Cela fait près de vingt ans que Sandra Gallet, gérante du restaurant traditionnel Côté Pont, à Pontarlier (Doubs), a fait le choix du menu unique renouvelé tous les jours. “À la base, c’était pour travailler les produits frais et de saison, dans un esprit comme à la maison. Comme on travaille beaucoup sur réservation, qu’on commande tous les jours et qu’on n’a pas de stock, il n’y a pas de gaspillage”, explique-t-elle. La restauratrice annonce sur une ardoise et en ligne la liste des menus de la semaine à venir, dont les prix fluctuent selon les ingrédients utilisés. “On ne s’ennuie jamais. Il faut se creuser la tête pour changer de menu à ce rythme, et essayer de varier les inspirations pour plaire à un maximum de gens. Par exemple, on propose un menu végétarien par semaine. L’hiver, tous les jeudis, on sert notre spécialité : la tête et la langue de veau ravigote, dont les gens raffolent. Le week-end, le menu est un peu plus élaboré. Quant aux allergènes, on peut préparer une portion spéciale si on est prévenu lors de la réservation”, précise-t-elle.
L’établissement, qui affiche 25 couverts et un ticket moyen d’une trentaine d’euros (hors boisson), a “séduit une clientèle de touristes et d’habitués, dès le début”. “Le concept permet de fidéliser la clientèle. Des collègues ont d’ailleurs adopté l’idée, un ou deux jours par semaine”, note-t-elle.
Simplifier l’opérationnel
De son côté, Maison Carne, dont la maison-mère se trouve à Béziers (Hérault), s’est inspiré du principe du célèbre restaurant L’Entrecôte. La formule à 34,90 € comprend une côte de bœuf d’un kilo avec entrée, frites et salade. Un plateau de fromage au poids et cinq desserts au choix viennent en supplément. “Je ne viens pas du milieu de la restauration, déclare Baudoin de Fournas, à la tête de l’enseigne franchisée. Je voulais un concept qui permette de simplifier la cuisine, la gestion des stocks et de l’entreprise. En salle, les serveurs ont juste à demander la cuisson de la viande et les boissons. Pour les approvisionnements, c’est très facile, et les volumes permettent de négocier les prix.”
Éduquer la clientèle
Dans la sphère gastronomique, le menu unique a conquis de nombreuses tables comme le restaurant Roselières, ouvert à Saujon (Charente-Maritime) en 2022. “On change de menu toutes les six semaines, pour suivre au plus près la saisonnalité - on est à 90 % en ultra-local. Le menu unique permet d’augmenter la qualité des produits et le travail dans chaque assiette. C’est d’autant plus intéressant qu’on est une très petite équipe : trois en cuisine et deux en salle pour vingt couverts maximum. C’est aussi une façon de pousser le client à découvrir quelque chose qu’il n’aurait pas forcément choisi, et d’affirmer une identité forte”, détaille la cogérante Julie Vedrenne. Pourtant, les débuts n’ont pas été évidents. “Le menu unique n’a pas posé de problème avec les Parisiens et les Bordelais qui ont une résidence secondaire dans la région. En revanche, cela a créé un frein, un sentiment de panique auprès de la clientèle locale et âgée. À la place de l’établissement traditionnel qu’on a repris, on proposait un menu unique, axé sur le végétal… On a failli abandonner”, avoue-t-elle. Pour inverser la tendance, un gros travail d’explication s’est avéré nécessaire en salle. Parallèlement, le Gault&Millau a repéré l’établissement, et finalement, “plus de 95 % des clients sont revenus”. “Le plus dur, c’est la première fois, reconnaît Julie Vedrenne. Maintenant, les gens choisissent le nombre de plats - trois, cinq ou sept -, sans regarder le menu, et acceptent de se laisser porter.” Un “pari gagnant”.
Publié par Violaine BRISSART