Le repas du dimanche au restaurant a-t-il encore un avenir ?

Limoges (87) Que ce soit par désaffection de la clientèle ou nécessité pour les restaurateurs de privilégier leur vie de famille et celle de leurs collaborateurs, l'offre de restauration dominicale tend à disparaître. Pourra-t-on encore, dans les prochaines années, déjeuner dehors le dimanche ? La question mérite d'être posée.

Publié le 25 avril 2022 à 13:43

Opération ville morte ? Non, juste un dimanche dans une ville de province. Calme plat comme aux pires heures du confinement. Pourtant, la veille, les terrasses étaient pleines… Et, en qualité de client, qui ne s’est pas cassé les dents en cherchant une table où manger un dimanche, ne trouvant d’autre choix que portes closes ou établissement complet. Et l’on ne parle même pas d’un dimanche soir, où dîner dehors relève parfois de la mission impossible. Nul besoin de tomber dans les clichés d’une sous-préfecture en proie à la solitude hivernale et la mélancolie d’une France périphérique, car les grandes métropoles n’échappent pas à cette tendance.

 

Désacralisation du repas dominical

Les causes de ce constat ? Elles reposent à la fois sur des raisons liées à l’évolution des habitudes des Français, mais aussi à de récentes évolutions du monde du travail. Le repas du dimanche au restaurant a longtemps été un moment sacré dans la vie des Français, une habitude certainement née à la fin du XIXe siècle, au moment où s’est développé dans les villes de nouvelles formes de restauration, depuis les brasseries et bouillons jusqu’à ces auberges qui vont s’implanter au cœur de chaque village, symboles du bien-vivre et de la tradition dans l’imagerie populaire.

Dès lors, les dimanches midi sont devenus le moment privilégié pour un repas qui rassemble la famille autour d’un menu gastronomique. Or, aujourd’hui, les familles ont largement évolué : depuis la dislocation de la structure familiale jusqu’à l’éclatement géographique de ses membres.

Dans le même temps, nos habitudes de vie ont également changé. Le dimanche est aussi le jour dédié aux activités sportives, au bricolage et au jardinage, et la perspective d’un interminable repas dominical en a découragé beaucoup, qui préfèrent dès lors réserver leurs sorties gastronomiques aux vendredi et samedi soirs.

Et malgré leur popularité, les brunches ne vont pas changer la donne. Ils restent encore des phénomènes de niche, propres aux quartiers gentrifiés des grandes villes.

 

Pas la même donne en milieu rural

En campagne toutefois, la tradition du repas dominical résiste, comme le confirme Nicolas Cousinou, chef de l’Escapade des sens à Thiviers (Dordogne). “Ici, dans le Périgord, il n’y a pas un dimanche où je ne suis pas complet et le ticket moyen reste plus élevé. L’activité dominicale est à la fois soutenue par une clientèle plutôt âgée, mais également par celle venant profiter de leur résidence secondaire”, explique ce jeune chef qui aujourd’hui ne pourrait pas envisager une fermeture le dimanche.

Même son de cloche pour Rémy Le Charpentier, chef de la Maison Arraya, à Sare, au Pays basque. “Ça reste une tradition bien ancrée, chez nous. Et puis, c’est depuis Sare que le fameux train de la Rhune prend son départ. Une idée de sortie qui assure une belle fréquentation le dimanche.”

L’autre explication de la baisse de l’offre dominicale est à chercher du côté des restaurateurs eux-mêmes.

 

Un choix assumé par la profession

Fraichement estampillé d’un Bib Gourmand pour son restaurant Bacav’ (Paris, Ve), Émile Cotte avoue “combien le cas de Paris est spécifique. La ville se vide le week-end dans certains de ses secteurs et ne fait pas du dimanche un jour à fort potentiel économique. D’ailleurs aujourd’hui, travailler différemment avec les Parisiens, c’est leur proposer des plats à emporter pour le week-end.”

Mais il faut le reconnaître, c’est surtout la dimension sociale qui est prégnante dans le choix des restaurateurs soumis à une extrême tension sur le marché du travail. Et tout autant que pourront être attractifs les salaires, le temps de travail, les jours de repos et la gestion des coupures sont aujourd’hui des données essentielles pour les salariés avant de répondre à une annonce.

Les difficultés de recrutement obligent en effet de nombreux professionnels à revoir leur stratégie en termes d’amplitude d’horaire, comme de jour de travail. Ainsi, le même Émile Cotte reconnait avoir changé de philosophie pendant la crise sanitaire. “Ce moment si particulier nous a peut-être permis de prendre conscience que les restaurateurs et leur personnel étaient des citoyens comme les autres qui n’avaient plus envie de sacrifier leur famille et leur bien-être. Aujourd’hui ma priorité va au confort de mon personnel. À nous de nous adapter pour revoir notre organisation”, assume ce chef.

Même positionnement pour Maxime Martinez, chef du B Bistro, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). “Le dimanche est devenu notre jour de coupure et je ne reviendrai pas en arrière, pour les chefs comme pour les personnels qui ont le droit d’avoir une vie familiale, sportive ou associative”, affirme-t-il avec conviction. Quitte à frustrer parfois une clientèle qui ne trouve plus que fast-foods et franchises pour trouver se restaurer.

D’ailleurs, pour des enseignes comme Buffallo Grill ou Léon de Bruxelles, le dimanche midi demeure l’un des plus gros services de la semaine avec son lot de fidèles et d’habitués. Preuve que le potentiel commercial du dimanche n’est pas totalement dépassé.

 

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Publié par Fabrice VARIERAS



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