Certaines idées reçues ont la vie dure. C’est le cas du saké, encore perçu par une majorité de Français comme étant une boisson forte, à ne consommer qu’en fin de repas. Or, il n’en est rien. Le saké a ses cuvées, ses crus. D’un degré alcoolique compris entre 13 et 16 degrés, il s’accorde avec des plats salés ou sucrés. “C’est une boisson fermentée comme la bière, qui se déguste comme un vin”, résume Xavier Thuizat, chef sommelier de l’Hôtel de Crillon, à Paris (VIIIe), et nommé ambassadeur du saké en France en 2018 par le gouvernement japonais.
Et pour cause : depuis qu’il a découvert la boisson en 2014, au détour d’un accord mets-vins qu’il devait créer alors qu’il officiait au Peninsula (Paris, XVIe), il est devenu fan de saké. “C’est la boisson la plus pure qui soit, car sans soufre - on pasteurise à la place… -, avec 85 % d’eau de source naturelle du Japon, du riz poli et des levures”, détaille-t-il. Curieux et inspiré, il a visité une soixantaine de maisons de saké et créé le concours Kura Master, dédié aux sakés japonais, auquel participent quelque 130 sommeliers issus des meilleures tables françaises.
Faire preuve de pédagogie
Reste à convaincre la clientèle. “Je fais preuve de pédagogie”, confie Xavier Thuizat, qui raconte la boisson et son histoire. Il présente le précieux breuvage comme “une eau de source aromatisée” et incite à la goûter “dans le premier verre créé pour la dégustation du saké, par un artisan japonais âgé de 72 ans”. Mieux : avec le chef du Crillon, Boris Campanella, il concocte des accords entre saké et “végétal, iodé, pickles, assaisonnements…”
Même travail de transmission d’un savoir chez Issé, rue de Richelieu (Ier). Dans ce restaurant qu’il a repris en 2013, après avoir vécu cinq ans au Japon, Patrick Duval prend le temps d’expliquer le saké, “car certains clients viennent pour apprendre”. Son meilleur outil d’enseignement : un menu dégustation, à savoir un trio de sakés, l’un poli à plus de 60 %, un autre à moins de 50 % et un dernier dont on a retiré seulement 30 % du grain de riz. Le tout décliné en 9 cl ou 18 cl par verre, pour un tarif respectivement de 15 € et 25 €. Quant au verre de saké, hors dégustation, il varie entre 7 et 9 € chez Issé. Au restaurant du Crillon, en revanche, la fourchette oscille entre 19 et 50 €. “Cela ne freine pas les clients intéressés par cette boisson”, souligne Xavier Thuizat.
Certains viennent même jusqu’au Crillon pour le saké, où une quarantaine de maisons productrices sont représentées. Résultat : dans ce palace, le saké génère un chiffre d’affaires annuel de 100 000 €. Il existe donc bel et bien un public d’avertis, désormais en France. D’ailleurs la Maison du saké, à Paris (IIe), ne compte pas moins d’une cinquantaine de références, une dizaine de marques et certaines de ses bouteilles flirtent avec les 250 €.
Un saké ‘100% made in France’
Paradoxalement, le saké connaît une certaine désaffection au Japon, car les jeunes lui préfèrent de loin la bière. Xavier Thuizat fait état de “1 350 brasseries de saké au Japon en 2019, contre 8 000 en 1900”. Mais les pouvoirs publics japonais réagissent, notamment avec la création d’un Jour du saké, fixé au 1er octobre, date calée sur le début de la production, et des présentations et séances de dégustation dans de nombreux pays, comme à Vinexpo en 2017.
À cela s’ajoute un salon européen du saké, dont la 7e édition aura lieu du 26 au 28 septembre 2020 à Paris et même la création d’un saké ‘100% made in France’. Son nom : Wakaze. Fondée en 2016 par Takuma Inagawa, ancien élève de l’école Centrale Paris, cette maison possède déjà un site de micro-production à Tokyo et vient d’en ouvrir un à Fresnes (Val-de-Marne), où le saké est fabriqué avec du riz de Camargue. La commercialisation de ce saké français est prévue dès février prochain.
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Publié par Anne EVEILLARD