les salles des fêtes ont sévèrement concurrencé les banquets, tandis que la désindustrialisation de la région a peu à peu laissé la place au tourisme. “Nous sommes situés à proximité de la Belgique et des Pays-Bas, à 40 minutes de Reims et 1 h 30 de Paris, sur un axe bien desservi au cœur de l’Europe. Nous accueillons une clientèle fidèle qui recherche calme et authenticité. Depuis la crise Covid, le tourisme vert a le vent en poupe. Cela nous est très favorable pour des séjours courts. Il y a de plus en plus de gîtes et de chambres d’hôtes dans les environs, qui nous apportent de la clientèle supplémentaire au restaurant”, observe-t-elle.
Le restaurant d’une capacité de 130 couverts s’est donc spécialisé dans une cuisine de terroir, avec de la viande bio élevée dans la ferme familiale et un menu végétarien “qui plaît beaucoup aux clients d’Europe du nord”.
Très à l’écoute de la clientèle
Côté hébergement, l’établissement compte sept chambres au style plutôt rustique dans le bâtiment d’origine (à partir de 64 €), et six chambres au style plus minimaliste (dont une adaptée à tous les handicaps), créées par Sophie Lefebvre dans une annexe. “L’investissement de 700 000 € a été important financièrement pour une petite structure comme la nôtre, mais nous avons eu la chance de conclure un partenariat avec un établissement bancaire qui a cru en nous, et de bénéficier de l’aide du conseil départemental des Ardennes et de l’Europe sous forme de subventions”, avoue-t-elle. L’établissement est passé de deux à trois étoiles au classement hôtelier et a adhéré au label Clef verte dès 2015. Il a décroché le prix Tourisme Ardennes dans la catégorie hébergement en 2017, et le trophée Nous CHRD pour la meilleure réalisation d’hébergement en milieu rural l’année suivante. “On est très à l’écoute de ce que les gens demandent. À la campagne, ils veulent des chambres spacieuses. Il faut être mieux et moins cher que ce que les villes voisines peuvent offrir. Il faut toujours viser la qualité”, poursuit-elle.
Investir régulièrement
Pas question pour la professionnelle de se reposer sur ses acquis : “Depuis que j’ai repris, j’ai investi en moyenne 30 000 € par an pour moderniser l’établissement et le mettre aux normes. Il y avait une belle structure de base, refaite dans les années 1960. Mais dans un tel établissement, il faut investir régulièrement, sinon ça s’essouffle et on est vite dépassé.”
Aujourd’hui, L’Auberge de l’abbaye affiche un taux de remplissage à l’année de 90 %, grâce à sa réputation locale, au bouche à oreille, à Booking et au groupe Logis Hôtels. En septembre prochain, Sophie Lefebvre partira à la retraite et l’institution quittera le giron familial : “Nos deux filles avaient envie de voir autre chose. Une reprise, ce n’est pas quelque chose qu’on impose.”
Publié par Violaine BRISSART