Alors que 2022 est la première année d'ouverture complète des lieux de restauration depuis la crise sanitaire, KPMG, Gira et L’Addition ont réalisé une étude pour analyser les tendances commerciales, de gestion et d’opinion dans la profession. "Nous sommes sur un marché extrêmement porteur", a insisté Bernard Boutboul, président de Gira et auteur sur notre plateforme SOS Experts, lors de la conférence de presse de présentation des résultats qui s'est déroulée le 19 janvier sur le salon du Sirha, à Lyon. "Nous frôlons le retour à une croissance à deux chiffres en 2022 et en 2023, c'est sûr qu'elle le sera", explique-t-il. Les raisons : les ménages continuent à sortir au restaurant malgré la baisse de pouvoir d'achat, les soirs et weekends les clients sortiront de plus en plus car ils cuisinent de moins en moins et le retour à domicile le midi en semaine s'effondre. "La sortie au restaurant n'est pas un budget de manoeuvre des ménages malgré l'inflation et la baisse du pouvoir d'achat. Mais ils ont modifié leur rapport à l'alimentation" avec un rapport différent entre l'alimentation et sa santé. Un marché de la restauration porteur et qui est donc très convoité. Tous les acteurs veulent leur part du gâteau. La GMS génère un chiffre d'affaires important sur les repas du midi, les enseignes de surgelés également, tout comme les boulangeries... Ce marché est colossal et attire donc. Il a par ailleurs prouvé à de nombreuses reprises sa résilience.
L'expert met néanmoins en garde. "Il va y avoir une dégradation de la marge car on ne pourra pas répercuter systématiquement les augmentations de prix d'achat au risque de devenir une restauration trop cher". Il faut ajouter à cela la flambée des prix des loyers.
Ce qu'il faut retenir, selon Bernard Boutboul, "c'est qu'il faut oser, se tourner vers l'innovation. Il y a des signaux faibles dont il faut tenir compte comme du très haut niveau en gamme qui trébuche (Noma), des innovations insolites et qui fonctionnent (la glace au pain d'Alain Ducasse), des restaurants extrêmes comme Ora qui propose un menu unique végétarien sans assiette, des tentatives d'abonnement (Del Arte, Prêt à manger)..."
Cinq points clés se dégagent de cette enquête.
- L’activité commerciale des restaurateurs boostée par le plaisir des clients
Les restaurateurs qui ont surmonté la crise sanitaire sont majoritairement optimistes grâce au rattrapage de “plaisir” des clients, qui reviennent dans leurs établissements, y passent plus de temps et y dépensent plus. En moyenne, le chiffre d’affaires est en croissance de 7 % par rapport à 2019, le ticket moyen affiche + de 11 % d'augmentation (montant du ticket de la table) et le panier moyen, + 15 % (montant moyen de la consommation par personne). Des chiffres positifs malgré toutes les différentes crises qui prouvent la résilience du secteur.
Les restaurateurs ont répercuté l’essentiel de la hausse de 11 % du coût des matières premières sur l’addition. Toutefois 66 % n’ont pas hésité à sortir de leur carte certains produits dont l’augmentation a été trop forte. De plus, ils s’adaptent à une demande de consommation de produits locaux (66 %), végétariens (32 %) ou de vente à emporter (31 %).
- Coût des matières premières et stratégie d’achat sont les priorités des restaurateurs
En progression de 2 points par rapport à 2019, le coût des matières premières représente désormais un peu plus de 34 % du chiffre d’affaires hors taxe des restaurateurs.
Plus d’un restaurateur sur deux a placé sa stratégie d’achat en priorité de ses enjeux de 2022 et 43 % des professionnels du secteur prévoient de maintenir cette vigilance pour 2023.
- Un nouveau modèle de ressources humaines qui gagne en agilité et en productivité
83 % des restaurateurs peinent à recruter depuis la crise sanitaire et ont dû réinventer leur politique de ressources humaines : près d'un restaurateur sur deux déclare avoir augmenté les rémunérations, 54 % ont adapté les horaires de leurs salariés et 31 % recrutent de nouveaux profils.
Avec un chiffre d’affaires en croissance de 7 % et une baisse de 0,7 équivalent temps plein (ETP) pour la même période, la productivité des salariés de la restauration a connu un bond de 25 %. Concrètement, 7 ETP étaient nécessaires en 2019 à la réalisation de 5 000 € de chiffre d’affaires journalier ; alors que 5,6 ETP suffisent en 2022, traduisant une hausse de 186 € par jour du chiffre d’affaires hors taxe porté par chaque salarié.
En parralèle, la restauration évolue pour s’adapter aux nouvelles attentes des clients : élargissement de la livraison – qui progresse de 35 % entre 2020 et 2021 – et offre de click and collect.
- L’inflation ne pèse pas encore sur le compte de résultats des restaurateurs
En 2022, les charges énergétiques des restaurateurs ont été absorbées par la hausse de leur chiffre d’affaires. Toutefois, 87 % d’entre eux sont confrontés à la forte inflation pesant sur les matières premières et l’énergie, et aux conséquences sur leurs coûts de structure.
- 2023 : entre optimisme et crainte des restaurateurs sur leur rentabilité et leur résilience
Si un restaurateur sur deux est optimiste pour son chiffre d’affaires en 2023, moins d’un tiers se montre aussi confiant pour ce qui concerne la rentabilité à venir de leur affaire. Le nombre de liquidations judiciaires revient à la normale, avec une sinistralité en progression de 102 % en 2022 par rapport à 2021.
Autre constat montrant une certaine inquiétude : 52 % des restaurateurs indiquent avoir eu recours au PGE et, pour 75 % d’entre eux, cette aide est encore utilisée pour traverser les périodes de creux de trésorerie.
L’évolution des charges énergétiques et de matières premières des restaurateurs pourrait, selon ces derniers, ne plus être absorbée en 2023 par la hausse de leur chiffre d’affaires, ce qui dégraderait de facto leur rentabilité.