Respectivement créées en 1986 à Londres et en 1993 aux États-Unis, les chaînes Prêt à Manger et Chipotle montrent que les concepts anglo-saxons, quand ils mettent un pied à Paris, font carton plein. Avec une solide réputation qui les devance, ces enseignes se sont assuré des files d'attente dès le premier jour d'ouverture. Saisonnalité, fraîcheur, exotisme, effet nouveauté, bouche à oreille, les clients se précipitent, adhèrent et reviennent. Du côté des food trucks (camion cuisine), c'est la surprise : des camions qui servent des hamburgers en plein Paris, on n'avait jamais vu ça. En quelques semaines, les concepts mis en avant par toutes ces enseignes sont captés et assimilés. Les tickets moyens s'affichent pourtant entre 12 et 15 €, mais lorsqu'on interroge les clients, on comprend vite les débuts de ces success-stories à Paris…
• Saisonnalité et fabrication sur place chaque jour
Après trois établissements ouverts en Île-de-France depuis le début de l'année, l'enseigne londonienne Prêt à Manger s'apprête à en ouvrir une quatrième adresse à Levallois-Perret (92). Entendu au Prêt à Manger, 19 rue Marbeuf (Paris VIIIe) :
- "Je connais de Londres. J'aime les menus qui changent, l'originalité des recettes, la fraîcheur, le côté sain et l'accueil hyper sympa et efficace."
- "Je viens quasiment tous les jours, je suis vendeur dans le quartier, j'aime la fraîcheur, le choix qui dure longtemps dans la journée."
- "J'aime le côté fait maison le jour même, la fraîcheur, la variété et les quantités tout à fait acceptables pour le prix, par rapport à d'autres enseignes similaires dans le quartier."
- "C'est très frais, très bon, l'accueil est vraiment bien et ce n'est pas trop cher par rapport à d'autres établissements du quartier. Il y a souvent des nouveautés, on ne se lasse pas et leur sorte de carte bancaire sur laquelle on reporte le surplus d'un ticket resto est très pratique."
• Le fast-food français communique et résiste
La saisonnalité, Cojean l'a toujours mise en avant, changeant régulièrement sa carte depuis sa création le 15 novembre 2001. En 2012, l'enseigne parisienne qui vise l'équilibre, la rapidité et le goût, reste attachée à sa façon de travailler "artisanale", souligne Frédéric Maquair, cofondateur avec Alain Cojean. Les recettes évoluent selon le goût de l'époque comme le lancement cet été du bubble tea, boisson d'origine taïwanaise à base de thé et de billes de tapioca, et l'univers visuel de la marque est sans cesse enrichi. Une lettre d'information est distribuée chaque mois dans les établissements. Y figure 'la question qu'on nous pose toujours' (comme 'pourquoi les frigos étaient-ils quasi vides à 14 h 30') et sa réponse, des informations sur les nouveautés et une interview d'un membre de l'équipe. Au mois de mai, un livre de recettes Cojean, tout simplement, a été publié aux Éditions de la Martinière. Et le 22e établissement de la chaîne a ouvert fin juin sur le parvis de La Défense.
• La fabrication à la demande
Si quelques enseignes historiques fabriquent leurs hamburgers à la demande depuis longtemps, Subway se différencie en faisant préparer ses sandwiches à la demande, mais aussi devant les clients. Avec le concept 'créez votre sub', Subway implique encore plus le client dans le sandwich qu'il va commander. La vitrine expose les ingrédients, le client peut choisir des milliers de combinaisons possibles, il est mis au coeur du choix et de la réalisation.
• La réputation qui devance
Chipotle, l'enseigne américaine inspirée de la cuisine mexicaine, a déchaîné les passions dès son ouverture en mai dernier. Les Américains vivant à Paris, enchantés de retrouver l'enseigne surtout implantée aux États-Unis et au Canada, sont arrivés dès l'ouverture. Attirés par la nouveauté, les Parisiens se précipitent aussi. Depuis, le service est plus rodé et la file d'attente moins importante. Entendu au Chipotle, 20 bd Montmartre (Paris IXe) :
- "Ma fille vit aux États-Unis. Quand elle a su que Chipotle ouvrait en France, elle m'a dit d'y aller pour voir si c'est aussi bien qu'aux États-Unis."
