Marie-Lorna Vaconsin : "Pour réussir le parcours du combattant de l'entreprenariat, il faut que la flamme soit vive"

Les soeurs Marie-Lorna et Florence Vaconsin se sont lancées dans la restauration par passion et sont aujourd'hui à la tête de trois adresses bien différentes : Marcello, le Steam Bar et le Blueberry, à Paris. Aléas, difficultés, revers... Son expérience permet à Marie-Lorna Vaconsin de nous donner ses conseils pour se lancer dans l'entreprenariat et sa vision du management.

Publié le 03 mars 2023 à 15:05

L'Hôtellerie Restauration : Vous êtes aujourd’hui à la tête de trois établissements (Marcello, Le Steam Bar et le Blueberry) avec votre sœur alors que vous n'étiez pas, à la base, particulièrement destinées à travailler dans ce secteur. Entreprendre dans la restauration, c’est une vraie passion pour vous ?

Marie-Lorna Vaconsin : Oui et je pense que si ça n’avait pas été une passion, nous n’aurions pas pu surmonter les aléas, difficultés et tous les revers que nous avons rencontrés. C’est bien sûr grisant d'imaginer et créer un lieu : la plupart des gens que je croise ont déjà une idée de ce qu’ils feraient si, un jour, ils ouvraient leur restaurant. Ce qui est beaucoup plus difficile, c’est de confronter son rêve au prisme de la réalité - économique, administrative, sociale, écologique, etc. - et pour réussir ce parcours du combattant, il faut vraiment que la flamme soit vive !

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un, non issu du secteur, qui souhaite se lancer ?

  1. Ne pas avoir peur d’être débutant, tout s’apprend. Parfois, le fait d’être un outsider permet de garder l’esprit plus ouvert que les autres.
  2. Prendre son temps au moment des travaux. Savoir que ce sont les travaux invisibles qui comptent le plus sur le long terme : l’électricité, la circulation de l’air, la plomberie, l’évacuation des matières grasses.
  3. Prendre le temps de réfléchir : en quoi le restaurant qu’on s’apprête à ouvrir sera différent des autres déjà existants ? Cherchez ce qui fera sa singularité, sa valeur ajoutée. Sinon, il ne sera qu’un établissement parmi d’autres. Parfois, cela peut suffire, mais cela ne permet pas de passer le cap des grosses difficultés. Pour notre tout premier lieu, nous n’avions pas du tout réfléchi à ce que nous voulions faire. L’idée était juste de faire un restaurant italien dans lequel nous aurions eu envie d’aller en tant que clientes. Nous avons construit notre carte en deux heures sur le coin d’une table. Puis nous nous sommes contentées d’ouvrir et d’être le plus sympa possible. Cela a marché pour lancer l’affaire, les gens revenaient pour la chaleur humaine, mais lorsqu’il a fallu prendre du recul pour monter une autre affaire, ce n’était pas suffisant. Il a fallu trouver la raison qui ferait revenir les gens, même si nous n’étions plus là pour mettre de l’ambiance.

Quels sont les écueils à éviter, selon vous, quand on se lance dans l’entreprenariat ?

Le pire écueil est d’avoir peur de se tromper. Il faut accepter, d’emblée, que l’on va commettre beaucoup d’erreurs. Le fait d’être préparé psychologiquement permet de regarder ses erreurs en face et donc, de les corriger plus vite. Quand une erreur se solde par la perte de plusieurs dizaines de milliers d’euros, voire plusieurs centaines, on s’en veut tellement que cela peut être difficile de prendre du recul et comprendre d’où vient l’erreur. Il arrive même que l’on fasse l’autruche, ce qui fait perdre un temps précieux. C’est ce qui nous est arrivé à l’ouverture de Marcello. À l’origine, notre rêve était de créer un lieu capable du grand écart : offrir aux clients la liberté que permet un grand restaurant tout en conservant l’âme d’un petit. Nous faisions tout minute, tout maison, de 8 heures du matin à minuit, en continu, et tout le monde pouvait tout commander à toute heure. C’était génial pour les clients mais, financièrement, c’était dur : couvrir toutes ces plages horaires, et notamment les heures creuses, nécessitait une masse salariale trop importante. Nous perdions donc pas mal d’argent mais nous ne voulions pas renoncer à un mode d’exploitation qui nous faisait rêver. Et les clients étaient tellement contents que nous étions sûres que ça allait finir par devenir rentable. Et le Covid a été comme une claque. Le confinement nous a forcé à revoir instantanément notre fonctionnement pour ne pas sombrer. Et finalement, cela a été salutaire : l’entreprise marche beaucoup mieux avec une exploitation plus classique. Il nous aura fallu une pandémie mondiale pour l’admettre. Aujourd’hui, seul vestige de l’ancien système, nous restons ouvert en continu le samedi et le dimanche.