- "C'est une société qui est cotée sur les marchés financiers, je travaille dans la finance et je voulais connaître le produit."
- "J'ai connu l'enseigne aux États-Unis, je viens une à deux fois par semaine, même si je trouve que les proportions sont plus petites que là-bas et les prix plus élevés."
- "J'habite aux États-Unis, j'y vais régulièrement là-bas, j'adore. Je suis de passage en France et je vais faire goûter à ma soeur qui habite à Poitiers."
- "Je suis Américaine et je vis à Paris. Je ne suis pas du quartier, mais une amie m'a dit qu'un Chipotle avait ouvert..."
• L'arrivée tonitruante des food trucks
Le Camion qui fume et Cantine California sont deux food trucks qui ont récemment vu le jour à Paris. Leur site internet, ainsi que leurs pages Facebook et Twitter informent chaque semaine des emplacements du camion. En se déplaçant dans Paris, ces camions entraînent une foule de curieux et le succès est tel qu'il ne laisse d'autre choix que d'attendre presque une heure sa commande. Avec ses burgers typiquement américains, le Camion qui fume participe même à des événements de la vie parisienne, comme lors des concerts du festival Solidays où le Camion était présent. De son côté, Cantine California s'est spécialisé dans les burgers et les tacos. Son créateur, Jordan Feilder, Américain-Canadien, souhaite réunir les produits français de qualité et la tradition de la street-food californienne. Entendu autour de Cantine California, place du marché Saint-Honoré (Paris Ier) :
- "On est américain, on vient du XVIe arrondissement pour déguster un bon burger. On a lu un bon article dans le New York Times."
- "Je connaissais le Camion qui fume et je veux tester la concurrence."
- "Je l'ai vu sur internet et je travaille dans le quartier."
- "On l'a vu sur le blog de David Leibovitz", qui est un blogueur américain très suivi.
- "On travaille dans le quartier, on a vu que c'était nouveau et qu'il y avait plein de monde."
Servis dans des food trucks, les produits acquièrent une nouvelle aura. Les clients semblent redécouvrir le burger ou les tacos. Le personnel avec son accent américain, l'ardoise où l'anglais et le français se mélangent, les tables hautes sans confort, la file d'attente devant un camion, tout cela contribue à un voyage aux États-Unis le temps d'un déjeuner. Original, dépaysant le food truck ? Il ferait presque oublier les camions pizza, les camions à poulet rôti ou les friteries situés près des gares ou sur les marchés. Déclencheraient-ils le même engouement en plein coeur de Paris ?
• L'indispensable origine des produits
Un argument rassurant et qualitatif est commun à tous : l'indication de l'origine des produits. Dans son carnet 'De bonnes choses' posé sur toutes les tables dans la salle, Prêt à Manger revendique utiliser "des ingrédients frais, préparés chaque jour sur place, sans additifs ni conservateurs suspects", "du lait bio, des oeufs pondus par des poules cool élevées en plein air, du cheddar affiné six mois dans une coopérative, de l'emmental produit en France". Le poulet est élevé en Angleterre "selon des standards stricts en matière de respect du bien-être animal". Cojean s'engage à favoriser l'agriculture biologique, intégrée ou raisonnée et à "suivre le rythme de la nature". Chipotle adapte les ingrédients américains à la France selon sa devise 'Food with Integrity' (nourriture intègre) avec du poulet fermier d'Ancenis Label rouge et du boeuf charolais AOC Label rouge. Du côté des food trucks, poulet fermier, boeuf et bacon sont bios chez Cantine California…
• L'emplacement
La stratégie de ces nouvelles enseignes réside aussi dans le choix très bien ciblé des emplacements. Sont privilégiés des quartiers d'affaires très fréquentés à l'heure du déjeuner par des clients pressés - trentenaires ou quadragénaires, appartenant à des catégories socioprofessionnelles élevées. Nombreux sont ceux qui ont déjà voyagé à Londres ou aux États-Unis et qui connaissent Chipotle ou Prêt à Manger. Les autres, ceux qui ne connaissent pas, avouent être attirés par la foule. Et comme la foule attire la foule, ce n'est pas près de s'arrêter.
Publié par Caroline MIGNOT