En 2017, dans nos colonnes (lire ici), vous aviez évoqué les difficultés liées au fait d’être entrepreneur, du besoin de se faire aider et vous aviez notamment dit : "Le management ce n’est pas inné et c’est pourtant la clé". Pourriez-vous nous expliquer le travail que vous avez mené à ce moment-là ? Vous êtes-vous fait aider par des formations ? Des coachs ? Quels sont les principaux enseignements que vous avez retenus ?

D’abord, nous avons beaucoup échangé avec les gens du métiers. Ce qui n’est pas toujours facile parce que tout le monde a son idée de ce qu’il faut faire pour être un bon dirigeant. Il faut donc apprendre à trier, savoir ce qui résonne ou pas avec son instinct. Ce n’est pas avec des préceptes généraux préétablis par les gens du métier que l’on manage, mais avec qui on est. Au final, ce qui nous a le plus aidées, c’est de travailler avec une coach en management. Elle nous a appris à mieux nous connaître, à définir notre vision à long terme, à construire un cadre, le faire appliquer, à séparer notre rôle de dirigeantes de notre personne.

 

Qu'est-ce qu'un bon manager en 2023 ?

C'est quelqu’un qui sait poser les bonnes questions et qui n’a pas peur d’écouter les réponses, en les écoutant vraiment.  Il garde ses radars ouverts et doit savoir lire son équipe, comme un capitaine de bateau sait lire la mer et la météo. Et surtout, un bon manager, et pas seulement en 2023, c'est quelqu’un qui montre l’exemple.

 

Travailler en famille : facile ou vrai challenge ? Comment on se répartit les rôles ?

C’est à la fois génial et assez difficile. Génial, parce que la confiance est absolue. Difficile, parce qu’il nous a fallu réapprendre à nous parler, presque à nous connaître. Aujourd’hui, après quinze ans d’association, nous sommes conscientes de nos travers, de nos réflexes et de nos forces respectives. Notre chance est que, étant très différentes, presque opposées, nous avons des champs d’action complémentaires. Florence s’occupe de la technique, de la partie financière et tient la rigueur du cadre culinaire. Moi, je m’occupe de la communication, des ressources humaines et du management.

 

En 2022 vous avez signé une tribune contre les réservations non honorées (les no shows) au restaurant. Avez-vous mis en place une stratégie particulière pour lutter contre cette pratique dans vos établissements ?

Oui, chez Marcello, nous venons de mettre en place un système d’empreinte bancaire pour les soirs de grande affluence et pour les grandes tables. Cela complexifie évidemment la prise de réservation et cela mécontente certains habitués. Nous avons d’ailleurs hésité à maintenir le système. Mais les no shows ont tellement diminué que cela nous semble être le futur. D’ailleurs, cette pratique se répand dans beaucoup d’établissements désormais.

 

Est-ce que vous constatez que l’un de vos établissements est plus touché que les autres par les no show ? Pourquoi selon vous ?

Pas tellement plus que d’autres établissements. J’en ai parlé à beaucoup d’amis restaurateurs, qui ont des petites, moyennes ou grandes structures, le no show frappe tout le monde. Peut-être un peu moins les petits parce que les gens ont plus d’empathie. C’est d’ailleurs au Steam Bar, notre plus petit établissement [42 couverts, NDLR] que nous avons le moins de no show et, avant l’empreinte bancaire, c’était chez Marcello [120 couverts, NDLR] que nous en avions le plus.

 

Vous dirigez trois affaires depuis 2017. Avez-vous de nouveaux projets à venir ?

Oui, nous avons un projet en préparation auquel nous réfléchissons depuis un an déjà. Nous cherchons le lieu parfait pour le réaliser. Malgré de nombreuses visites, nous n’avons pas encore eu de coup de cœur mais cela nous laisse le temps pour bien développer le projet et être prêtes à dégainer quand nous tomberons sur la perle rare.

 

Management #MarieLornaVaconsin# #Marcello#


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Publié par Romy CARRERE



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